VELLEITES SECESSIONNISTES EN LIBYE: LE MAUVAIS HÉRITAGE DE L’ÈRE KADHAFI
Dimanche 2 juin dernier, un groupe de Libyens a proclamé l’autonomie de l’est du territoire, connu sous l’appellation de Cyrénaïque. La figure de proue de ce mouvement sécessionniste, Ahmed Zoubaïr al-Senoussi, n’est autre que le cousin du défunt-roi Idriss, renversé en 1969 par l’armée révolutionnaire de Mouammar Kadhafi. Durant les 42 ans de règne sans partage de l’ex-guide, Benghazi et sa région étaient à l’étroit. Après avoir renversé la monarchie d’Idriss, originaire de la Cyrénaïque, Kadhafi avait toujours réservé un traitement spécialement féroce à cette partie orientale du pays. Au fait, tout ce qui venait de cette région était suspect à ses yeux.
Même les revendications sociales étaient perçues comme subversives et étaient traitées comme telles par l’armée tribale de Kadhafi. Benghazi aura ainsi connu les expéditions punitives les plus horribles qui soient sous la férule dictatoriale du défunt régime. Que l’on se souvienne du massacre à grande échelle des détenus de la prison centrale de Benghazi, orchestré par le pouvoir de Kadhafi. Plus de 40 ans durant, la Cyrénaïque a souffert le martyre. C’est la région pétrolifère du pays, mais, paradoxalement, toutes les institutions-clés de cette manne sont logées dans la capitale, Tripoli, et dans Syrte, ville natale du défunt roi des rois d’Afrique. C’est dire donc que ce qui se passe dans cette partie libyenne ne surprend pas outre mesure. C’est le mauvais héritage de l’ère Kadhafi qui semble mal assumé par ses successeurs.
Il faut d’autant moins s’étonner de ces velléités sécessionnistes que le départ de Kadhafi a sonné la libération des espaces de libertés démocratiques. Tous ces groupuscules politiques, religieux et tribaux dont l’ex-guide avait longtemps confisqué les libertés, trouvent à présent l’occasion de s’exprimer. La monarchie avait eu au moins le mérite de trouver une formule qui contentait la Cyrénaïque. De bonne mémoire, la Constitution de 1951 avait plus ou moins résolu cette question de Benghazi et sa région, en assurant un partage équitable de pouvoirs entre Tripoli et cette partie du territoire qui reste la sève nourricière de tout le pays. Mais Kadhafi qui ne connaissait ni Constitution, ni droit des populations à la revendication, avait tout remis en cause. C’est dire donc que la Libye aujourd’hui a affaire à un vieux problème que Kadhafi a rendu davantage complexe.
On peut bien se demander jusqu’où iront les irrédentistes dans leur revendication, eux qui semblent s’être inspirés du cas du Soudan du Sud et des Touaregs « azawadistes » du Mali. En tout cas, on constate une bien curieuse coïncidence entre cette sortie des fédéralistes de la Cyrénaïque et le comportement des rebelles touaregs du Nord-Mali qui viennent de déclarer la guerre au Mali en arrêtant ses officiers de l’armée. Tout semble planifié pour que cette partie orientale libyenne, si elle acquiert son indépendance, soit un territoire de répit pour le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) en cas de guerre. L’hypothèse a sa raison d’être d’autant que nombre de ces Touaregs maliens connaissent bien la Libye et ses habitants, pour avoir servi le régime Kadhafi.
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