Rapport des experts français: Comment AQMI s’organise, recrute et se finance
Dans cette troisième partie du rapport parlementaire français dont nous avons entamé la publication, les experts révèlent la façon dont Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) est structurée et financée.
Structure d’AQMI.
Eu égard à la nature des activités d’AQMI, il n’y a pas d’organigramme officiel régulièrement mis à jour. Déterminer sa structure n’est donc pas aisé; il est néanmoins possible d’en établir les « grandes lignes ».
Tout d’abord, il est important de souligner que, comme Al Qaida (la » maison mère « ), AQMI (une » filiale « ) est structurée autour de serments d’allégeance: on prête allégeance à un chef et, par conséquent, on se met à son service dans le cadre d’une logique tribale, tout en conservant une grande autonomie. A la tête d’AQMI se trouve Abdelmalek Droukdal, son » émir national « . Celui-ci était déjà à la tête du GSPC depuis 2004 lorsque cette organisation terroriste est devenue » Al Qaida au pays du Maghreb islamique « , en janvier 2007. AQMI n’ayant pas de siège officiel, il est difficile de savoir où réside Droukdal, mais il semble qu’il se cache aujourd’hui dans le nord de l’Algérie. La zone d’action d’AQMI étant étendue, le territoire sur lequel elle évolue a été divisé en 4 régions. Un tel découpage n’est pas nouveau : le GSPC était déjà structuré en une dizaine de zones, les deux dernières correspondant au Sahel (zone n° 9) et à l’étranger (zone n° 10). La région « Centre » correspond aux zones 1, 2 et 3 de l’époque du GSPC, soit Alger et sa banlieue, la Kabylie et la Côte orientale de l’Algérie. C’est la région la plus active car elle regroupe le plus grand nombre de combattants (3 katibas représentant entre 500 et 800). Ses commandants seraient établis dans les Aurès. La région » Ouest « , la moins active, recoupe les anciennes zones 4 et 8 du GSPC soit la partie occidentale du territoire algérien jusqu’au Maroc, ainsi que le sud-ouest du pays. Dépendante de la région « Sud », elle sert à l’approvisionnement en armes. Correspondant aux zones 5, 6 et 7 du GSPC, la région « Est » est, elle aussi, très dépendante de la zone sud et accueille une centaine de combattants. Enfin, la région » Sud » est, aujourd’hui, la plus médiatique car elle est au coeur des enlèvements de ressortissants étrangers. Cette région est l’héritière de la zone n° 9 du GSPC et couvre le Sahel. Historiquement, elle a été le terrain de prédilection d’Abdelkader Belmokhtar dont la katiba, dénommée Al Moulathamine et composée d’une centaine d’hommes, a sillonné le nord du Mali et la Mauritanie depuis 1990. Une autre katiba a émergé. Créée par Abderrazzak El-Para en 2003 et dirigée, depuis son arrestation en mars 2004, par Abou Zeid, la katiba Tareq Ibn Zyad affiche ses ambitions par une série d’actions violentes et disséminées sur tout le Sahel. La rivalité croissante entre les commandants de ces 2 katibas – qui, on l’a vu, est à l’origine de la spirale inflationniste de violence dans la région – conduit Droukdal, l’émir national d’AQMI, à désigner Yahya Djouadi à la tête de la branche sahélienne de l’organisation. Djouadi confirme la répartition du territoire en 2 zones d’activité: à l’ouest, celui traditionnellement contrôlé par Belmokhtar, qui va du sud-ouest algérien au nord du Mali et de la Mauritanie ; à l’est, la zone d’influence d’Abou Zeid s’étendant de la région de Timétrine aux confins du Tchad en passant par le nord du Niger. Djouadi est aujourd’hui isolé – sans pouvoir être arrêté – dans le sud de l’Algérie par l’armée. Son influence en souffre, ce qui laisse le champ libre à Belmokhtar et Abou Zeid pour agir comme ils l’entendent dans leur zone respective voire, parfois, dans celle du rival. Les frontières de ces territoires ne sont pas toujours définies. Surtout, ils ne sont pas de taille équivalente. Les zones » Est » et « Ouest » sont secondaires par rapport aux zones « Centre » et « Sud ». Cette dernière revêt une grande importance au regard des aspirations internationalistes d’AQMI et la région « Centre » est placée au coeur de la lutte contre le pouvoir algérien.
