Manifestation contre areva au Niger, le 21 décembre 2013 : « Areva, respecte la loi au lieu de faire la loi » (Boureima HAMA/AFP)
En ce moment, les contrats de la Somaïr et de la Cominak, filiales d’Areva pour l’exploitation de l’uranium au Niger, sont
en cours de renégociation. Elles se déroulent dans un climat de pressions et d’
opacité qui tranche avec la prétendue transparence de notre « nouvelle » politique africaine.
Areva menace, entre autres, de fermer les deux plus grandes mines qu’elle exploite si le gouvernement nigérien n’accepte pas ses conditions pourtant scandaleuses. Bien que bénéficiant déjà d’un régime fiscal avantageux d’exonérations fiscales diverses (TVA, taxes sur les carburants, droits de douanes…), Areva refuse en effet de se voir appliquer la nouvelle loi minière de 2006, qui permettrait au Niger de recevoir davantage de rentrées fiscales de l’exploitation de son uranium : elle exige une stabilisation de son régime fiscal au Niger jusqu’en 2043 !
Alors que le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium,
qui représente plus de 70% de ses exportations, mais seulement 5% de son PIB, il reste le dernier pays au classement de l’Indice de développement humain des Nations-Unies. 60% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour. Cette contradiction tient à ce qui s’apparente, ni plus ni moins, à un pillage des ressources par une entreprise française dont l’Etat français est actionnaire à 80% !
Areva se conduit comme dans un pays conquis, avec des méthodes de colon, alors qu’elle se porte bien : son cours en bourse augmente et elle vient de signer des contrats de plusieurs milliards avec la Grande-Bretagne et le Brésil. Des études tablent sur une augmentation de la demande d’uranium, compte tenu du développement de nouveaux réacteurs ou de la fin des programmes de recyclage de l’uranium militaire russe, en 2013.
La France préfère la soumission du faible au fort
Le Niger a un besoin pressant de ressources pour financer son plan de développement social et économique, notamment son système d’accès gratuit aux soins pour les populations les plus vulnérables.
La France préfère donc la soumission du faible au fort plutôt que des négociations qui pourraient être « gagnant-gagnant » et constituer un exemple de ce « nouveau modèle » de partenariat avec l’Afrique sur lequel notre gouvernement a beaucoup communiqué au moment du sommet de l’Elysée des 6 et 7 décembre dernier.
Dans le cas du Niger, nous sommes très loin de ces belles intentions affichées. Pourtant, le gouvernement, comme actionnaire majoritaire d’Areva, peut aisément demander à l’entreprise de renoncer à ses exonérations et exemptions fiscales, d’accepter de se soumettre à la loi minière de 2006 au Niger, et de mener ces renégociations dans la plus grande transparence, sans exercer de pression ou menace sur le président Issoufou.
Catastrophe environnementale, sanitaire et sociale
Au-delà de la renégociation des contrats léonins d’Areva, c’est l’énergie nucléaire elle même qui est en cause. Cette énergie dangereuse a un coût : Pour les populations locales, le système Areva engendre une catastrophe environnementale, sanitaire et sociale. La pollution des sols, de l’eau, de l’air, par les ferrailles radioactives engendre des maladies pulmonaires ou des leucémies. Des zones entières sont désertées par les populations touaregs locales.
Areva doit devenir la preuve de notre volonté de rompre avec la Françafrique. Notre politique africaine ne peut se résumer à des interventions militaires, qu’elles soient ou non fondées. « Sauver » les populations en détresse ne se résume pas à l’utilisation de la canonnière dans les situations de crise. L’état structurel de faiblesse des Etats de l’Afrique centrale et de l’Ouest est non seulement le produit de la colonisation, mais encore de la gestion calamiteuse qui s’en est suivie depuis cinquante ans.
Nous avons maintenu des Etats sous perfusion, par une tutelle politique, économique, militaire, au seul bénéfice de nos grandes entreprises – Bolloré, Total, Bouygues, Areva… – qui continuent à piller les ressources, qui accaparent les terres, qui contrôlent les ports et le transit des marchandises… La France doit se montrer cohérente avec son engagement pour la transparence dans les industries extractives et pour une meilleure mobilisation des ressources fiscales dans les pays en développement.
Alors que le conseil des ministres vient de discuter d’une
loi sur l’aide au développement – qui est une avancée dans la transparence de notre politique de développement – il ne faudrait pas continuer à montrer que la seule chose qui compte pour nous en Afrique est la défense des intérêts particuliers de nos entreprises, au détriment de la survie des peuples africains.
La Françafrique n’est pas un concept dépassé, c’est une réalité. Monsieur le Président, vous avez voulu rompre avec elle ? Vous avez l’occasion de le démontrer en obligeant Areva à publier ce qu’il paie au Niger et à respecter ses partenaires africains.