vendredi 25 juillet 2008

L’Afrique, s’achemine-t- on vers le retour des dictatures ?




1990, le président François Mitterrand rencontre ses pairs africains à la Baule et leur tient un discours peu habituel. Contre toute attente il annonce sans détour qu'un changement politique doit s'opérer chez tous. Il est désormais impératif de mettre fin aux dictatures militaires et aux régimes auto proclamés. C'est désormais ce qui conditionnera le soutien de la France. Les pays pauvres doivent alors s'y faire car l'aide budgétaire de la France représente pour certain la moitié de leurs ressources. Pour enclencher cette dynamique l'état du Bénin invente une formule qui fera tache d'huile et dont s'inspireront plusieurs autres pays comme le Niger : la conférence nationale. Ces rencontres érigées en pouvoir public grâce à la formule consacrée « conférence nationale souveraine » permettent de mettre le pouvoir dans les mains de la rue pendant des semaines pour une redistribution des cartes. Une sorte de coup d'état sans arme à feu qui permet de glisser véritablement vers un régime démocratique au goût d'un monde contemporain. Au Niger les assises ont duré trois mois. Trois mois durant lesquels les participants ont eu l'occasion de parler à haute et intelligible voix et ce après près de trente ans de silence forcé. Tous les crimes et abus sociaux économiques et politiques commis durant la période d'exception ont été relatés en plénière. On retiendra, comme résultat de la conférence nationale souveraine, la chute du régime chancelant d'Ali Cheibou. On retiendra également la naissance d'une conscience politique, des libertés fondamentales et d'un véritable jeu démocratique. Les conférenciers ont mis en place des institutions transitoires chargées de créer les conditions d'un retour à une vie constitutionnelle normale et l'organisation d'élections libres et transparentes. .
Aujourd'hui, dix sept ans plus tard, une nouvelle dynamique se met en place sur le continent sous l'œil impuissant des africains et la complicité tacites de la communauté internationale. Ce sera cette fois à la Côte d'Ivoire d'improviser la formule consacrée. Celle-ci basée sur le pourrissement socio économique du paysage national permet à Laurent Gbagbo de se maintenir au pouvoir au motif de l'impossibilité d'organiser des élections. Le régime crie au complot international ourdi contre la nation pour justifier sa radicalisation. Toute personne qui tentera de dénoncer cette aberration sera traitée d'ennemi de la nation, de main armée des puissances occultes et d'intelligence avec le mouvement d'insurrection. La sentence est bien radicale, ce qui permet de calmer les ardeurs.
Le pouvoir sans partage se nourrit de sang, c'est bien classique !
Comme par enchantement, le Niger prend le chemin de cette nouvelle école visiblement porteuse. Il crée et favorise le développement d'une rébellion armée au Nord du pays. Afin d'éviter toute réaction et toute réflexion politique relative à la crise, le sujet devient tabou et le président de la république s'obstine dans une voie militaire destructrice et onéreuse. Le régime développe de manière extraordinaire le système d'espionnage et de renseignement généraux. Le pays tout entier et les diasporas sont infestés d'agents de renseignement à l'image de la période d'exception des années 1980. Les citoyens s'entre-surveillent moyennant quelques retombées financières et surtout dans l'espoir d'échapper à la machine mise en route. Les moyens de l'état sont dilapidés au nom de la surveillance du territoire et de l'effort de guerre. Le gouvernement dépense des milliards de francs dans l'acquisition d'hélicoptères de guerre. Ce sacrifice lui donne la possibilité d'exhiber sa « victoire » mesurée en nombres de Nigériens abattus, ce qui permet d'intimider le peuple tout entier. Les dés sont donc jetés et il n'y aura pas de paix pour le Nord ce qui donnera l'occasion de justifier la suite des événements. Les hommes politiques susceptibles de servir de rempart à cette manœuvre sournoise sont tétanisés par la crainte d'interpellation pour détournement ou atteinte à la sureté de l'état. Les potentiels présidentiables sont repérés et subtilement retirés de la course. Seuls resteront en liberté les quelques leaders politiques x fois candidats malheureux et qui finalement, ne nourrissent plus l'ambition de diriger le pays. Par quelques postes juteux, seront-ils récompensés pour leur complicité et leur démission devant l'histoire, le peuple et la nation.
Adieu l'enthousiasme du combat politique, des idéaux républicains, des libertés fondamentales et les déclarations incendiaires mettant en cause la gestion politique et économique des pouvoirs en place. Quel amer et désolant tournant de l'histoire !
La dynamique enclenchée dans notre pays vient de se voir encouragée par les récents événements au Zimbabwe. Robert Mugabé ayant confisqué au grand jour le pouvoir moyennant quelque dizaines de morts et quelques poignés de blessés s'est vu reçu en héro par ses pairs à Charm-el-cheikh au sommet de l'union Africaine. Parallèlement, l'union africaine à travers son Conseil de paix et sécurité s'insurge contre la décision de la Cour pénale internationale (CPI) de poursuivre le président soudanais Omar el-Béchir.
Après ces épisodes, quel espoir est permis pour ce pauvre continent ?
Au nom du principe sacro-saint de la souveraineté nationale et de la non-ingérence, les dictateurs se servent de l'appareil de l'état et de sa force de frappe pour semer la terreur et s'imposer à la tête des Etats. Ils s'identifient aux pays, se voient très mal accepter de redevenir des citoyens sans pouvoir et se soutiennent mutuellement. Quant aux grandes puissances, anciennes comme émergeantes, la tendance est au soutien des régimes durs et corrompus susceptibles de défendre leurs intérêts au détriment du peuple. L'heure des dictatures sonne donc à nouveau sur le continent noir, il va falloir résister.

Issouf Ag MAHA
Maire de Tchirozerine

Source : JA08, le 23 Juillet 2008 à 12:28

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