Financement ‘AQMI.
La première des ressources financières d’AQMI provient du recours à des crimes de droit commun afin de financer le jihad. La première fatwa autorisant le financement du djihad par des activités illicites remonte aux années 90. Le GIA, » ancêtre » d’AQMI, recourait à de telles méthodes. En 2001, une fatwa d’un maître à penser du salafisme maghrébin, l’Egyptien Abou Bassir al-Tartousi, a légitimé le recours au vol, à la contrebande et au racket, si cela sert le djihad. AQMI a conservé de cette époque des méthodes relevant de l’organisation mafieuse. Le racket, les braquages de banques, l’extorsion de fonds, les trafics de drogue, de cigarettes ou d’être humains ont été mis en oeuvre et demeurent répandus. Le surnom « Mister Marlboro » de Belmokthar n’a pas été attribué par hasard! Son rival, Abou Zeid, pourtant ancien contrebandier, a dénoncé l’importance prise par ces trafic illicites. En 2008, il a provoqué la réunion d’un « conseil des chefs » qui a tranché en sa faveur et a privilégié des financements plus « respectables »: la dîme et la prise d’otages. La dîme s’apparente à un » impôt révolutionnaire » dû par les filières de contrebande transitant par les territoires contrôlés par AQMI. Officiellement, les katibas ne doivent pas être partie prenante du trafic et le montant de la dîme varie selon que le convoi est escorté ou non. Frapper d’un « impôt » le passage de la drogue est donc admis tant que la marchandise a pour destination les pays des« infidèles ».
La prise d’otage a, elle aussi, fait l’objet d’une tentative de légitimation par AQMI. Les otages ne sont pas considérés comme tels, mais comme des prisonniers de guerre. Le droit islamique autorise ceux qui les détiennent à s’en servir comme monnaie d’échange pour faire libérer d’autres prisonniers ou demander une rançon. La première prise d’otage à l’encontre de ressortissants étrangers a été l’enlèvement des 32 otages européens, dans le Tassili, en février 2003. 31 d’entre eux ont été libérés contre une rançon de 5 millions de dollars. En septembre 2010, lors d’un débat aux Nations Unies consacré à la stratégie antiterroriste mondiale, un conseiller du président Bouteflika a indiqué que les pays occidentaux avaient versé, jusqu’alors, 150 millions d’euros à AQMI contre la libération d’otages. Le prix d’une libération serait aujourd’hui de 2,5 millions d’euros par personne. Les prises d’otages sont donc devenues le moyen privilégié par AQMI pour s’assurer une source de financement. Le mode opératoire est simple: des bandes criminelles signalent la présence de ressortissants étrangers aux katibas d’AQMI, lesquelles « passent commande » ou envoient des équipes légères qui procèdent elles-mêmes à l’enlèvement.
Effectifs et recrutement au sein d’AQMI.
