Une histoire d’amour touareg à la Péniche Anako
A l’occasion d’une représentation exceptionnelle à la Péniche Anako, le conteur Pierre-Olivier Bannwarth présente l’histoire de Dassine et Moussa. Un conte sur l’amour universel et les affr de la colonisation. Rencontre.
© Thomas Louapre
© Thomas Louapre
Qu’est-ce qu’un conte et à quelle fonction répond-il ?
Pierre-Olivier Bannwarth : Difficile de répondre. Un conte est une matière vivante, qui se transmet parfois depuis des millénaires. Quelle était la fonction du conte il y a 10 000 ans, je ne peux pas le savoir. En revanche, je sais là où il est encore vivant et utile aujourd’hui. Une de ses premières utilités est de nous mettre en relation les uns avec les autres, mais aussi avec nous-mêmes. Parce qu’il a été nourri tout au long des siècles par chacune des personnes qui l’ont raconté, le conte nous emporte au-delà de notre vie quotidienne. Parce qu’ils connaissent l’être humain mieux que personne, les contes nous aident à fréquenter des aspects de notre humanité que nous avons oubliés et qui nous manquent aujourd’hui. Ils nous permettent d’entrer en relation avec quelque chose de nous-mêmes qui a une densité et un rayonnement différent, qui respire d’une autre manière. A chaque fois que je raconte une histoire, c’est cela que je partage avec le public.
Comment en êtes-vous arrivé à conter ?
Pierre-Olivier Bannwarth : Je viens du théâtre et je n’y étais pas heureux, car il n’apportait plus de réponses à certaines questions qui m’animaient. J’ai donc suspendu ma carrière théâtrale pour m’intéresser aux sciences humaines. De là, j’en suis venu au thème de la transmission, et j’ai constaté qu’en nous coupant de nos racines, nos sociétés connaissent une véritable « panne » à cet égard. L’oralité m’est alors apparue comme le moyen vivant d’opérer cette transmission. A partir de là, je suis parti en Afrique, où la tradition orale est encore très vivace. De retour en France, j’ai pu me mettre au travail. M’intéressant à l’oralité, il était évident que je ne pouvais pas apprendre à devenir conteur en lisant des livres ! J’avais besoin d’un maître et d’intégrer un apprentissage. Pour que le conte reste une matière vivante, un conteur doit d’abord apprendre à écouter, à entrer en relation avec lui-même et avec les autres. C’est ainsi que Henri Gougaud m’a accueilli dans son atelier de conte.
Qu’est-ce qui distingue un conteur d’un comédien ?
Pierre-Olivier Bannwarth : A l’origine des origines, rien ; aujourd’hui, beaucoup de choses. Quelques acteurs sont conteurs, mais ils sont très rares ; quelques metteurs en scène, comme Peter Brook, le sont également. Un proverbe touareg dit que trois ingrédients sont nécessaires pour faire du thé : du temps, des braises et des amis. C’est la même chose avec le conte : pour partager une histoire, nous avons juste besoin de prendre le temps d’être ensemble, tandis qu’un comédien a besoin d’un éclairage, d’une scène, d’un metteur en scène, d’argent. En devenant conteur, j’ai appris que je n’avais pas besoin d’atteindre une certaine condition sociale pour faire mon métier. En tant que conteur, je n’ai besoin que d’être accueilli par ceux qui viennent écouter. Bien sûr, je ne suis pas pour la gratuité, mais je constate que le conteur bénéficie d’une liberté extraordinaire, bien plus grande que celle d’un comédien. Plus la présence du conteur est forte et moins il a besoin d’accessoires. Dans le conte, la qualité d’être prime sur tout le reste.
D’où vient l’histoire de Dassine et Moussa, que vous contez dans le Guerrier et la rose ?
Pierre-Olivier Bannwarth : En 2008, j’ai commencé à faire quelques allers/retours au Mali. Un jour, on m’a mis dans un bus qui m’a amené à 70 kms de Tombouctou, où pour la première fois, j’ai rencontré les Touaregs. Là-bas, j’ai vécu une histoire d’amour avec une jeune française et en rentrant en France, je me suis demandé comment les Touaregs vivaient, eux, l’amour. C’est ainsi que j’ai rencontré les poèmes Touareg traduits par Charles de Foucault au début du XXème siècle. On y trouve l’amour impossible de Dassine et Moussa, éperdument amoureux l’un de l’autre. J’ai décidé de m’inspirer de leur histoire, avec le projet d’être aussi fidèle que possible à ce qui se passe dans l’âme d’un homme et d’une femme tiraillés par ce sentiment.
Pourquoi tiraillés ?
Pierre-olivier Bannwarth : Parce qu’encore une fois, leur amour était rendu impossible par un contexte historique très troublé. (NDLR : A l’époque où se déroule l’histoire de Dassine et Moussa, les tribus touaregs ne parviennent pas à s’entendre sur une attitude commune face au colonisateur). Il faut comprendre en effet que les causes de la guerre qui déchire aujourd’hui le Mali et qui menace les Touaregs sont nées au moment où vivaient Dassine et Moussa. En Afrique, le griot est le gardien de la mémoire. Dès lors que j’avais décidé de raconter cette histoire, je ne pouvais pas faire abstraction du contexte colonial.
Comment sont reçus les conteurs aujourd’hui en France ?
Pierre-Olivier Bannwarth : L’intérêt pour le conte est grandissant. Je crois que cela est lié au fait que nous avons de plus en plus besoin d’éteindre nos ordinateurs, nos télés, nos radios, et de vivre ensemble quelque chose de fort. Le conte donne du sens à la vie, à l’être. Il nous remplit d’une nourriture si ancienne et qui nous manque tellement aujourd’hui que nous ne pouvons qu’aller à sa rencontre. Nous sommes tous porteurs de questions enfouies au fond de nous-mêmes et auxquelles les médias ne peuvent pas répondre. La fonction du conte est peut-être d’apporter un début de réponse à ce type de question. Mon souhait est de parvenir à rallumer une lumière à l’intérieur des gens qui viennent me voir pour qu’ils repartent avec quelque chose de chaud au fond d’eux-mêmes, ce quelque chose que l’on trouve parfois dans le silence du désert.
Une histoire d’amour touarègue pendant la colonisation française
Dimanche 19 février - 16h30
La Péniche Anako
Bassin de la Villette -face au 61 quai de la Seine
75019 Paris
Métro Riquet, Stalingrad ou Jaurès
Écrit et raconté par Pierre-Olivier Bannwarth
avec la complicité musicale de Jean-Yves Segalen
Réservation par SMS uniquement au 07 81 69 50 66.
Merci de préciser Nom, Prénom, Date, Événement,
Nombre de places souhaité.
Vous recevrez une confirmation par sms.
à partir de 10 ans - Durée 1h25
Entrée 10 euros
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire