03-05-2011, 00h40
Liberté - Mardi 03 Mai 2011)
Les dictatures musulmanes sans Ben Laden
Par : Mustapha Hammouche
La nouvelle de l’élimination du chef d’Al-Qaïda a réjoui le monde. Mais, sans qu’aucune voix officielle n’aille jusqu’à imiter le Hamas palestinien qui a franchement condamné l’exécution de Ben Laden, les États musulmans se sont, à quelques exceptions près (Turquie, Irak et Yémen), retenus d’exprimer le sentiment que sa mort suscite en eux.
La mémoire de Ben Laden jouit et jouira encore longtemps de deux traits de caractère des élites politiques arabo-musulmanes.
Le premier tient au rôle conservateur du terrorisme islamiste : il constitue l’épouvantail par lequel les dictatures arabes et musulmanes se légitiment aux yeux de la communauté internationale. Celle-ci, persuadée par ses analystes de l’inaptitude culturelle des peuples musulmans à envisager un destin démocratique, s’est laissé convaincre de la fatalité, pour nous, du choix entre théocratie et caporalisme musclé. Le “printemps arabe” a d’abord surpris les amis démocrates de nos autocrates. Il n’était pas inscrit dans leurs scénarii les plus bienveillants.
Ce mouvement, à lui seul, valait une mise à mort de Ben Laden.
La seconde particularité tient à la couardise caractéristique d’une génération de dirigeants qui se sont opportunément, mais illégitimement, emparés du pouvoir cédé par le colonisateur et, parfois, directement transmis à eux par la puissance occupante. Elle tient à la démission d’une élite timorée qui préfère occuper des fonctions parasitaires que s’investir dans les luttes de son peuple.
L’anti-américanisme qui leur offre le confort d’un ennemi qu’ils n’auront pas à affronter est préférable à l’anti-intégrisme qui les mettrait en position d’assumer un combat. Nos régimes, comme nos élites intellectuelles et religieuses, se meuvent dans cette géostratégie à géométrie variable : elle consiste à s’inventer des ennemis et des alliés de circonstance, thématiques. Un jour, c’est l’Amérique hégémonique ; l’autre, c’est le terrorisme… international désincarné.
Les États, dirigeants et élites musulmans font comme si Ben Laden est l’ennemi des seuls États-Unis et ses alliés occidentaux. À peine s’en prennent-ils à un terrorisme générique, non identifié et surtout “étranger aux mœurs islamiques”. L’Algérie, qui endure les nuisances de la filiale la plus farouche d’Al-Qaïda, n’a pas émis le moindre message d’émotion après l’assassinat récent de vingt de ses soldats, fuyant la responsabilité de rendre justice à ses citoyens agressés pour préserver les chances d’une illusoire “réconciliation” qu’elle implore depuis douze ans et, accessoirement, pour ne pas perturber l’inauguration du statut temporaire de Tlemcen, capitale la culture islamique.
Bien que ses disciples aient tué plus de victimes en Algérie que n’importe où dans le monde, la fin de Ben Laden passe officiellement comme un non-événement. Ben Laden a fait des petits, en effet, et il terrorise donc toujours les dirigeants arabes et musulmans.
Hier, à Alger, le pouvoir s’occupait de réduire au silence des étudiants qui demandaient une “université ouverte sur le monde” et… “la fin du régime”.
Est-ce la mort conjointe du terrorisme et du despotisme islamique ? Satané “printemps arabe” qui, bien plus que Ben Laden, inquiète les despotes musulmans ! Oussama, où-es-tu ? Ils n’ont plus peur de crier “Liberté” !
Les dictatures musulmanes sans Ben Laden
Par : Mustapha Hammouche
La nouvelle de l’élimination du chef d’Al-Qaïda a réjoui le monde. Mais, sans qu’aucune voix officielle n’aille jusqu’à imiter le Hamas palestinien qui a franchement condamné l’exécution de Ben Laden, les États musulmans se sont, à quelques exceptions près (Turquie, Irak et Yémen), retenus d’exprimer le sentiment que sa mort suscite en eux.
La mémoire de Ben Laden jouit et jouira encore longtemps de deux traits de caractère des élites politiques arabo-musulmanes.
Le premier tient au rôle conservateur du terrorisme islamiste : il constitue l’épouvantail par lequel les dictatures arabes et musulmanes se légitiment aux yeux de la communauté internationale. Celle-ci, persuadée par ses analystes de l’inaptitude culturelle des peuples musulmans à envisager un destin démocratique, s’est laissé convaincre de la fatalité, pour nous, du choix entre théocratie et caporalisme musclé. Le “printemps arabe” a d’abord surpris les amis démocrates de nos autocrates. Il n’était pas inscrit dans leurs scénarii les plus bienveillants.
Ce mouvement, à lui seul, valait une mise à mort de Ben Laden.
La seconde particularité tient à la couardise caractéristique d’une génération de dirigeants qui se sont opportunément, mais illégitimement, emparés du pouvoir cédé par le colonisateur et, parfois, directement transmis à eux par la puissance occupante. Elle tient à la démission d’une élite timorée qui préfère occuper des fonctions parasitaires que s’investir dans les luttes de son peuple.
L’anti-américanisme qui leur offre le confort d’un ennemi qu’ils n’auront pas à affronter est préférable à l’anti-intégrisme qui les mettrait en position d’assumer un combat. Nos régimes, comme nos élites intellectuelles et religieuses, se meuvent dans cette géostratégie à géométrie variable : elle consiste à s’inventer des ennemis et des alliés de circonstance, thématiques. Un jour, c’est l’Amérique hégémonique ; l’autre, c’est le terrorisme… international désincarné.
Les États, dirigeants et élites musulmans font comme si Ben Laden est l’ennemi des seuls États-Unis et ses alliés occidentaux. À peine s’en prennent-ils à un terrorisme générique, non identifié et surtout “étranger aux mœurs islamiques”. L’Algérie, qui endure les nuisances de la filiale la plus farouche d’Al-Qaïda, n’a pas émis le moindre message d’émotion après l’assassinat récent de vingt de ses soldats, fuyant la responsabilité de rendre justice à ses citoyens agressés pour préserver les chances d’une illusoire “réconciliation” qu’elle implore depuis douze ans et, accessoirement, pour ne pas perturber l’inauguration du statut temporaire de Tlemcen, capitale la culture islamique.
Bien que ses disciples aient tué plus de victimes en Algérie que n’importe où dans le monde, la fin de Ben Laden passe officiellement comme un non-événement. Ben Laden a fait des petits, en effet, et il terrorise donc toujours les dirigeants arabes et musulmans.
Hier, à Alger, le pouvoir s’occupait de réduire au silence des étudiants qui demandaient une “université ouverte sur le monde” et… “la fin du régime”.
Est-ce la mort conjointe du terrorisme et du despotisme islamique ? Satané “printemps arabe” qui, bien plus que Ben Laden, inquiète les despotes musulmans ! Oussama, où-es-tu ? Ils n’ont plus peur de crier “Liberté” !
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