Les experts constatent la relative faiblesse des effectifs d’AQMI. Entre 500 et un millier de terroristes, répartis entre les katibas du Sahel et celles du nord de l’Algérie, sont membres d’AQMI. Héritière du GIA et du GSPC, AQMI reste fondamentalement une organisation algérienne. Certes, son projet revêt une dimension internationale mais ses cadres sont algériens. Droukdal, l’ »émir national » d’AQMI, est né près de Blida en 1970. Djouadi, en théorie à la tête de la région » Sud « , est lui aussi algérien, tout comme Belmokhtar et Abou Zeid, les 2 commandants rivaux des katibas sahéliennes. Les cadres originaires d’un autre pays sont rares. Parmi eux, Abdelkarim al-Targui, qui sévit dans la région « Centre », est d’origine malienne et est surnommé « le Touareg ». C’est une personnalité montante au sein d’AQMI et on lui attribue la volonté de créer une troisième katiba dans la région « Sud ». Les combattants d’AQMI ont, en majorité, algériens mais l’organisation accueille aussi des Mauritaniens, des Marocains, des Libyens, des Maliens et des Nigériens. La katiba de Belmokhtar serait composée d’un tiers de Mauritaniens, sur un effectif d’une centaine d’hommes. Encore faut-il distinguer, lorsqu’on évalue les effectifs d’AQMI, ceux qui appartiennent vraiment à l’organisation et ceux qui composent les bandes gravitant autour d’elle. Entendu par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 11 mai 2011, M. Soumeylou Boubèye Maiga, ministre malien des affaires étrangères, a ainsi déclaré que les effectifs d’AQMI au Mali peuvent être « estimés entre 250 et 300 personnes »,mais « que les effectifs réels des combattants se situent plutôt autour de 100 auxquels il faut ajouter ceux qui vivent de l’activité « de l’organisation. Quant aux Touareg du Nord du Mali, ils semblent encore étrangers aux activités salafistes même s’il convient de rester vigilant sur ce point. L’origine sociale des hommes d’AQMI est généralement modeste. L’enrôlement dans les groupes terroristes est favorisé par l’exclusion et le chômage des jeunes. Même les plus diplômés, lorsque leur avenir paraît compromis par l’absence de perspectives, sont tentés par la voie du jihad et la dimension » héroïque » qu’elle revêt. De surcroît, l’attrait de la nébuleuse terroriste a bénéficié, au cours des années 2000, de l’impact du conflit au Proche-Orient et de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis. Quel que soit leur milieu d’origine ou les raisons de leur engagement, les terroristes d’AQMI font tous preuve d’un fanatisme exalté. C’est là que leur extrême dangerosité prend naissance. Leur fanatisme les conduit à éprouver une haine pour l’Occident, notamment la France. Aux yeux d’AQMI, la France cumule les raisons de se faire détester: passé colonial, soutien à Israël dans l’acquisition de la bombe atomique, présence en Afghanistan et dans des pays musulmans africains, appartenance à l’OTAN, lois sur la laïcité… Abou Zeid, par exemple, refuse de parler le français, la langue du colonisateur. Ce fanatisme a un prolongement matériel: il permet aux hommes d’AQMI de supporter la vie dans le désert. Pierre Camatte et de Mme Françoise Larribe, anciens otages, qui ont pu les côtoyer pendant des semaines, ont souligné l’aspect très spartiate des conditions de vie des katibas.
L’étude d’AQMI conduit à s’interroger sur les relations entretenues par elle avec son environnement.Des communautés sont établies depuis au Sahel des siècles et des liens se sont noués entre les katibas et les populations locales. Du côté d’AQMI, il serait illusoire de vouloir se couper des habitants du Sahel. Originaires de l’Algérie, les membres d’AQMI ne sont pas chez eux dans le nord du Mali et les régions alentours.Ils ont besoin de la connaissance du terrain qu’ont les populations nomades. Ils en dépendent également au plan logistique, en particulier pour s’approvisionner en eau, en vivres ou en essence. Pour tisser des liens avec ces populations, AQMI a déployer une stratégie de « séduction » reposant sur l’essor de l’économie locale et de nombreux services rendus aux habitants. AQMI achète de tout aux commerçants locaux: du carburant, des pneus, des pièces de rechange, des céréales, de la farine, du sucre, du thé, voire des armes… Comment, dans ces conditions, des territoires confrontés à une pauvreté extrême auraient-il pu résister à l’attrait d’AQMI ? Client riche et fidèle, AQMI a profité de l’absence de toute structure publique pour occuper un terrain laissé à l’abandon par des Etats défaillants. Aujourd’hui, des familles entières vivent de l’argent sale d’AQMI. En montrant qu’il est possible de gagner beaucoup d’argent par le biais de rançons, AQMI a fait des émules et sous-traite l’enlèvement d’otages à des groupes locaux. Ainsi, l’enlèvement de 2 Français à Hombori, en novembre 2011, a été le fait d’un jeune Touareg ayant séjourné dans le même hôtel qu’eux et qui les a « revendus » pour 30.000 euros à AQMI. De telles dérives ont été facilitées par la perte d’autorité des chefs traditionnels arabo-berbères, démunis face à l’attrait croissant d’AQMI.De surcroît, l’organisation a tissé des liens de sang par des mariages entre ses cadres et des jeunes filles locales. Mokhtar Belmokhtar est connu pour avoir épousé une femme de Tombouctou. Liens économiques, sociaux… Ce n’est donc pas seulement l’immensité du territoire sur lequel AQMI évolue qui rend difficile le combat contre cette organisation. C’est aussi son enracinement et l’absence d’hostilité d’une grande partie de la population à son égard.
