Valérie de Graffenried-Le temps-Genève-26-02-10-http://www.letemps.ch
L’UE veut discuter des visas Schengen en dehors de l’affaire libyenne
vendredi 26 février 2010
L’UE soutient la Suisse mais la presse de trouver rapidement un accord avec Tripoli. Mouammar Kadhafi, lui, appelle au « djihad » contre la Suisse
L’UE est pressée. Lésés par la réaction libyenne à la pratique restrictive de la Suisse en matière de visas, les pays européens s’engagent à aider Berne à résoudre son conflit avec Tripoli qui dure depuis juillet 2008. Mais ils veulent une fin rapide de la « guerre des visas » qui fait rage depuis dix jours. En visite à Bruxelles pour une réunion du Comité mixte Schengen réunissant les ministres de la Justice et de l’Intérieur de l’UE, Eveline Widmer-Schlumpf a dû s’expliquer sur ce dossier.
« Aucune exigence ne nous a été imposée », a déclaré la ministre de Justice et police à l’issue des entretiens. Ces derniers jours pourtant, des dents ont grincé. Du côté italien surtout. Tripoli a décidé, le 14 février, de fermer son territoire aux Européens en réaction au fait que Berne bloque depuis l’automne 2009 l’octroi de visas Schengen aux membres du clan Kadhafi et à de hauts dirigeants libyens. Franco Frattini, le ministre italien des Affaires étrangères, a très rapidement accusé la Suisse de prendre les Etats Schengen « en otage ». Publicité
D’autres pays de l’UE lui ont emboîté le pas et se sont également plaints d’une « interprétation large » des règles de la convention, à l’origine destinée à lutter contre les activités criminelles et terroristes. Jeudi, Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur italien, a remis une compresse. « Il n’est pas juste d’utiliser un instrument de coopération internationale pour influencer des rapports bilatéraux, sinon ce sera la fin de Schengen ! », a-t-il déclaré.
« Nous sommes membres de l’espace Schengen et comme n’importe quel membre, nous sommes en droit d’appliquer ces dispositions », s’est défendue Eveline Widmer-Schlumpf à l’issue des entretiens. Elle assure que l’agissement de la Suisse n’a pas été mis en cause lors de la réunion à laquelle elle a assisté.
Changer les règles Schengen ? L’Espagne, qui préside l’UE, avait déjà, avant la réunion, fait savoir que la question de l’interprétation et de l’usage de la convention serait clarifiée plus tard, « indépendamment de l’affaire libyenne ». Micheline Calmy-Rey vient par ailleurs de réaffirmer que la Suisse continue d’appliquer sa politique restrictive en matière de visas : Berne tient à rester ferme tant que Max Göldi, emprisonné à Tripoli, n’est pas de retour sur sol suisse.
Concrètement, la Suisse, en se basant sur l’article 96 de la Convention Schengen (lire ci-dessous), peut exiger que les Etats membres la consultent à chaque fois qu’un Libyen fait une demande de visa. Et opposer son veto en prenant appui sur une liste qui comprendrait près de 150 noms. Les pays concernés peuvent en revanche, s’ils le désirent, accorder des visas « nationaux » à ces mêmes personnes. Berne a décidé d’actionner ce levier après le kidnapping des deux otages suisses en septembre. Les Libyens les avaient fait sortir de l’ambassade de Suisse en prétextant une ultime visite médicale. Mais une fois à l’hôpital, ils ont été enlevés et détenus durant 52 jours dans un lieu secret. Pour Berne, cet acte illégal justifie le fait de pouvoir inscrire des responsables libyens sur une liste de personnes ayant commis des « actes punissables graves ».
Jeudi, Eveline Widmer-Schlumpf a donc préféré mettre en avant le « soutien » des membres de Schengen à la Suisse. Les Européens ont remis la question de l’application des règles Schengen à plus tard, mais demandent toutefois plus d’engagement des deux parties pour trouver une solution rapide. Prenait-il ses désirs pour des réalités ? Franco Frattini avait laissé entendre la veille que le document de « sortie de crise » en négociation entre Tripoli et Berne le 18 février à Madrid, sous la houlette de l’Espagne, était « prêt à être signé ». Mais jeudi, le ministre espagnol de l’Intérieur s’est montré bien plus prudent. « L’Espagne et l’Allemagne (les médiateurs, ndlr) poursuivront leurs efforts pour trouver une solution, mais nous ne l’atteindrons pas encore aujourd’hui », a-t-il déclaré à son arrivée à Bruxelles.
Les négociations restent délicates et difficiles. Si Eveline Widmer-Schlumpf a choisi le ton de l’apaisement à Bruxelles, Mouammar Kadhafi, qui n’en est plus à une provocation près, a lui appelé au « djihad » contre la Suisse (lire ci-dessous). Interrogé par la DRS, l’avocat libyen de Max Göldi s’en est aussi pris à la Suisse. Salah Zahaf accuse Berne de ne pas entreprendre grand-chose pour la libération de son client. Le président de la Confédération ne s’est rendu qu’une fois à Tripoli ? « Mon client mériterait au moins quinze à vingt voyages », a-t-il affirmé.
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