lundi 15 mars 2010

[Contribution]Le transsexuel et la sentence...


[Contribution]Le transsexuel et la sentence...
Écrit par Seydou Souley Mahamadou Journaliste (presse économique-Maroc) Adresse: seymadou2@hotmail.com
Lundi, 15 Mars 2010 08:43

Parce qu’il est atypique, le «journaliste» l’interviewe et le condamne sans réserve (ignorant les règles élémentaires de son métier qui lui imposent de rapporter des faits sans jamais en juger). Les lecteurs se déchainent de passion et le couvrent d’effroyables injures….On est en face d’une sorte d’intolérance fanatique et d’une atteinte à la dignité de la personne humaine. Le Niger peut-il se développer avec de tels modes de pensées?

Le 10 Mars dernier une interview réalisée par le journal le «Flic, n°179» et signée par un certain Hama Ibrahim, a été publié sur tamtam info, avec pour titre « les révélations troublantes du premier transsexuel nigérien». C’est à propos de cet article que j’aimerai suggérer une analyse personnelle, dans l’espoir de susciter un débat dont, je l’espère sera moins passionnel mais portant surtout sur les règles déontologiques auxquelles une presse respectable devrait se soumettre.
Car, si l’interview en question n’a rien d’anormal, le papier de cadrage consacré par Hama Ibrahim, me paraît être si maladroitement conçu que ne pas y revenir, serait pour moi un silence moralement insupportable. Mais avant d’aller plus loin dans mon raisonnement, j’aimerai d’abord vous rafraichir la mémoire en vous soumettant ici le texte de cadrage de l’interview tel que signé par le «journaliste» de «Le Flic», le voici : « Quel terrible destin peut bien conduire un jeune homme à vouloir changer de sexe. La damnation sans doute. Ou bien peut-être est ce un caprice de la nature ou un mensonge grossier d’un homme atteint de démence ?

Pourtant l’homme dont nous parlons dans le texte qui va suivre, a bel et bien subi une opération chirurgicale qui a modifié sa condition masculine. Nous sommes en présence d’un transexuel. C’est-à-dire un homme qui a changé de… sexe. La nature fit-elle une erreur dans le cas de notre interlocuteur ? Ou bien c’est l’homme qui trahit la nature. Pour les occidentaux et les esprits éveillés, cela peut paraître normal. Malheureusement la société Africaine, tissée à l’image de Dieu éprouve un dégoût insondable à l’égard de ces transexuels. Au Niger où notre interlocuteur est rentré depuis 3 mois, il vit comme un reclus ; rejeté par sa propre famille qui ne veut plus entendre parler de lui. Mais qui est cet homme qui a osé braver les us et coutumes de la société nigérienne ? Confidences ».

En lisant ces lignes, j’avoue que j’ai eu froid au dos (et je ne suis peut-être pas le seul). Aussi me suis-je posé beaucoup de questions. D’abord, je me suis demandé si ce Hama est réellement un journaliste. Et, s’il en est un, est-il vraiment conscient de la gravité de son jugement, somme toute inadapté pour un homme de presse, dont le crédo se devrait être le respect et la défense des libertés individuelles, de la justice et de la dignité humaine? Je n’en suis pas si sûr. Car, sinon comment est-ce qu’un journaliste peut-il trainer dans la boue et qualifier de damner, de dément,…une source qui a eu la délicatesse de lui accorder une interview. Aussi, si son article est une interview fictive, le bon sens journalistique lui aurait recommandé de le signaler à ces lecteurs.

Ne l’ayant pas fait, je me permets donc de croire que son interview n’est pas fictive, ce qui me pousse à poser à Hama, les questions suivantes: de quoi ce personnage transsexuel est-il coupable? Quelle loi a-t-il violé, pour être si violemment condamné? A ma connaissance, aucune, si ce n’est notre propre conception sociale rigide et moralisatrice, incapable de se remettre en cause, d’accepter les choix et l’autonomie des individus. Ces manières d’appréhender les choses nous met tous dans une sorte de format social, qui régit nos modes de pensées et dicte notre façon de vivre, et se faisant, notre société s’appauvrit en intelligence, car aucun de ses membres ne peut être ni assez courageux ni assez intelligent pour remettre en cause ses valeurs, mêmes les plus infructueuses et les plus caduques.

Or, un corps social (tout autant qu’un individu) qui ne se remet pas en cause, qui n’accepte ni changement, ni évolution ne saurait prétendre à se développer et à connaître le progrès. La preuve est dans l’exemple et la manière dont, et notre «presse» et ses lecteurs, commentateurs ont appréhendé le cas de ce personnage transsexuel. Ce cas qui aurait pu être un cas d’étude sociologique intéressant dans un pays comme le Niger, devient hélas, un objet de condamnations passionnelles que l’on justifie par des croyances prétendument religieuses. Croyances qui ne nous empêchent pas de verser dans l’occulte et les transgressions en tout genre des prescriptions religieuses, quand cela nous arrange.

Aussi devant ce cas, me semble-t-il, un inquisiteur serait plus clément et plus analytique que n’a pu l’être ce «journaliste». Ce qui me conduit à poser cette autre question: comment est-ce qu’un tel papier a pu traverser une salle de presse et être publié, sans que ni le secrétaire de rédaction (s’il y’en a un chez Le Flic) ni le rédacteur en chef n’a pu se rendre compte de son éloignement des règles déontologiques élémentaires de la profession? Face à de tels amateurismes, si l’on ne peut pas cautionner les sanctions que subissent certaines presses, (quoique journaliste, moi-même), je suis enclin à les comprendre. Car, si un homme de presse a certes un rôle pédagogique à jouer, ce n’est pas en condamnant ni en jetant l’opprobre qu’il contribue à l’éducation et au débat social. Méditons un peu cela!

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