Jean-Jacques Dikongué-http://www.camer.be-18-02-10
Mouammar Khadafi fait valser les uns et les autres
samedi 20 février 2010
Les éloges à son endroit ne tarissent point et parmi lesquels reviennent plus souvent : dictateur, fou aliéné, illuminé etc… Mais s’il y a une qualité qu’on doit lui reconnaître, c’est bien que le leader libyen est un fin et habile tacticien quoi qu’on en pense. Et la valse qu’il a organisée pour les européens suite à la décision de la Libye de ne plus donner de visas aux ressortissants de l’espace Schengen montre que le père de la Jamarihiya ne se fait pas dicter la loi ou en d’autres termes, on n’obtient pas de lui, beurre, argent du beurre et en plus son sourire. De toute évidence, Kadhafi est un mauvais crémier pour qui compte en tirer plus qu’il n’a payé.
Dès que les intérêts sont en jeu, aucune place pour les sentiments comme le soutenait Richelieu « les Etats n’ont pas de sentiments, ils n’ont que des intérêts ». En condamnant hier l’attitude de la Suisse qui, dit-il, prend les libyens en otages, Bernard Kouchner a déclenché la ire des helvétiques. Mais Tocqueville lui-même ne disait-il pas aussi que "En politique, la communauté des haines fait presque le fond des amitiés". La France au secours de la Libye, face à la Suisse. Plus ubuesque comme situation, notre imagination aurait été incapable d’en créer. Mais l’habileté et le cynisme politiques dont fait preuve le leader libyen y sont pour grande chose. Car le cynisme dont fait preuve le colonel Kadhafi est la qualité qui manque à de nombreux dirigeants africains à l’échelle internationale, sauf lorsqu’il s’agit de s’en prendre voire de mater la contradiction à l’intérieur pour préserver leurs acquis.
Quels enseignements pour l’Afrique et les africains ?
Chaque sortie du colonel Kadhafi dans la défense de son honneur et de son pays est symétriquement l’occasion de compter en Afrique francophone, le nombre de ses pourfendeurs.
C’est ainsi qu’il n’est pas rare de lire çà et là que la décision du leader libyen de refuser les visas aux ressortissants de l’espace Schengen relève d’une pure gesticulation sans autre issue. C’est vrai ! Mais dans ce cas, la probité intellectuelle nous oblige à définir dans quel cadre. Lorsqu’on reste dans une posture bien afro francophone dans laquelle la dignité et le pragmatisme ont fait place à la docilité imbécile et à la compromission même pour une poignée de CFA, alors cette analyse est juste. Car il n’est pas rare de voir que dans cette partie précise du continent, on vendrait père et mère au lieu de gesticuler pour au moins sauver les apparences. La preuve est que les populations de ces pays sont les plus enclines à la demande aux visas, elles sont les plus inscrites dans le registre des réfugiés économiques et la cause ? La situation économique épouvantable de leur pays respectif résultat de la docilité morbide et des compromissions tous azimuts de leurs dirigeants.
Il n’est pas rare de lire ci et là, que Kadhafi voudrait introduire l’islam dans toute l’Afrique alors, pour ces intentions infondées et qui ne relèvent que du fantasme tout en démontrant la propension à subir ; car si tel est le cas, il suffit de gesticuler comme lui, pour ne pas être envahi par l’islam versus Kadhafi. Alors il est désigné de facto comme l’homme à abattre et on nie sa dextérité et son pragmatisme pour des calomnies. Faut-il rappeler que l’islam sévit (c’est le cas de le dire ici) dans ces pays, avant Kadhafi et continuera même sans lui. On a beau cherché le rapport entre cette antienne et le débat pour essayer d’en extraire une raison.
En accordant implicitement un blanc seing à ou aux religions dominantes dans les pays des pourfendeurs du père de la révolution verte, a-t-on pour autant les problèmes liés à la paupérisation chronique qui les ronge ? Non !
Il ne s’agit pas d’un exercice de plébiscite, mais bien de la politique, de la Realpolitik. Tant qu’il voie les intérêts de son pays, Kadhafi ne recule devant rien à l’image de ce que font les européens et les autres dirigeants. Et comme eux, il sait qu’il peut donner d’une main et reprendre de l’autre. Il en a les moyens et il les utilise à ces fins comme les autres. Il a à cœur la grandeur de son peuple et de son pays. Quelles que soient les raisons derrière et rien ne permet un tel exercice risqué de vaticination, Bernard Kouchner vient d’infliger un camouflet à d’autres européens pourtant en soutenant Kadhafi. La raison principale est et reste l’intérêt de son pays. Au nom de quoi ne permet-on pas à Kadhafi d’infliger des camouflets aux africains en pactisant avec les nations européennes sur les questions de l’immigration par exemple si son pays y gagne ? Peut-être est-il un des rares à comprendre qu’il peut traiter d’égal à égal comme le font aujourd’hui les dirigeants sud-américains sans génuflexion aucune.
Les détracteurs de Kadhafi en Afrique nous offre là, par leur lecture et la perception de l’homme, une des raisons pour lesquelles les africains de la zone francophone de surcroît ne seront jamais respectés. La docilité imbécile dont font montre leurs dirigeants en lieu et place d’une gesticulation pragmatique qui procure crainte à défaut de respect. Qu’on se le dise, on s’en fout des nègres à Paris dit-on communément et cette boutade se vérifie à la mesure des compromissions des dirigeants ces pays où la docilité à tout est érigée en modèle qu’on le veuille ou pas.
© Camer.be : Jean-Jacques Dikongué
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