lundi 13 octobre 2008

NIGER : ETAT DES LIEUX D’UNE GUERRE OCCULTEE



Un reportage de Cham et Omar Mohamed

En 1995 les mouvements de rébellion touareg et le gouvernement du Niger signaient des accords de paix après cinq ans de conflit.
À l’époque les deux hommes qui avaient su faire la paix étaient le leader touareg Mano Dayak, et le président putschiste Ibrahim Maïnassara Baré. Les accords de paix prévoyaient l’intégration des combattants dans les différents corps nigériens, une autonomie politique du nord du pays et le développement du nord du pays.

Mais Mano Dayak disparaissait dans un étrange accident d’avion au moment de la signature des accords et trois ans plus tard en 1999 le président Baré qui était assassiné par le commandant de sa propre garde rapprochée.
Après avoir écarté du pouvoir tous les proches du président assassiné, le commandant meurtrier a, huit mois plus tard, organisé des élections pluralistes et cédé la place, en décembre 1999, à un président démocratiquement élu, Mamadou Tandja toujours au pouvoir aujourd’hui non sans avoir exigé une amnistie, inscrite dans la Constitution qui lui garantissait une impunité totale.
Du coup, les demandes d'ouverture d'enquête, notamment de l'Union européenne et des organismes de défense des droits de l'homme, sont demeurées lettre morte.
Depuis seule une petite partie des accords de paix ont été appliqué, principalement l’intégration des ex combattants dans l’armée, la douane la police et la gendarmerie et le Niger n’a cessé de voir son indice de développement reculer alors que les richesses des membres du gouvernement restent difficilement quantifiables. En 2005 le Niger subissait une grave crise alimentaire que l’actuel gouvernement s’évertuait à nier.
Pourtant le Niger est le quatrième producteur d’uranium au monde.
Mais en 40 ans d’exploitation (par la société française Cogéma devenue Areva), les populations nomades environnants les mines n’ont cessé de voir leur mode de vie se dégrader. Ainsi en plus de la pollution, les pâturages ont disparus de la zone d’exploitation et les éleveurs ruinés s’entassent en périphérie des villes.
Avec la crise énergétique mondiale actuelle l’uranium est redevenu à la mode et le gouvernement a, ces dernières années, vendu près de 240 permis de recherche et d’exploitation minières à des sociétés françaises, chinoises, sud Africaines et indiennes…
Ces permis ont été attribués sans la moindre consultation des populations nomades qui vivent dans ces régions. Il faut aussi préciser que selon le code foncier du Niger, à la différence des agriculteurs qui n’ont besoin que de cultiver un terrain pour en être propriétaire, les éleveurs nomades ont beau faire creuser des puits à leur frais, ils n’ont aucun titre de propriété officiel. Ainsi ils vivent et nomadisent sur les terres du gouvernement qu’il peut donc céder à qui lui semble bon.
C’est pour toutes ces raisons qu’un petit groupe d’ex rebelles a fomenté l’attaque d’un poste militaire en février 2007 et a déclaré la naissance du MNJ, le Mouvement des Nigériens pour la Justice.
Bientôt rejoint par de nombreux ex rebelles qui avaient intégrés les forces gouvernementales puis par des officiers de l’armée régulière (des ethnies Zermas et Haoussas) proches du président assassiné qui avaient vécus des arrestations arbitraires et parfois vécus en exil puis par les jeunes touaregs des villes qui subissaient les brimades des autorités, le MNJ a vu ses rangs enfler de manière exponentielle.
Sont aussi présents des membres d’autres factions armées les FARS (majoritairement Toubou) de l’Est du pays ainsi que certains éléments des milices Peuls de la région de Tilabérie à l’ouest du Niger.
Le MNJ qui se présente comme un mouvement national et non pas ethnique comme cela a pu être dit dans la presse est donc bien constitué de toutes les ethnies du pays et ce film s’en fait le reflet.
Ils sont aujourd’hui officiellement 2400 combattants dans les rangs du MNJ dans de nombreuses bases dans les montagnes de l’Aïr dans le nord du pays. Les téléphones satellites leurs permettent de communiquer facilement. Ils disposent des voitures et d’armes légères, (bien que tous les combattants ne soient pas armés) ainsi que des quelques armes lourdes (calibre 12,7 et 14,5) ainsi que de lances roquettes. Leur technique est d’attaquer des postes militaires isolés ou les convois militaires et de récupérer armes munitions et véhicules. Leur motivation et leur maîtrise du terrain leur donnent pour l’instant une supériorité indéniable sur l’armée loyaliste.
Les revendications principales du MNJ sont : une meilleure redistribution des ressources dégagées par l’exploitation des mines qui ne profitent qu’à Niamey, des emplois pour les habitants de la région qui en subissent aujourd’hui que les désagréments des mines (pollution et expropriations sans aucun des avantages : emplois et redistributions. le développement de ces régions, l’application des accords signés en 95 qui prévoyait l’intégration civile et militaires des combattants mais aussi l’abolition de la loi d’amnistie et la justice concernant l’assassinat du président Baré.
Le MNJ a libéré de nombreux prisonniers militaires et tenté d’ouvrir des négociations avec le gouvernement, pour l’instant sans succès.
De son côté le gouvernement a répondu de la manière la plus dure qui soit :
- Aucune reconnaissance de ce mouvement dont les membres sont qualifiés de bandits armés, d’apatrides et de trafiquants de drogue.
- Un état de mise en garde a été décrété depuis un an qui donne les pleins pouvoirs à l’armée et à la police pour arrêter quiconque est soupçonné de collusion avec les rebelles ainsi que l’instauration d’un couvre feu dans les villes du nord du pays.
- Le black out total de l’information et l’arrestation des journalistes qui ont voulu médiatiser cette lutte (Moussa Kaka le correspondant de RFI est sous les écrous depuis plus de 6 mois, les journalistes d’Arte Thomas Dandois et Pierre Cresson ainsi que le réalisateur indépendant François Bergeron qui ont eu droit à un mois de prison).
Mais le plus grave étant que ne pouvant mettre la main sur les rebelles et subissant de lourdes pertes, l’armée s’en prend aujourd’hui aux populations civiles désarmées : on dénombre ainsi plusieurs fosses communes, des exécutions sommaires d’éleveurs, des tortures, des viols…

L’armée a installé sa base dans la ville d’Iférouane, au centre de l’Aïr, qui a été littéralement vidée de ses 15000 habitants. Certains ont rejoints des parents dans d’autres villes du Niger, les plus pauvres sont restés aux abords de la ville sous des campements de fortune. Le gouvernement ne reconnaissant pas cette situation il a interdit aux ONG de se rendre dans cette région.

Ce film tourné entre février et mars 2008 dans différentes bases de la rébellion au nord du Niger, revient sur les raisons de la crise et tente à travers des scènes collectives et des entretiens, de rendre compte du quotidien des rebelles et des civils réfugiés dans cette zone, de leurs motivations et leurs espoirs ainsi que de leurs moyens d’action face au gouvernement.

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