AQMI, une menace pour l’Afrique.
Au-delà des violences directes contre ses cibles favorites que sont les autorités algériennes et les occidentaux, AQMI constitue une menace pour l’avenir du sahel et des régions périphériques.Elle exerce une influence néfaste sur le développement économique de la zone. Elle favorise l’essor de la criminalité, en particulier parmi les populations touareg. Enfin, elle offre des perspectives d’extension de la violence terroriste, notamment au Nigeria, avec la secte Boko Haram. Les attentats et les prises d’otages commis par AQMI, associés à l’incapacité des gouvernements à y mettre un terme, ont anéanti le climat sécuritaire du sahel. L’insécurité a dissuadé nombre d’investisseurs d’intervenir dans la zone.
La première conséquence de la dégradation sécuritaire au Sahel a été de faire de cette région une zone à éviter. En témoigne l’annulation du rallye Paris-Dakar, en janvier 2008. Aujourd’hui, le Sahel fait partie des zones que le ministère français des affaires étrangères déconseille « formellement ». Les zones concernées souffrent de ce classement. Le tourisme y a ainsi été anéanti alors que des territoires entiers dépendaient de cette unique ressource. Au Niger, par exemple, Agadez, qui vivait largement dans les années 70 à 90 des revenus de l’hôtellerie et de l’artisanat se trouve aujourd’hui privée du flux de touristes qui lui était vital. Tombouctou, la « perle du désert « , vit la même situation de désespoir à la suite de l’évacuation de touristes européens, fin novembre 2011. Le tourisme n’est pas le seul secteur qui souffre du classement en « zone rouge » de la plus grande partie du Sahel. Nombre d’ONG, de coopérants ou de chercheurs ne peuvent plus se rendre sur place.
Deuxième conséquence des attaques d’AQMI : le renchérissement de la présence étrangère. Tel est le cas au Niger. L’extraction d’uranium représente 90% des exportations du pays et l’unique générateur de devises pour le Niger. Ce secteur revêt aussi une importance pour la France. Areva a opéré d’importants investissements (1,2 milliards d’euros) sur le site d’Imouraren dont les ressources en uranium sont de 180.000 tonnes. Depuis des années, Areva et l’Etat nigérien ont pris conscience de la nécessité de sécuriser les mines.En 2010, les coûts de sécurité des sites d’Areva avait doublé par rapport à 2008.Ces mesures n’ont pas empêché la prise d’otages d’Arlit, dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010. Après cette attaque, un plan global de protection des implantations d’Areva a été mis en place et vérifié par le Quai d’Orsay. Les employés sont escortés en permanence. Un tel dispositif, lourd et coûteux, n’est pas un cas unique. 25 entreprises françaises travaillent dans les 3 pays du Sahel. Comme Areva, elles travaillent sur la base d’un plan de sécurité présenté au centre de crise du ministère des affaires étrangères.
AQMI, une tentation pour les Touareg ?
