La France est intervenue militairement à près de quarante reprises sur le sol africain dans les cinquante dernières années et une vingtaine de fois entre 1981 et 1995 sous les deux septennats de François Mitterrand. Certaines de ces opérations n’ont duré que quelques jours, d’autres ont donné lieu à des déploiements beaucoup plus longs (opérations Manta et Epervier au Tchad, par exemple). Souvent contestées par les oppositions politiques sur place ou en France, ces interventions sont justifiées par les pouvoirs publics au nom de la protection des populations civiles et de l’application d’accords bilatéraux de défense ou de coopération militaire. La plupart de ces accords ont été signés peu après les indépendances des années 1960, mais d’autres l’ont été ultérieurement (accord de coopération militaire technique avec le Mali et la Guinée en 1985, la Mauritanie en 1986). Après l’opération Turquoise au Zaïre et au Rwanda en 1994, la France privilégie plutôt des actions de soutien aux forces africaines (notamment dans le cadre du programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix –RECAMP- mis en place à partir de 1997) ou la participation à des déploiements multinationaux. La France participe ainsi à des interventions sur différentes scènes internationales en Irak en 1991, en Afghanistan à partir de 2001 ou en Libye en 2011.
Cette chronologie propose de balayer les 30 dernières années d’interventions militaires françaises à l’étranger, au moment où le pays se retire d’Afghanistan et lance en janvier 2013 au Mali, l’opération "Serval".
Mai 1982
Voyage en Afrique (Niger, Côte d’Ivoire, Sénégal, Mauritanie) de François Mitterrand, président de la République, au cours duquel il réaffirme son attachement au dialogue Nord-Sud ainsi que la volonté de la France de tenir ses engagements pour assurer la sécurité de ses "amis" tout en répétant que "la France n’est pas le gendarme de l’Afrique".
Août 1983Début de l’opération militaire française "Manta" au Tchad. 4000 soldats français viennent en appui au régime du président tchadien Hissène Habré qui fait face aux forces d’opposition du
Gouvernementd’union nationale du Tchad (GUNT) de Goukouni Oueddei soutenu par la Libye.
17 novembre 1983
Raid de l’aviation française sur un camp d’entraînement de milices chiites pro-iraniennes, situé au sud-est de Baalbeck (Liban), suite à l’attentat de Beyrouth contre le contingent français de la Force multinationale au Liban (58 morts) du 23 octobre 1983.
23 novembre 1983Le
Conseil des ministres approuve le
collectif budgétaire de fin d’année en faveur des armées : 1646 millions de francs dont 1100 millions de francs de crédits pour le financement des opérations militaires au Tchad et au Liban.
9 Août 1984
A l’occasion du premier anniversaire de l’opération "Manta" au Tchad, Charles Hernu, ministre de la défense, déclare sur Radio-France Internationale, que "les Français ne quitteront pas le Tchad tant qu’il y aura un soldat libyen au sud de la bande d’Aozou" (zone frontalière du territoire tchadien occupée par la Libye depuis douze ans).
17 septembre 1984
Accord franco-libyen pour l’évacuation du Tchad par les deux armées à partir du 25 septembre 1984. Le même jour, M. Cheysson, ministre des affaires étrangères, indique que l’accord de coopération militaire franco-tchadien reste en vigueur si la Libye ne tient pas ses engagements.
Février 1986
Suite à la reprise des combats au nord du Tchad entre les forces du président tchadien, Hissène Habré et celles du GUNT de Goukouni Oueddei, appuyées par la Libye, mise en place à N’Djamena, par la France, d’un système aérien dissuasif dans le cadre de l’opération « Epervier ». Bombardement par les avions français de la piste d’atterrissage de Ouadi Doum au Nord du Tchad. M. Habré déclare à la presse que cette action entre "dans le cadre d’une demande d’aide militaire adressée par le Tchad à la France", et précise que l’aéroport de Ouadi Doum était une "place forte libyenne".
Septembre 1986
Envoi par la France de 200 parachutistes au Togo à la demande du gouvernement togolais et en vertu de l’accord de défense franco-togolais du 10 juillet 1963, suite à une tentative de coup d’Etat contre le général Eyadema, chef de l’Etat togolais.
Février-mars 1987
Renforcement et redéploiement du dispositif militaire français "Epervier" au Tchad pour parer aux pressions croissantes des forces libyennes opérant au nord du pays. Les effectifs passent de 1400 à 2200 hommes.
5 décembre 1989
Opération militaire française "Oside" aux Comores après l’assassinat du président Ahmed Abdallah et la prise de contrôle du pays par les mercenaires de Bob Denard.
Mai 1990Après l’adoption par le
Parlement gabonais du multipartisme et la mort d’un responsable du parti gabonais du progrès (PGP) s’opposant au régime d’Omar Bongo, président de la République gabonaise, manifestations à Libreville et Port-Gentil du 22 au 24. La France envoie des troupes à Libreville afin de protéger et rapatrier les ressortissants français.
1990 - 1993Début octobre, envoi, au Rwanda, à la demande du président rwandais Juvénal Habyarimana, de 300 militaires français basés à Bangui (Centrafrique), "ainsi que des armements légers et des munitions, dans le cadre d’une opération préventive" pour assurer la sécurité des 650 ressortissants français au Rwanda. Le
ministère français de la défense déclare qu’il n’y a pas d’engagement français au Rwanda, les militaires français ayant pour but la protection des ressortissants français et de l’ambassade de France. La mission Noroit des soldats français au Rwanda perdure jusqu’en 1993.
20 juin 1990
Lors du 16ème sommet franco-africain, à La Baule, François Mitterrand énonce la nouvelle doctrine démocratique : il "appartient aux Africains de fixer le rythme de leur évolution. Désormais la France liera ses efforts de contribution à tous les efforts faits pour aller vers plus de liberté."
Août 1990
Après l’invasion du Koweït par l’armée irakienne le 2 août, la France participe à la coalition internationale pour l’évacuation du Koweït par l’Irak ("Opération Daguet").
Décembre 1990
Après la fuite au Cameroun d’Hissène Habré, président du Tchad depuis 1982 et l’entrée dans la capitale du Mouvement patriotique du salut (MPS), Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la défense annonce un renforcement du dispositif militaire "Epervier" et Jacques Pelletier, ministre de la coopération et du développement, indique que la France soutiendra les efforts de démocratisation d’Idriss Déby, nouvellement nommé chef de l’Etat par le MPS.
16 janvier 1991
Session extraordinaire du Parlement sur la crise du Golfe. Lecture d’un message de François Mitterrand qui affirme que "le recours à la force est désormais légitime". A l’Assemblée nationale, Michel Rocard, Premier ministre affirme que "le combat de la France est un combat pour le droit, seul garant de la paix" et que la France se placera sous commandement militaire américain unique mais "pour un temps et des missions déterminées". L’offensive "Tempête du désert" débute le 23 février.
25 mars 1991
Début du retour des forces terrestres françaises de l’opération Daguet présentes dans le Golfe persique.
11 avril 1991
Pierre Joxe, ministre de la défense, annonce devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale que le coût pour la France de la guerre du Golfe s’élève à 6,5 milliards de francs mais "que le seul montant des contributions internationales dépasse largement les 6 milliards de francs".
Septembre 1991
En raison des troubles commencés à Kinshasa (Zaïre) durant lesquels des militaires pillent des entrepôts et des magasins pour protester contre le retard dans le paiement de leur solde, la France et la Belgique envoient des parachutistes pour assurer la protection de leurs ressortissants ainsi que des autres ressortissants étrangers, notamment américains, en accord avec les pays concernés. Le 28, fin des opérations d’évacuations et départ des militaires français.
Novembre 1991
La France accepte, à la demande du gouvernement djiboutien, "de positionner des militaires français" à la frontière entre l’Ethiopie et Djibouti. La demande de Djibouti s’appuie sur des accords de défense entre les deux pays qui prévoient l’intervention de l’armée française en cas d’agression extérieure.
2-7 janvier 1992
Le 2, suite à des combats entre l’armée tchadienne et des partisans de l’ancien président Hissène Habré, la France consolide le dispositif militaire « Epervier » en envoyant un renfort de 450 hommes. Le 7, retour en France d’une partie du contingent.
25 février 1992
Envoi de 250 militaires français à Djibouti en "mission de paix" en raison des troubles qui s’y déroulent depuis novembre 1991.
27 février 1992
Annonce par la France de l’envoi d’une compagnie de parachutistes à N’Djamena (Tchad) afin de renforcer les forces françaises qui y sont stationnées en permanence.
