jeudi 15 janvier 2009

Rapt de diplomates au Niger : l’impuissance de Niamey



Africatime / Mahorou Kanazoé Le Pays 15/01/2009
jeudi 15 janvier 2009

Après un long silence, mis sans doute à profit pour espérer retrouver les diplomates canadiens disparus, le président nigérien Mamadou Tandja avoue enfin son échec. Il ne pouvait se taire encore longtemps sur une affaire aussi grave, au risque de passer pour un dirigeant irresponsable.

La présentation des voeux au corps diplomatique accrédité dans son pays apparaissait dès lors comme une belle occasion pour une séance de rattrapage. Un exercice délicat qui confine à l’humiliation pour celui qui s’est toujours vanté d’être le meilleur garant de la sécurité des Nigériens et de leur hôtes. "Toutes les investigations portent à croire qu’ils (les diplomates canadiens) sont otages de groupes terroristes", a laissé entendre le président nigérien, faisant pour la première fois allusion à la disparition des diplomates, un mois après les faits. Outre l’aveu que les auteurs du rapt ont réussi à déjouer la vigilance des forces de sécurité nigériennes, il transparaît dans le discours de Tandja une évolution sémantique pour désigner les groupes armés sévissant dans le pays.

De "bandits", la terminologie officielle évoque maintenant des "terroristes". Les deux mots sont très différents, surtout en matière de géopolitique et dans un contexte marqué par la lutte tous azimuts contre le terrorisme ou tout mouvement insurrectionnel supposé comme tel. Le président Tandja internationalise en quelque sorte le problème, qui n’est plus, à ce moment, une question de lutte contre le banditisme ordinaire. Ce type de discours, on le sait, trouve un écho favorable au sein des grandes puissances que le mot "terroriste" fait frissonner.

L’ennui, c’est que les auteurs de l’enlèvement tardent à se signaler. Aucune revendication sérieuse, ni demande de rançon, n’ont été formulées pour permettre d’identifier les fameux "terroristes". Les mouvements rebelles nigériens ne font rien non plus pour clarifier la situation. Une première revendication du Front des forces de redressement avait été, par la suite, démentie. Quant au Mouvement des Nigériens pour la Justice, il dit ne rien à voir avec le kidnapping. Quand on sait que ce type d’opération a des retombées publicitaires, on ne peut que croire en la sincérité de ces dénégations. Mais alors qui aura réussi à soustraire les diplomates canadiens de la vigilance des forces de l’ordre ?

Dans les hypothèses émises ici et là, on évoque aussi la piste d’Al Qaïda au Maghreb islamique. Dans ses états de service, ce mouvement a déjà à son actif, l’enlèvement de nombreux Occidentaux. Souvent signalé au Mali, ce mouvement aurait donc, si cette version s’avérait, étendu ses tentacules jusqu’au Niger. On le voit, un mois après, un épais mystère continue d’entourer la disparition des deux Canadiens. Le président nigérien n’a pas permis non plus d’y voir clair dans sa déclaration. Mais l’impact de cette affaire sur l’image du gouvernement nigérien n’en demeure pas moins catastrophique. Elle met à mal la stratégie du tout sécuritaire adoptée par Niamey.

Il n’y a pas pire humiliation, pour un régime fort comme celui de Tandja, que de voir un rapt s’opérer au nez et à la barbe de ses services de sécurité. Et surtout, cet enlèvement crée désormais le malaise, sinon la psychose, chez les Occidentaux vivant au Niger.

Par Mahorou KANAZOE

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