dimanche 22 février 2009

Targuinca : NOUVELLES DES POPULATIONS DU NORD NIGER


22-02-09
Bulletin d'information n°7 de janvier-février 2009

Le 21 décembre 2008, les partisans du président Tanja ont proposé au Parlement une transition politique de trois ans, du 22 décembre 2009 au 22 décembre 2012 : pendant cette période, Mamadou Tanja piloterait un gouvernement « d’entente nationale ». En réaction, pour lutter contre une possible prolongation du mandat présidentiel, le 30 décembre, une vingtaine d’ONG et de syndicats nigériens ont créé à Niamey le « Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques » (FUSAD). A la mi-janvier, quelques combats ont eu lieu dans le Nord, dans les zones de Tamazlakh et d’Elmiki, entre le MNJ et les FAN. Deux hélicoptères des FAN ont lâché des bombes. A notre connaissance, il n’y a pas eu de victimes civiles.

Actuellement, des hélicoptères survolent quotidiennement la bordure du massif de l’Aïr pour repérer les rebelles du MNJ. De temps à autre, ils lancent des roquettes, terrorisant les civils disséminés en brousse.

De retour d’Agadez, un membre d’une ONG amie nous a dit que tous les villages de l’Aïr ont été désertés par leurs habitants, dont la majeure partie a fui vers les bidonvilles d’Arlit ou d’Agadez ou la frontière algérienne, tandis qu’une faible proportion s’est cachée en brousse. Seuls les habitants de Timia sont restés dans leur village. Ils subissent des pressions visant à les faire partir : exécutions arbitraires de responsables officiels…

Cependant, 60 à 80 habitants d’Iférouane, essentiellement des responsables officiels et des jardiniers, sont retournés dans leur commune pour voir l’état des lieux, faire un bilan, envisager des réparations et une réinstallation progressive de la population. Mais tout a été pillé : maisons, moteurs pour les pompes à eau, matériel de jardinage… Tout est à reconstruire.

Pendant que certains peinent à se procurer une bâche en plastique et une mesure de mil, un chantier absolument pharaonique se prépare.

La firme française AREVA a obtenu le marché pour le gisement d’uranium d’Imouraren, l’un des plus grands au monde. 66,65% des bénéfices de l’exploitation reviendront à AREVA, 33,35% à l’Etat du Niger. Le démarrage de la production est prévu pour 2012 ; le Niger deviendra alors le 2e producteur mondial d’uranium.

Quelles seront les retombées économiques pour la population locale ? Elle attend pour juger sur pièces. Les promesses sont mirobolantes : on avance les chiffres de 1,2 milliards d’euros d’investissement initial ; 1400 emplois directs sont prévus, 3000 indirects, ainsi que des réalisations dans le domaine social ( accès à l’eau potable, santé, éducation, transports). Mais à Arlit, selon Almoustapha Alhacen, coordinateur de la société civile d’Arlit, AREVA continue de veiller à ses propres intérêts sans prêter attention aux préoccupations de la population locale qui demande un accès à l’eau potable, des routes bitumées pour amoindrir les effets de la poussière radioactive, un site de maraîchage pour fournir des légumes frais aux habitants, l’embauche des jeunes de la localité confrontés au chômage et à la délinquance. Ces différentes revendications ont déjà été soulevées, « mais elles n’ont malheureusement pas été prises en compte dans le cahier de charges », affirme Almoustapha Alhacen. Saisi par la société civile d’Arlit, le ministre de l’Environnement a pris « l’engagement de mettre en place un cahier de charges et un comité de suivi et d’évaluation ». Le comité a été mis en place en janvier, mais le cahier de charges n’a pas intégré les aspirations des 120 000 habitants d’Arlit, scandalisés par l’attitude des responsables d’AREVA qui refusent de les écouter. « Nous avons sollicité une audience avec la présidente du directoire d’AREVA pour lui exposer nos problèmes afin qu’on puisse se comprendre sur ce que nous entendons par développement durable. Malheureusement, elle n’a pas voulu nous rencontrer », déplore Alhacen.

Le comité de recrutement d’AREVA est basé à Niamey, à l’autre bout du pays, alors que les gisements d’uranium sont dans le Nord. Dans ces conditions, les emplois que créera l’exploitation d’Imouraren profiteront-ils à la population locale ? On peut en douter. En revanche, il est certain que cette exploitation apportera une pollution radioactive et chimique et assèchera la nappe d’eau fossile des grés d’Agadez, la plus importante au Nord du Niger, mettant fin, à moyen terme, aux possibilités de pâturage et à la « cure salée », essentielle pour la santé de tout le bétail du Nord et moment fort de la culture touarègue.

L’association des parents d’élèves d’une école d’Arlit, dont notre partenaire Toudjani a été élu président, demande à Targuinca une aide pour réparer le bâtiment. Le toit, composé de nattes posées sur des murs en banco, aurait besoin d’être partiellement rénové et protégé par de la bâche en plastique pour éviter la dégradation des nattes et des murs lors des pluies. Les parents ont aussi de plus en plus de mal à payer le gardien, 45 euros par mois.

Les secouristes de Gougaram ont également fait appel à Targuinca : beaucoup d’ex-habitants de Gougaram, déplacés en brousse autour de ce qui fut leur village, n’ont pas vu d’infirmier depuis deux ans et nécessitent des soins. L’association a envoyé 200 euros et renouvellera son aide dès que nécessaire.

L'opération de la petite hydrocéphale, Fatimata, n'ayant pu avoir lieu, Targuinca a reversé une partie de la somme qui lui était consacrée à une association locale permettant l'opération de la cataracte d'un habitant de la commune de Tchiro qui avait perdu la vue depuis des mois.

Nous avons par ailleurs accédé à la demande d'un étudiant nigérien touareg exilé dans un pays limitrophe afin qu'il puisse valider sa troisième année d'études supérieure. Il lui manquait 600 euros pour solder ses frais de scolarité et finir son année de licence dans de bonnes conditions.

En France, le 16 janvier, à l’espace culturel Philippe Auguste de Vernon, Christiane Roy et Annick Destiné, représentantes des association APREL et Targuinca, ont organisé une soirée culturelle intitulée : « Touaregs, un peuple, un destin confisqué ». Issouf ag Maha y a donné une conférence, suivie d’un débat, avant de dédicacer son dernier livre : « Le destin confisqué ». L’assistance, une centaine de personnes, a ensuite écouté des poésies touarègues et de la musique traditionnelle, puis a pu s’intéresser à l’exposition « La malédiction de l’uranium » qui dénonce les conséquences de l’exploitation de l’uranium au Niger sur les populations locales, leur environnement, leur santé, leur mode de vie et leur culture. Cette soirée a été très appréciée.

Le dimanche 12 avril 2009, à Nantes, une association amie, La gazelle de Bermo, organise une journée d'information et de concert au bénéfice de Targuinca. Cette journée aura pour but de soutenir les populations civiles déplacées du Nord-Niger. Merci à tous les organisateurs.

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