Libye : l'avenir du régime Kadhafi en question
Des manifestants sont montés sur le toit d'un bâtiment du port de Tobruk, hissant l'ancien drapeau libyen, le 20 février 2011.
Reuters/StringerPar Marie-Pierre Olphand
RFI
photo:Seïf El Islam fils de Kadhafi
Les manifestations contre le régime du colonel Kadhafi sont réprimées avec une extrême violence. Des témoins ont affirmé que l'aviation avait bombardé la foule, lundi 21 février 2011, à Tripoli, ce que dément Saïf al-Islam, le fils du colonel Kadhafi. Le guide de la Révolution libyenne a pour sa part fait une brève apparition à la télévision dans la nuit. Les condamnations internationales se multiplient, de nombreux dignitaires libyens en poste à l'étranger annoncent leur défection et dans le pays l'opposition commence à se rassembler.
Le mouvement s'est étendu à la capitale et l'extrême est du pays semble avoir rallié les protestataires. La Fédération internationale des droits de l'homme avançait lundi soir un bilan de 300 à 400 morts. Il est cependant difficile d'avoir des informations car il y a peu de médias sur place, et les communications téléphoniques sont souvent coupées.
Quelle est la situation ce mardi matin ?
Dans la capitale Tripoli pour commencer, la situation semble être calme ce matin mais il y a eu beaucoup de violence ces dernières heures. Certains n'hésitent pas à parler de massacres notamment dans la banlieue de la capitale. Dans les quartiers de Tajoura, et de Fachloum, des témoins font état de la présence d'hommes armés parachutés par hélicoptère, et de tirs sans distinction dans les rues. Une situation de panique qui a conduit des mosquées à diffuser des appels au secours par haut-parleur. Selon la télévision al-Jazira, il y aurait eu lundi soir des bombardements. Cependant le fils de Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam, a expliqué que l'armée visait en fait des dépôts d'armes dans la périphérie de la capitale.
A l'est du pays, plusieurs villes sont tombées aux mains des habitants. C'est le cas de Benghazi à l'est où avait débuté la contestation il y a une semaine. Un médecin de l'hôpital raconte que « les manifestants ont le contrôle de Benghazi. Les militaires ont perdu le contrôle de l’aéroport. Toute la ville est aux mains des citoyens qui ont formé des comités composés d’avocats, de juges, de professeurs, de médecins… Ils essaient de remettre de l’ordre et ont formé ces comités pour assurer le maintien des institutions vitales… La présence militaire se résume désormais à deux véhicules militaires seulement, postés devant l’hôpital pour le sécuriser ».
Benghazi donc aux mains des habitants, ce serait le cas aussi de Tobrouk, et Misrata mais dans beaucoup d'endroits, c'est surtout la confusion qui règne. C'est le cas de Zaouia, à l'ouest de la capitale, traversée par des manifestations pro et anti-Kadhafi, et où des tirs ont été entendus lundi.
Depuis mardi la répression s'est abattue sur les manifestants. Qui donne les ordres et qui les exécute ?
On parle de tirs depuis des hélicoptères, de tirs de snipers. Il est question de Négro-Africains armés. Il est difficile de dire qui ils sont : certains parlent de mercenaires, recrutés en Guinée et au Nigeria. Des informations impossibles à vérifier pour l'heure, mais il faut savoir qu'il y a plusieurs milliers de Libyens issus des régions du Sahara dans l'armée et des Touaregs également.
Ce qui est certain c'est que Mouammar Kadhafi dispose d'un appareil répressif impressionnant avec une sécurité intérieure puissante, et des miliciens appartenant aux comités révolutionnaires. Des structures qui sont à la base politiques mais qui disposent de pouvoir illimités et peuvent donc donner l'ordre de tirer. Le régime peut en outre toujours compter sur les services de renseignements biens sûr et la garde de Mouammar Kadhafi.
Moncef Djaziri, professeur de Sciences politiques à l’université de Lausanne, pense que Mouammar Kadhafi « compte sur sa garde. Il compte sur une partie des tribus libyennes… une bonne partie de l’armée » et il estime qu’il doit y avoir dans la société libyenne, « en particulier dans la Tripolitaine » des forces qui restent convaincues que la révolution depuis 1969 a eu des effets positifs.
La nouveauté, c’est la défection de certaines personnalités libyennes
Il s’agit de démissions pour protester contre la violence : c'est l'argument avancé par le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, par la délégation libyenne à l'ONU, par le ministre de la Justice. Des diplomates aussi ont jeté l'éponge et deux pilotes de Mirage F1 ont refusé, lundi 21 février, de tirer sur la foule et sont finalement allés atterrir à Malte.
Des défections qui fragilisent le pouvoir et certains se prennent à envisager un « après-Kadhafi »
L’opposition tente en effet de se fédérer. Une opposition constituée des forces islamistes, de républicains, de démocrates libéraux, de monarchistes... mais qui malgré tout se concerte. Les explications de Slimane Bouchuiguir, secrétaire général de la Ligue libyenne des droits de l'homme est un des opposants au régime : « Je peux vous dire que l’on est en train de constituer un Comité de salut public qui remplacera le gouvernement. Ils sont en train de discuter au niveau des régions pour envoyer des représentants à ce Comité de salut public ».
Pour l'heure, cette opposition hétéroclite appelle à une « marche d'un million » de personnes ce mardi sur Tripoli, à l'image de ce qui avait été organisé en Egypte.
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