dimanche 14 mars 2010

Volte-face d'Areva à propos du gisement d'Imouraren: Entre calculs et sabotage...


Volte-face d'Areva à propos du gisement d'Imouraren: Entre calculs et sabotage...
Écrit par Ibrahim Manzo (L’autre OBSERVATEUR N° 95 du 11 Mars 2010)
Samedi, 13 Mars 2010 23:00


La firme énergétique française AREVA est-elle rentrée dans le secret du diable pour différer l'exploitation de la mine d'Imouraren jusqu'en 2014, au lieu de 2011 comme convenu avec le régime déchu de Tandja? Veut-elle considérer les militaires comme des partenaires peu sûrs auxquels elle ne peut pas faire confiance et qu'elle ne reprendra sa coopération avec le Niger que quand ils seront partis ? En tout cas à regarder de près son coup de tête par lequel elle a décidé (unilatéralement ?) de n'ouvrir les mines d'Imouraren qu'en 2013-2014 et de prendre donc tout son temps pour commencer, le comportement d'AREVA est très équivoque et suscite beaucoup d'interrogations. Non seulement elle semble savoir qui sera le prochain président du Niger à cette date et donne l'air de ne vouloir accorder cette faveur exceptionnelle qu'à lui, mais surtout, elle renforce le sentiment de manque de respect pour le peuple du Niger et d'arrière-pensée néocolonialiste qu'on lui a toujours prêtée ici. En effet, au nom de la continuité de l'Etat, on ne voit pas pourquoi cette firme peut arrêter de travailler parce qu'un régime est renversé. Est-elle venue travailler avec le Niger ou avec le seul régime de Tandja ? Etait-ce une coopération avec le pays ou avec le régime ? Les autorités françaises, sont-elles seulement conscientes du degré de gravité de la remise en cause de cet accord pour la position toujours pas très enviable de leur pays au Niger ? S'agit-il de tous ces calculs ou d'autres plus mesquins et plus vicieux encore ? En tout cas même s'ils veulent dissimuler leur responsabilité et paraître au dessus de tout soupçon dans ce coup d'Etat que les gens appellent " le deuxième coup d'Etat de l'Uranium ", AREVA et la France jouent un jeu dangereux au Niger, dont elles connaissent très bien l'allergie traditionnelle les concernant.

Parce que la difficulté de la France avec le Niger, ce ne sont pas les institutions officielles de l'Etat, qui changent au gré des élections ou des mouvements politiques, mais le fort courant anti-français qui se développe chez les intellectuels et dans les couches moyennes en général, qui est inversement proportionnel à l'espoir suscité par l'arrivée des chinois chez les populations rurales, dont le régime Tandja est le représentant-type, avec chaque jour une plus grande présence de l'Etat auprès des populations, à travers la gratuité des soins aux enfants et aux femmes, des dons de ceci ou de cela, des histoires d'argent distribué, l'électrification rurale et l'eau potable, etc…

Tout cela fait partie aussi du débat de fond, qui ne se réduit pas au seul aspect de la démocratie (qui est certes important, mais pas suffisant pour remplir le ventre ou étancher la soif !) En clair, l'enjeu est d'être la hauteur de ne pas amener les gens à regretter le temps de Tandja par des investissements sociaux massifs, capables de rivaliser de façon très concrète la présence chinoise, avec ses ponts, ses raffineries et autres chantiers. Et çà, la France ne pourra jamais le réaliser en Afrique ; même pas en Côte d'Ivoire ou au Gabon ! Tout comme il est clair que ce serait une illusion pour la France de vouloir coûte que coûte se positionner au Niger à coût de coups d'Etat. Au lieu de multiplier les entraves au développement du Niger, autant opter pour le modèle de coopération gagnant/gagnant, qui se généralise dans le monde.

C'est inutile de croire que le Niger restera dans le giron de la France parce qu'elle a de grandes capacités de manipulations au sein du microcosme politique ou ailleurs. Autant le contexte international de mondialisation a restructuré les échanges entre les Etats, autant il a modifié le modèle de la coopération, qui exclut désormais la peur. Autrement dit, il ne faut plus exclure de nouvelles guerres froides, sous des formes plus modernes dans nos pays, si d’aventure les puissances occidentales devaient se mettre en travers le progrès des peuple. N'est-ce pas qu'il vaut mieux s'inscrire dans la durée, par la confiance mutuelle et la garantie des intérêts réciproques, plutôt que de s'agripper à une démarche éculée du genre de celle de ELF dans les colonies ?

En outre, il faut se convaincre que cette démarche comporte le risque majeur de mobiliser ensemble des énergies susceptibles de former un parti ou alimenter un programme politique. Et Dieu Seul Sait que de telles initiatives vont trouver très vite des gens pour les financer. Les bénéficiaires de la réforme du code minier sont aujourd'hui assez forts qu'en se mettant de côté, derrière un programme politique ou un parti, ils peuvent prendre le pouvoir, maintenir qui ils veulent et chasser qui ils veulent ! Ce n'est donc pas la peine de jouer aux corsaires. Il faut proposer ce qui peut convaincre et rester ensemble !

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