Les Touareg de l’Azawad ont voulu libérer leurs territoires de l’autorité malienne. Quelques semaines après le début de la guerre, la région est tombée sous l’emprise d’Aqmi, leur allié dans l’offensive contre l’armée du pouvoir central.
Entre-temps, à Bamako, coup d’État contre un président qui voulait tergiverser sur la remise en jeu électorale de son pouvoir. Puis, contre- coup d’État sans coup férir de la Cédéao contre les putschistes qui cèdent sans s’effacer.
Jusqu’ici, seules les armes parlent. Des Maliens ont bien tenté de manifester pour appuyer le coup de force des “bérets verts” ou pour soutenir le président déchu, mais sans effet sur le cours des choses. Les populations du Sud ont été brutalement “islamisées” par les combattants d’Aqmi et de ses démembrements locaux. Les armes parlent et les populations se taisent et subissent. Depuis deux jours, les habitants de Tombouctou regardent, impuissants, les terroristes d’Aqmi détruire les mausolées de leurs saints et profaner leur tombe.
Les pouvoirs qui, dans les ex-colonies, ont pris la relève des gouverneurs leur ont désappris à se défendre, à défendre leur patrimoine, à défendre leur mémoire et même leurs saints vénérés. C’est ce qu’on fait. Un demi-siècle après la décolonisation de l’Afrique, c’est toujours la violence qui fait régner l’ordre, la puissance du plus fort, pas la force de la loi. Sous prétexte de monopole républicain de la violence, les régimes postindépendance africains ont imposé à leurs citoyens la pédagogie de la peur et la crainte des représailles. Cela fait cinquante ans que ces régimes tiennent par la force, alternent par la conspiration ou l’insurrection armée, rarement par l’expression libre des peuples. Et quand l’un de ces États tente l’expérience de se faire gouverner par les règles de la démocratie, elle tourne court. Trop d’ambitions pétries dans la culture putschiste préfèrent le raccourci facile de la violence au processus complexe de la démocratie.
L’histoire politique de l’Afrique (et du monde arabe) est une histoire de coups d’État et de conjurations organisées par des forces qui ont fait le pas de contester le monopole de la violence aux dictateurs en place. Avant d’exercer, à leur tour, cette violence contre les populations indéfiniment soumises.
Plus tard, c’est de l’extérieur qu’un mouvement hégémonique transnational s’emploiera à bouter hors de leur fief les dictatures jusqu’ici imprenables. Pour la première fois, en Afrique, les islamistes contrôlent quasiment seuls un territoire et soumettent à leur empire sa population. À Tombouctou, cette population assiste, effarée et pétrifiée, à la destruction de ce qui, depuis des siècles, fait l’essence de sa conscience. Elle assiste sans réagir au sacrilège imposé à ses saints, des quasi-divinités, parce qu’elle a toujours appris à se soumettre devant la menace de l’arme.
Les démocraties se perpétuent parce qu’elles apprennent aux peuples à ne se soumettre qu’à ce qui est légal et légitime.
Aussi impuissants, l’Unesco et le monde se content de s’émouvoir, comme ils l’ont déjà fait devant la tragédie de Bagram. Toute aussi impuissant, le monde qui propose un plan de transition à une Syrie largement engagée dans une guerre où justement chacune des parties de la communauté internationale a déjà choisi son camp !
Au Sud du monde, la force prime toujours sur le droit.
Mustapha Hammouche,Liberte Algérie, http://www.liberte-algerie.com/contrechamp/le-sud-la-force-et-le-droit-181155