jeudi 18 décembre 2008

Paris doit renforcer la coopération avec l’Afrique, selon les députés


Philippe Bernard Le Monde 17-12-2008
jeudi 18 décembre 2008

Si elle veut redorer son blason en Afrique, la France ne peut pas se contenter d’y faire des affaires, elle doit y incarner la démocratie. La principale conclusion du rapport rédigé par dix députés français sur "La politique de la France en Afrique", rendu public mercredi 17 décembre, sonne comme une critique de l’action du gouvernement. Le secrétaire d’Etat à la coopération Alain Joyandet, nommé en mars pour remplacer l’indélicat Jean-Marie Bockel, proclame sa volonté de mettre la diplomatie africaine de la France au service des intérêts économiques du pays.

Ce débat entre approche purement économique et sensibilité aux valeurs a agité la mission d’information présidée par le député (UMP) Jean-Louis Christ. Au mois de juillet, M. Christ s’était insurgé publiquement contre la tonalité économiste du travail de la mission dont le rapporteur était alors le député et ancien ministre (UMP) Renaud Dutreil. Après cette fronde, la publication du rapport, en gestation depuis un an déjà, avait été reportée. Depuis lors, M. Dutreil est devenu président de la filiale américaine du groupe LVMH et a dû démissionner de l’Assemblée nationale.

Le travail des députés part du constat d’un "désamour" entre la France et l’Afrique. D’un côté, l’Hexagone souffre d’une "image dégradée" sur le continent noir, notamment parce que Paris a "trop longtemps soutenu (...) des régimes honnis par leurs peuples". De l’autre, l’Afrique a cessé d’intéresser les Français. D’où un "repli" général marqué par une politique de coopération "en peau de chagrin".

"Nous avons délaissé ce continent dont nous n’avons pas vu qu’il avait changé", constatent les députés. Cette désaffection apparaît paradoxale au moment où les grandes puissances, notamment la Chine, investissent et courtisent l’Afrique. La mission parlementaire suggère un "aggiornamento" de la politique française afin de "parvenir à une relation (...) apaisée et constructive" basée sur un "nouveau regard". Prudents, les députés ne s’aventurent pourtant que mollement dans un domaine réservé de fait à l’exécutif sous la Ve République. Ils réclament un changement "d’approche et de style" sans revendiquer un rôle actif, se contentant d’espérer être "informés et consultés (...) sur les fondements de l’intervention (...) de la France en Afrique". Ils semblent ainsi se satisfaire de l’appel, lancé par Nicolas Sarkozy au Cap (Afrique du Sud) en février, en faveur d’une "refondation" des relations franco-africaines. Pas un mot sur le retour en grâce à l’Elysée des intermédiaires officieux avec certains régimes africains, ni sur la politique d’immigration, source centrale de contentieux.

Pour lutter contre la dilution de l’effort français dans l’aide européenne, les députés proposent de "renforcer les moyens consacrés à la coopération bilatérale" et même de revenir "partiellement" à une "aide liée", accordée en contrepartie du recours aux entreprises françaises et aujourd’hui bannie.

Dans les pays potentiellement émergents comme le Nigeria ou l’Afrique du Sud, l’aide serait ciblée sur le développement économique. Mais dans les pays francophones moins porteurs, elle serait concentrée sur "l’éducation ou la santé". Se dispensant d’une analyse précise des actions menées par l’exécutif actuel, les députés assurent que la France, en incarnant "les principes de respect des droits et libertés individuels et de solidarité", peut, en Afrique, "faire la différence" avec les Etats-Unis ou la Chine.

Philippe Bernard

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