dimanche 7 décembre 2014

« Je me suis mis en quarantaine »

Claude, médecin français, en contact avec un malade du virus en Guinée, a volontairement choisi de s'isoler. Récit.

http://www.leparisien.fr/informations/je-me-suis-mis-en-quarantaine-07-11-2014-4272449.php#xtref=http%3A%2F%2Fissikta.blogspot.be%2F%3Fview%3Dclassic
Claudine Proust | 07 Nov. 2014, 07h00 | MAJ : 07 Nov. 2014, 05h33
Kankan (Guinée), le 10 octobre. Depuis qu’il est à la retraite, Claude (avec la casquette), ancien médecin généraliste, enchaîne les missions pour de petites structures. Il y aide les médecins locaux à soigner leurs patients.
Kankan (Guinée), le 10 octobre. Depuis qu’il est à la retraite, Claude (avec la casquette), ancien médecin généraliste, enchaîne les missions pour de petites structures. Il y aide les médecins locaux à soigner leurs patients. (DR.)
Souriant sous sa casquette, Claude précise dès qu'on lui tend la main : « Vous ne risquez rien, je ne suis plus en quarantaine. » Ebola fait peur. Il le sait. Il a d'ailleurs souvent prétexté la grippe pour justifier de ne pas serrer de mains ces derniers temps en France, avant de repartir demain vers cette Afrique de l'Ouest qu'il a quittée il y a trois semaines.


Vingt et un jours : c'est le temps d'incubation du virus Ebola. C'est la quarantaine que ce médecin s'est imposée, pour avoir été en contact, sans grande protection, avec un malade à Kankan en Guinée. Question de « prudence déontologique », explique-t-il. « Je n'avais pas de fièvre en quittant Kankan. Sinon je n'aurais pas passé les points de contrôle de température sur la route vers l'aéroport de Bamako (Mali). Simplement, avec le médecin sur place confronté comme moi à la possible contamination par un malade, on a jugé plus prudent de s'isoler. »

Sans point de chute où s'enfermer là-bas, il a préféré rentrer se mettre au vert en France, chez des amis compréhensifs à la campagne. « Dans l'avionje me suis assis à l'écart. Une fois ici, j'ai pris ma température, évité les lieux publics et tenu discrètement mes distances avec ceux qui venaient dîner chez eux. Pour le reste, il y a Internet ! » sourit le médecin qui s'est tenu au courant de l'évolution de « son » malade à Kankan. L'épidémie n'a pas fait renoncer Claude à sa promesse faite en mai, aux Enfants de l'Aïr, association du sud de la France. Depuis qu'il est à la retraite, ce généraliste multiplie les missions pour de petites structures, qui œuvrent dans l'humanitaire quotidien, aidant les médecins locaux à mieux soigner les leurs. Lorsqu'il a atterri à l'hôpital de Kankan en septembre, il venait parrainer des internes, les assister en consultation. L'Est, où se situe cette grosse ville, à 600 km de Conakry, n'est pas une zone épidémique.

L'hôpital, où l'on vient pour « toutes sortes de pathologies courantes » est conçu « à l'ancienne », avec chambres à cinq lits. On y consulte avec des gants simples et « il n'y a que deux thermoflash » pour prendre la température à distance, souligne Claude, qui repart du coup avec vingt thermomètres et des gants dans ses bagages. Quand un jeune homme a débarqué un matin, personne ne se méfiait qu'il se plaigne de diarrhée, même sévère, « maladie banale en Afrique ! » sourit Claude. Sauf qu'au fil de la consultation, son cas se révèle suspect. Il revient de Macenta (où la Croix-Rouge vient d'ouvrir un centre Ebola), en pleine zone rouge. Sa mère y est morte huit jours plus tôt et personne ne croit que ce soit, comme il dit, « d'une crise d'hémorroïdes ».

Le patient est transféré à 200 km, vers le centre MSF de Geckedou, avec deux de ses proches jugés aussi suspects. Signe de la terreur Ebola, « quand le personnel déguisé en cosmonaute est venu désinfecter sa chambre, deux patients se sont enfuis », raconte Claude. Et l'un des proches du jeune homme -- lequel se révélera un cas Ebola et guéri depuis -- a préféré mourir en se jetant de l'ambulance. Si Claude confie qu'il refera sans doute « une quarantaine cool » à son prochain retour en décembre, pas question de ne pas repartir : « Je ferai plus attention, mais bien sûr que je repars ! Abandonner la mission reviendrait à dire aux Guinéens qu'on les abandonne. »

Aucun commentaire: