27-04-2011, 15h49
Interview du maire de Ber sur Aqmi et insécurité au Nord du Mali : instructif
Le Combat - 27 04 2011
Le Maire de Ber, M Mohamed Lamine Ould Sidate parle : De la présence des combattants venus de Libye - De l’affaire du Boeing Air Cocaïne - D’AQMI et de la guerre d’influence à Tombouctou - De l’après ATT et de l’inquiétude des nomades…
Depuis un certain temps, les éléments d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) sont de plus en plus présents dans les villes du Nord Mali. Mieux, ils lancent des tracts menaçant de mort des personnalités. A ce problème récurent s’ajoute celui du Boeing 727 de la drogue ayant atterri à Tarkint en 2009. Pour avoir d’amples informations sur ces situations, nous avons rencontré le maire de la commune rural de Ber, Mohamed Lamine Ould Sidate. Ce grand intellectuel de la communauté arabe qui a choisi de rester dans le désert pour investir dans le développement rural nous donne, sans détour, ses impressions sur l’actualité dans le septentrion malien. Avant de parler du PSPSDN. Un Programme d’urgence pour la sécurité et le développement du Nord dont a bénéficié la commune de Ber, à 60 Km de Tombouctou, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Le combat : Quel est l’état de la situation sécuritaire dans la commune de Ber ?
Mohamed lamine Ould Sidate : "Ici, Al Qaida au Maghreb islamique n’est pas un chacal qui va manger les animaux des nomades. AQMI ne représente aucune menace pour la population. Du coup, la communauté ne s’investit pas pour la sécurité de la zone. Cependant, lorsqu’il y a des projets de construction des écoles, des médersas, des Stations de pompage solaire, des centres de santé, les communautés ont tendance à protéger les acquis. C’est dire que les gens aspirent au développement et à la sécurité. Les nomades s’impliqueront à la sécurité de la région pour défendre justement ces acquis. Ainsi nous pouvons mettre un frein au recrutement d’AQMI parmi nos jeunes de la localité.
L’autre problème est celui de la sensibilisation, de l’information et de formation aux droits civiques. Beaucoup de nomades pensent qu’AQMI et la fraude sont des activités légales. Il suffit de demander un nomade sur ces activités ; il te répondra qu’il est trafiquant, fraudeur ou membre d’AQMI. Pour un nomade, un trafiquant est un commerçant. Il faut encadrer les gens et les sensibilisés au droit civique. Pour ça, il faut les jours du marché hebdomadaire, un centre d’intérêt économique vers lequel ces nomades convergent. Et c’est là qu’on peut les toucher."
Pourquoi AQMI a lancé des tracts à Tombouctou ?
"AQMI est une force importante dans la région. Ce sont des gens qui ont les moyens. Ils s’investissement auprès de la population, dans des projets comme la construction de puits, les soins aux nomades de la zone…
Les éléments d’AQMI veulent avoir une masse derrière eux, un soutien populaire. Heureusement que les leaders politiques de la région se sont finalement réveillés aujourd’hui. Il faut récupérer le terrain et les populations sous influence d’AQMI.
Aujourd’hui, ces éléments d’AQMI se sentent menacés par cette nouvelle opposition. Ils ont compris qu’il y a des gens qui commencent à récupérer les populations sous leur influence tout en les empêchant de procéder à des regroupements dans le désert. Entre AQMI et nous, l’enjeu reste la population. Nous voulons récupérer nos populations et AQMI s’y oppose.
Ces tracts lancés à Tombouctou sont en effet destinés seulement à certaines personnes bien connues."
Pourquoi AQMI est de plus en plus présent dans des villes au Nord Mali?
"C’est d’abord, à la suite de cet affrontement entre les populations locales et AQMI suite à l’assassinat des colonels arabes (le colonel Lamana Ould El Bou et le colonel Hamma). Dès lors, les populations sont réticentes à composer avec eux. C’est ainsi qu’ils ont pris du recul parce qu’étant fragilisés. Mais suite à la crise Libyenne ils (éléments d’AQMI) ont eu de la force. D’abord, grâce aux armes qu’ils ont récupérées, et maintenant, ils procèdent au recrutement des combattants venant de la Libye. Ces derniers se trouvent dans une situation précaire dans le nord Mali.
L’autre problème est lié au départ prochain d’ATT en 2012. Les nomades s’interrogent aujourd’hui sur leur sort. De quoi sera fait demain ? Ces incertitudes et interrogations sont favorables à AQMI. Il se peut que certains au sein de la communauté soient infiltrés et agissent au compte du groupe.
A mon avis, les gens ne sont plus prêts à se rallier à eux. Evidemment, il y a de fortes chances qu’AQMI ait procédé à des recrutements à partir de la Libye ou de L’Algérie. A ma connaissance, ces combattants ne sont pas issus de nos communautés."
Quelle analyse faite-vous de l’affaire du Boeing 727 de la cocaïne à Tarkint ?
"Au Nord Mali, Il y a le problème d’AQMI, des narcotrafiquants et des mouvements susceptibles de se soulever à tout moment. A l’origine de tous ces problèmes se trouvent la précarité, la pauvreté des populations et, surtout, l’absence de l’Etat aux côtés de cette population. Tant qu’on n’arrivera pas à avoir des programmes de développement pour occuper la jeunesse, celle-ci sautera toujours sur des occasions comme celles offertes par AQMI ou le trafic de drogue.
L’autre difficulté est liée à l’amalgame. Ici, certains ne font pas la différence entre les trafiquants de drogue, les combattants d’AQMI et les paisibles populations. Toutes ces composantes sont cependant susceptibles de s’interpénétrer et de ne faire qu’une si l’on ne prend garde.
En clair, si l’on continue, sans distinction aucune, de coller l’étiquette de narcotrafiquants ou d’AQMI aux Arabes ou aux Tamasheqs du Mali, l’on poussera les victimes à rejoindre les coupables.
Aussi, Je dirai à l’Etat et aux bailleurs de fonds qu’ici, les populations sont dans l’insécurité totale à cause de la précarité
Le seul moyen de freiner le recrutement d’AQMI consiste à encadrer la population locale, à l’éduquer et à l’orienter. Tenez par exemple : la présence de l’armée mauritanienne ici a été considérée comme l’annonce de bombardements dont les seules populations civiles seront les victimes, pas pour lutter contre les trafiquants ou AQMI.
Je dirai donc de bouger et d’aller vers la population à travers des actions de développement local."
Propos recueillis par Baba Ahme
Le Maire de Ber, M Mohamed Lamine Ould Sidate parle : De la présence des combattants venus de Libye - De l’affaire du Boeing Air Cocaïne - D’AQMI et de la guerre d’influence à Tombouctou - De l’après ATT et de l’inquiétude des nomades…
Depuis un certain temps, les éléments d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) sont de plus en plus présents dans les villes du Nord Mali. Mieux, ils lancent des tracts menaçant de mort des personnalités. A ce problème récurent s’ajoute celui du Boeing 727 de la drogue ayant atterri à Tarkint en 2009. Pour avoir d’amples informations sur ces situations, nous avons rencontré le maire de la commune rural de Ber, Mohamed Lamine Ould Sidate. Ce grand intellectuel de la communauté arabe qui a choisi de rester dans le désert pour investir dans le développement rural nous donne, sans détour, ses impressions sur l’actualité dans le septentrion malien. Avant de parler du PSPSDN. Un Programme d’urgence pour la sécurité et le développement du Nord dont a bénéficié la commune de Ber, à 60 Km de Tombouctou, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Le combat : Quel est l’état de la situation sécuritaire dans la commune de Ber ?
Mohamed lamine Ould Sidate : "Ici, Al Qaida au Maghreb islamique n’est pas un chacal qui va manger les animaux des nomades. AQMI ne représente aucune menace pour la population. Du coup, la communauté ne s’investit pas pour la sécurité de la zone. Cependant, lorsqu’il y a des projets de construction des écoles, des médersas, des Stations de pompage solaire, des centres de santé, les communautés ont tendance à protéger les acquis. C’est dire que les gens aspirent au développement et à la sécurité. Les nomades s’impliqueront à la sécurité de la région pour défendre justement ces acquis. Ainsi nous pouvons mettre un frein au recrutement d’AQMI parmi nos jeunes de la localité.
