Mali : Nina Wallet Intalou, la Touarègue et les scorpions
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Au Mali, cette figure du MNLA a été nommée ministre de l’Artisanat et du Tourisme. Dans les milieux les plus nationalistes, ce choix du président IBK n’est que modérément apprécié…
«Apatride », « incompétente », « sans diplôme ». Depuis que Nina Wallet Intalou a été nommée ministre de l’Artisanat et du Tourisme, le 7 juillet, les insultes diffamatoires – voire franchement racistes – fusent dans la presse malienne. C’est dire l’ire que suscite chez certains la nomination de celle que Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), était allé jusqu’à considérer, en 2012, comme « l’homme fort » du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
La cause touareg à coeur
Il est vrai que, sur le papier, le profil de la ministre, née en 1963 à Kidal et toujours présidente des femmes du MNLA, a tout pour déplaire dans les milieux bamakois les plus nationalistes. Certains n’ont pas oublié sa déclaration polémique au plus fort de la crise malienne, en avril 2012, alors qu’elle était en exil à Nouakchott : « Nous voulons notre indépendance ou une fédération avec un référendum dans cinq ou dix ans, pas l’autonomie. Ce serait revenir en arrière, et nous sommes fatigués. »
Mais face à l’adversité, cette femme de caractère originaire de la très respectée tribu des Idnane est revenue à plus de retenue, sans doute héritée de sa jeunesse saharienne. « Mon père m’a appris à ne pas avoir peur des scorpions, mais au contraire à les affronter sans les tuer, confie-t-elle en riant. Je suis malienne et, en étant au gouvernement, je vais pouvoir davantage œuvrer pour la paix. Ce ministère est très important car il est vecteur d’emploi et de création de richesses. C’est le meilleur rempart contre le fanatisme. »
« Cavalier seul »
En imposant personnellement une femme engagée dans la cause touarègue, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a d’abord voulu garantir un équilibre politico-ethnique au sein du gouvernement, tout en calmant l’impatience des cadres de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) face aux lenteurs de la mise en place de l’accord d’Alger du 20 juin 2015. « C’est une bonne décision… pour elle, minimise cependant Hama Ag Sid Ahmed, représentant du MNLA en France. Elle n’a pas prévenu les cadres de notre mouvement, elle fait cavalier seul. On prend acte, mais on est déçu. »
En effet, Nina Wallet Intalou semble avoir pris ses distances vis-à-vis de la sphère indépendantiste depuis qu’elle a accepté, en octobre 2015, de devenir vice-présidente de la commission Vérité, Justice et Réconciliation mise en place par les autorités. « J’ai toujours eu beaucoup d’estime et de respect pour IBK, car c’est quelqu’un qui a des convictions et qui tient parole », argue-t-elle.
La fierté et la liberté sont les piliers de notre culture
Ce caractère solitaire, pugnace et légèrement ambitieux ne date pas d’hier. En 1984, la fille de l’infirmier-major de la gendarmerie de Kidal part étudier chez une cousine en Côte d’Ivoire. Elle y épouse un neveu de Félix Houphouët-Boigny – avec qui elle aura trois enfants – et, à 26 ans, fonde une société de construction et d’assainissement. Puis elle divorce et revient au Mali pour se lancer en politique. Élue maire de Kidal en 1999, elle est aussitôt écartée de ses fonctions par les plus religieux.
Depuis, farouchement anti-islamiste, elle s’était peu à peu imposée comme l’un des principaux porte-drapeaux du MNLA. « La fierté et la liberté sont les piliers de notre culture », revendique-t-elle. À l’image de cette photo de profil sur Google+, où on la voit poser dans le désert à côté d’un dromadaire, Nina Wallet Intalou compte bien profiter de ses nouvelles fonctions pour porter haut les couleurs touarègues
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