Il n’existe aucun lien organique entre AQMI et les Touareg. L’idéologie salafiste n’a jamais trouvé d’écho auprès des populations touareg. Bien que musulmans sunnites depuis les invasions arabes du 7ème siècle, les Touareg ne revendiquent pas l’islam comme élément de leur identité, ce rôle étant détenu par leur langue, le tamasheq. Les Touareg sont donc modérés et ne se retrouvent pas dans le fanatisme d’AQMI dans lequel ils voient plus un problème algérien que sahélien. A certains moments, une certaine animosité les a même opposés. En 2006 et 2007, par exemple, les services algériens ont fourni des armes aux Touareg pour lutter contre AQMI, provoquant à l’époques des accrochages. Plus récemment, des touareg de retour de Libye semblaient décidés à « nettoyer » la région et à en chasser les katibas d’AQMI, lesquelles, prenant la menace au sérieux, ont rapidement quitté leurs bases. Toutefois, il semble aujourd’hui que les relations entre Touareg et AQMI soient plus apaisées. Pour les premiers, c’est d’abord une nécessité tactique. Privés du soutien de Kadhafi et engagés dans une nouvelle rébellion contre le Mali, il ne serait pas judicieux, de leur part, d’affronter AQMI. Par ailleurs, des Touareg ont pu participer à des opérations d’AQMI, notamment à l’enlèvement d’étrangers à Arlit, au Niger. Les motifs de ces rapprochements sont multiples. Il n’est pas exclu que de jeunes Touareg, échappant au contrôle des plus anciens, soient séduits par le discours anti-occidental d’AQMI, à un moment où l’image de la France est très dégradée car celle-ci est perçue comme une puissance exploitante. Surtout, AQMI, dont les effectifs ne sont pas élevés, a besoin de soutiens logistiques (chauffeurs, convoyeurs…) et d’intermédiaires pour mener à bien ses actions. Dès lors, les Touareg, qui vivent dans des régions isolées et pauvrres, peuvent être attirés par un banditisme rémunérateur. Grâce aux rançons payées pour libérer les otages, AQMI dispose de moyens considérables et travailler avec ses katibas peut faire vivre de nombreuses familles. S’il prospait, le rapprochement entre AQMI et les touareg constituerait une menace pour le Sahel. Les Etats de la région peinent à combattre le terrorisme. Le Mali voit apparaître une nouvelle rébellion touareg. Dans ce contexte, il est facile d’imaginer le chaos que pourrait susciter une alliance entre AQMI et les Touareg.
AQMI, un modèle pour la secte Boko Haram ?
En haoussa, une langue du nord du Nigeria, Boko Haram signifie que l’éducation occidentale est un pêché. Une organisation porte ce nom. Elle a été fondée en 2002, à Maiduguri, dans le nord-est du pays, par Mohammed Yusuf, un prédicateur fondamentaliste. Prônant l’instauration d’un émirat dans le nord, musulman, du Nigeria, Boko Haram, véritable secte islamiste, exige un respect strict de la charia.A sa création, elle s’attaque aux bars, aux églises mais aussi aux administrations. En 2009, Mohammed Yusuf est capturé par l’armée nigériane et tué en prison. La secte se radicalise et étend son action au-delà de la seule partie septentrionale du pays. Si, en 2010, elle avait commis une dizaine d’attentats, elle en a perpétré une centaine en 2011. Depuis quelques semaines, elle a entrepris des actions sanglantes contre des chrétiens. Au seul mois de janvier 2012, elle a tué 250 personnes. Ces attaques ont médiatisé la secte alors que jusqu’ici, elle a tué beaucoup plus de musulmans que de chrétiens. Ces violences sont dans la logique du message anti-occidental que véhicule Boko Haram.Elles sont aussi liées à son désir d’accélérer la chute du pouvoir nigérian, incarné par le président Goodluck Jonathan. Ce dernier, un chrétien, a, en plus, le « défaut », aux yeux de la secte, d’être originaire du sud du pays qui, majoritairement chrétien, est la partie la plus développée du Nigeria. Cette violence pourrait trouver à s’épanouir encore plus si se confirment les connexions entre Boko Haram et AQMI. Des indices en faveur de cette thèse se sont accumulés. La secte a déjà affirmé, par le passé, son « affiliation » à AQMI. L’enquête sur l’enlèvement de 2 Français, à Niamey, en janvier 2011, a révélé que certains ravisseurs, tués par les forces françaises, avaient été en contact tant avec Boko Haram qu’avec AQMI.En janvier 2012, les autorités des Etats sahéliens, réunis à Nouakchott, ont réaffirmé la réalité des liens entre les deux organisations. Il n’est pas anodin de relever qu’en juin dernier, Boko Haram a, pour la première fois, employé la technique de l’attentat suicide, à Abuja, contre le siège de la police. Ce déchaînement de violences est intervenu peu après l’éclatement de la crise libyenne et la dissémination d’armes qui a suivi. Boko Haram a certainement profité de cette opportunité pour acquérir de nouveaux matériels. La folie meurtrière de la secte nigériane hypothèque l’avenir de la région. La création d’un arc terroriste en Afrique qui irait de la Mauritanie au Nigeria et se prolongerait, ensuite, vers la Somalie, ne peut qu’inquiéter tous ceux qui s’intéressent à l’avenir du continent.
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