L’autre problème est celui de la sensibilisation, de l’information et de formation aux droits civiques. Beaucoup de nomades pensent qu’AQMI et la fraude sont des activités légales. Il suffit de demander un nomade sur ces activités ; il te répondra qu’il est trafiquant, fraudeur ou membre d’AQMI. Pour un nomade, un trafiquant est un commerçant. Il faut encadrer les gens et les sensibilisés au droit civique. Pour ça, il faut les jours du marché hebdomadaire, un centre d’intérêt économique vers lequel ces nomades convergent. Et c’est là qu’on peut les toucher."
Pourquoi AQMI a lancé des tracts à Tombouctou ?
"AQMI est une force importante dans la région. Ce sont des gens qui ont les moyens. Ils s’investissement auprès de la population, dans des projets comme la construction de puits, les soins aux nomades de la zone…
Les éléments d’AQMI veulent avoir une masse derrière eux, un soutien populaire. Heureusement que les leaders politiques de la région se sont finalement réveillés aujourd’hui. Il faut récupérer le terrain et les populations sous influence d’AQMI.
Aujourd’hui, ces éléments d’AQMI se sentent menacés par cette nouvelle opposition. Ils ont compris qu’il y a des gens qui commencent à récupérer les populations sous leur influence tout en les empêchant de procéder à des regroupements dans le désert. Entre AQMI et nous, l’enjeu reste la population. Nous voulons récupérer nos populations et AQMI s’y oppose.
Ces tracts lancés à Tombouctou sont en effet destinés seulement à certaines personnes bien connues."
Pourquoi AQMI est de plus en plus présent dans des villes au Nord Mali?
"C’est d’abord, à la suite de cet affrontement entre les populations locales et AQMI suite à l’assassinat des colonels arabes (le colonel Lamana Ould El Bou et le colonel Hamma). Dès lors, les populations sont réticentes à composer avec eux. C’est ainsi qu’ils ont pris du recul parce qu’étant fragilisés. Mais suite à la crise Libyenne ils (éléments d’AQMI) ont eu de la force. D’abord, grâce aux armes qu’ils ont récupérées, et maintenant, ils procèdent au recrutement des combattants venant de la Libye. Ces derniers se trouvent dans une situation précaire dans le nord Mali.
L’autre problème est lié au départ prochain d’ATT en 2012. Les nomades s’interrogent aujourd’hui sur leur sort. De quoi sera fait demain ? Ces incertitudes et interrogations sont favorables à AQMI. Il se peut que certains au sein de la communauté soient infiltrés et agissent au compte du groupe.
A mon avis, les gens ne sont plus prêts à se rallier à eux. Evidemment, il y a de fortes chances qu’AQMI ait procédé à des recrutements à partir de la Libye ou de L’Algérie. A ma connaissance, ces combattants ne sont pas issus de nos communautés."
Quelle analyse faite-vous de l’affaire du Boeing 727 de la cocaïne à Tarkint ?
"Au Nord Mali, Il y a le problème d’AQMI, des narcotrafiquants et des mouvements susceptibles de se soulever à tout moment. A l’origine de tous ces problèmes se trouvent la précarité, la pauvreté des populations et, surtout, l’absence de l’Etat aux côtés de cette population. Tant qu’on n’arrivera pas à avoir des programmes de développement pour occuper la jeunesse, celle-ci sautera toujours sur des occasions comme celles offertes par AQMI ou le trafic de drogue.
L’autre difficulté est liée à l’amalgame. Ici, certains ne font pas la différence entre les trafiquants de drogue, les combattants d’AQMI et les paisibles populations. Toutes ces composantes sont cependant susceptibles de s’interpénétrer et de ne faire qu’une si l’on ne prend garde.
En clair, si l’on continue, sans distinction aucune, de coller l’étiquette de narcotrafiquants ou d’AQMI aux Arabes ou aux Tamasheqs du Mali, l’on poussera les victimes à rejoindre les coupables.
Aussi, Je dirai à l’Etat et aux bailleurs de fonds qu’ici, les populations sont dans l’insécurité totale à cause de la précarité
Le seul moyen de freiner le recrutement d’AQMI consiste à encadrer la population locale, à l’éduquer et à l’orienter. Tenez par exemple : la présence de l’armée mauritanienne ici a été considérée comme l’annonce de bombardements dont les seules populations civiles seront les victimes, pas pour lutter contre les trafiquants ou AQMI.
Je dirai donc de bouger et d’aller vers la population à travers des actions de développement local."
Propos recueillis par Baba Ahme
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