6-10 juin 1992
Du 6 au 8, première séance à Paris des négociations préparatoires entre le gouvernement rwandais et l’opposition regroupée au sein du Front patriotique rwandais pour préparer le terrain à une solution négociée à la guerre civile. Le 10, annonce du récent envoi au Rwanda d’une compagnie de 150 militaires français pour "prévenir toute menace contre la communauté étrangère".
Juin 1992Voyage de François Mitterrand à Sarajevo (Bosnie) et décision du Conseil de Sécurité de l’ONU d’étendre le
mandat de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) à la Bosnie.
Juillet 1992
Le premier bataillon de militaires français atterrit à Sarajevo. A partir de cette date, les Français assurent une présence constante et de premier ordre en Bosnie.
5 décembre 1992
Début de l’Opération "Oryx" en Somalie puis participation française (2 100 hommes) à l’intervention américaine "Restore Hope" de stabilisation du pays (jusqu’en 1994).
9 -20 février 1993
Annonce de l’envoi au Rwanda d’une seconde compagnie de militaires français s’ajoutant à celle déjà stationnée dans le pays depuis octobre 1990. Les autorités françaises précisent que cette force supplémentaire n’a d’autre objectif que d’assurer la sécurité des ressortissants français en une période de troubles. Le 15, démenti officiel par le ministère des affaires étrangères des déclarations faites le 14 par un représentant de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) affirmant que les troupes françaises présentes au Rwanda se seraient "battues aux côtés de l’armée rwandaise" contre les rebelles du Front patriotique rwandais. Le 20, annonce par le ministère des affaires étrangères de l’envoi au Rwanda de deux compagnies militaires supplémentaires pour "assurer la sécurité des ressortissants français et des autres étrangers".
1993
Opération "Bajoyer" au Zaïre. Evacuation des ressortissants français. Kinshasa connaît des émeutes initiées par les militaires. L’ambassadeur de France Philippe Bernard et l’un de ses collaborateurs zaïrois sont tués.
3 décembre 1993
Annonce par le ministère des affaires étrangères de la décision de la France de retirer d’ici le 15 décembre son contingent militaire du Rwanda (300 hommes), suite au déploiement dans ce pays, après 3 ans de guerre civile, d’une force des Nations unies.
Avril 1994
L’assassinat des présidents rwandais et burundais, le 6 avril 1994, avec la destruction de leur avion au-dessus de Kigali, est suivi d’une vague de massacres à Kigali (Rwanda). Le 8, la France ferme son ambassade et décide d’évacuer 1 500 ressortissants, essentiellement occidentaux avec l’opération Amaryllis. Fin de l’opération le 14 avril.
22 juin 1994
Début de l’Opération « Turquoise » au Rwanda, dans le cadre de la résolution 929 du 22 juin de l’ONU, pour protéger les civils avec l’objectif annoncé d’arrêter les massacres et protéger la population.
30 septembre 1994
Fin de l’opération "Turquoise" avec le départ des derniers soldats français de la base de Goma (Zaïre).
4-6 octobre 1995
Le 4, en application de l’accord de défense franco-comorien, intervention de l’armée française pour mettre fin au coup d’Etat militaire aux Comores, dirigé par le mercenaire français Bob Denard. Le 5, reddition des putschistes et transfert vers La Réunion de M. Saïd Mohamed Djohar, président des Comores. Le 6, début de l’évacuation de l’île par les troupes françaises.
1996
Début de l’Opération "Aramis" au Cameroun, soutien de l’armée camerounaise en lutte contre le Nigeria pour le contrôle de la presqu’île pétrolière de Bakassi.
avril-mai 1996
Des mutineries de soldats centrafricains réclamant le paiement de leur solde se succèdent. En application de l’accord de défense franco-centrafricain, l’armée française se déploient à Bangui afin d’assurer la sécurité des ressortissants français et étrangers au cours des opérations Almandin 1 et Almandin2.
Juin 1997
Opération "Pélican" au Congo Brazzaville pour évacuer les ressortissants étrangers durant la guerre civile.
Octobre 1997
Nouvelle intervention, baptisée Opération "Antilope" au Congo Brazzaville pour permettre des évacuations de ressortissants étrangers durant la guerre civile.
5 décembre 1997
Accord entre le Centrafrique et la France sur le départ des forces françaises pour la mi-avril 1998.
