Jean-Jacques Bozonnet-LE MONDE | 02.12.09 | 16h00
En dépit des informations contradictoires diffusées tout au long de la journée de mardi 1er décembre, Madrid était toujours sans nouvelles, mercredi matin, des ressortissants espagnols enlevés en Mauritanie.
Les trois bénévoles de l’organisation non gouvernementale Barcelona Accio Solidaria ont été enlevés par un groupe armé, dimanche 29 novembre, au nord de la capitale, Nouakchott, alors que leur véhicule fermait la marche d’un convoi acheminant de l’aide humanitaire au Sénégal et en Gambie. Selon les témoignages recueillis par la presse espagnole, le véhicule tout terrain des trois personnes kidnappées a été retrouvé au milieu de la route, portes ouvertes et phares allumés. Rien n’avait disparu à l’intérieur de celui-ci.
Aucune revendication n’est parvenue aux autorités, mais la presse espagnole a aussitôt fait le lien avec le rapt, trois jours plus tôt, d’un humanitaire français au Mali, le pays voisin. Selon le ministre de l’intérieur espagnol, Alfredo Perez Rubalcaba, "tout indique qu’il s’agirait d’un enlèvement d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI)".
Critiqué pour sa gestion de l’enlèvement de 36 marins d’un thonier par des pirates somaliens, finalement libérés contre rançon après un mois de négociations, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a décidé de jouer la transparence, notamment avec les familles des disparus. Une cellule de "coordination politique" a été mise en place, tandis que l’Audience nationale, l’instance pénale compétente pour les crimes concernant des Espagnols à l’étranger, a décidé l’ouverture d’une enquête préliminaire.
Le gouvernement espagnol a proposé de mettre à la disposition de son homologue de Mauritanie les hommes de la Guardia Civil, et surtout l’hélicoptère dont il dispose sur place dans le cadre du dispositif européen Frontex de lutte contre l’immigration clandestine. Madrid devrait aussi envoyer un avion équipé d’un dispositif de vision nocturne. Selon la presse espagnole, un avion français participerait aux recherches.
L’ambassadeur d’Espagne en Mauritanie s’est félicité de la "coopération" avec la Mauritanie, dont l’armée dit avoir "bouclé tous les passages connus dans le désert", notamment ceux menant au Mali et au Sahara occidental.
Risque d’attentats
Les trois volontaires catalans enlevés sont Roque Pascual Salazar, 50 ans, entrepreneur en bâtiment et vice-président de l’ONG ; Albert Vilalta Cambra, 45 ans, un ingénieur qui dirige la société des tunnels de Catalogne ; et Alicia Gamez Guerrero, 37 ans, fonctionnaire au ministère de la justice. Tous participent depuis plusieurs années au projet de "Caravane solidaire" entre Barcelone et l’Afrique de l’Ouest. Le convoi humanitaire a repris la route dès mercredi, accompagné jusqu’à la frontière sénégalaise par des militaires mauritaniens.
S’il s’agit du premier enlèvement d’Occidentaux en Mauritanie, les épisodes terroristes se multiplient. Fin décembre 2007, quatre touristes français avaient été assassinés dans le désert. En août 2008, un kamikaze s’est fait exploser à proximité de l’ambassade de France à Nouakchott. Cet événement, après l’assassinat d’un coopérant américain le 23 juin, avait conduit le ministère espagnol des affaires étrangères à publier une note mettant en garde contre "le haut risque d’attentats et d’enlèvements" dans la zone.
Actuellement, 25 ONG espagnoles opèrent en Mauritanie, un pays très aidé par l’Espagne. Madrid vient d’effacer une dette de 20 millions d’euros.
Jean-Jacques Bozonnet
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