24 mars 1998
A Ouagadougou (Burkina-Faso), lors d’une réunion préparatoire au sommet franco-africain prévu en novembre à Paris, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et Charles Josselin, ministre délégué à la coopération, annoncent que le dispositif militaire français en Afrique devrait passer de 8000 à environ 6000 hommes en l’an 2000, tout en maintenant sa "mission stabilisatrice utile" et en s’appuyant davantage sur les organisations régionales africaines.
Août-septembre 1998
Opération "Malachite" d’évacuation des ressortissants français de Kinshasa.
12 Juin 1999
Déploiement de la KFOR (force OTAN) au Kosovo comprenant des militaires français.
1999
Mission Khor Anga à Djibouti : protection aérienne devant l’extension de la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée.
Octobre-décembre 2001
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, la France intervient en Afghanistan en participant à deux opérations internationales : la force internationale d’assistance et de sécurité sous commandement de l’Otan et l’opération "Liberté immuable" sous commandement américain.
Septembre 2002
Début de l’opération militaire française « Licorne » en Côte d’Ivoire. Suite à une rébellion qui menace le pouvoir du président Laurent Gbagbo. Intervention précédant les accords de Marcoussis (France) entre les forces politiques ivoiriennes, en janvier 2003.
15-17 mars 2003
Intervention militaire française suite à un coup d’Etat en Centrafrique. Le 15, en Centrafrique, coup d’Etat du général François Bozizé, qui renverse le président Ange-Félix Patassé, en visite à l’étranger, et s’autoproclame chef de l’Etat. Le même jour, condamnation de la France. Le 16, la France évacue des ressortissants français et étrangers. Le 17, déploiement de 300 soldats français sur l’aéroport de Bangui, pour permettre la poursuite de l’évacuation des ressortissants français et étrangers.
2004
Destruction des aéronefs de l’armée ivoirienne après le bombardement de Bouaké dans lequel 9 soldats de la force « Licorne » vont trouver la mort et 35 autres sont blessés. Evacuation des ressortissants français. Les soldats tirent sur la foule lors de manifestations anti-françaises.
2006
Soutien à l’armée tchadienne face aux rebelles (dispositif "Épervier"). L’aviation française effectue un tir de semonce devant une colonne rebelle à 250 km de N’Djamena.
2008
Protection de l’aéroport de N’Djamena et évacuation des ressortissants français au Tchad. Echange de tirs entre l’armée française et les rebelles près de l’aéroport.
Soutien logistique français à l’armée djiboutienne à la frontière érythréenne.
23 juillet 2008Promulgation de la
loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République : la réforme a complète l’article 35 de la Constitution en instituant une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures.
8 décembre 2008
Début de l’opération européenne "Atalante" comprenant des militaires français contre la piraterie au large des côtes de Somalie.
17-22 mars 2011
Le 17, à l’initiative de la France et de la Grande-Bretagne, adoption par le Conseil de sécurité de l’Onu de la résolution 1973, autorisant les Etats-membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des civils en Libye : la résolution prévoit une zone d’exclusion aérienne mais exclut toute force étrangère d’occupation. Le 22, déclaration du gouvernement suivie d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat sur l’intervention des forces armées en Libye (Opération « Harmattan »).
4-11 avril 2011
Le 4, intervention des forces françaises (Licorne) à Abidjan (Côte d’Ivoire) en appui des forces de l’ONU (ONUCI) qui bombardent les positions du Président sortant Laurent Gbagbo. Celui-ci, qui considère comme invalide l’élection de son concurrent Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de l’élection présidentielle de novembre 2010 par l’ONU, est accusé d’utiliser des armes lourdes contre des populations civiles. Interrogation sur le rôle des forces françaises lors de l’arrestation de Laurent Gbagbo, le 11 avril.
31 octobre 2011
Fin de l’Opération "Harmattan" en Libye.
2012En 2012 le coût des opération extérieures (OPEX) de la France s’est chiffré à 870 millions d’euros, contre 1, 2 milliard en 2011. Le projet de
loi de finances pour 2013 prévoyait une dépense de 630 millions (avant l’intervention au Mali).
Décembre 2012
Les dernières troupes combattantes françaises quittent l’Afghanistan.
11 janvier 2013
Début de l’opération "Serval" au Mali pour contrer l’avancée des forces djihadistes qui occupent le Nord du pays.