50 ans d’interventions militaires en Afrique
Vincent Hiribarren, Libeafrica4.blogs.liberation.fr
Les livres et pamphlets dénonçant la Françafrique sont légion. Pour ceux qui se situent dans le camp des dénonciateurs, la Françafrique est un magma de relations politico-militaires sulfureuses visant à maintenir l’influence de la France dans ses anciennes colonies avec l’aide d’une toute petite élite africaine. A l’inverse, ceux qui soutiennent les interventions militaires en Afrique affirment que la nature variée des interventions françaises en Afrique (soutien à un régime ami, intervention au nom de l’ONU, l’Union Européenne, aide humanitaire…) suit simplement la logique des accords bilatéraux signés entre Paris et telle ou telle capitale sur le continent. Ces accords assureraient la sécurité des pays concernés mais aussi celle de la France.
La conséquence directe de cette dernière conception est que toute approche holistique est impossible. En d’autres termes, une intervention de quelques jours pour soutenir un président-ami ne saurait être comparée à la toute récente opération Barkhane qui va, sans aucun doute, s’étaler sur plusieurs mois voire années. Il est vrai que dresser une liste précise des actions militaires en Afrique est difficile. Ceci est dû en particulier à l’éparpillement des sources orales et écrites mais aussi à celui des études qui tendent à se spécialiser sur un pays ou une période particulière. L’Armée de terre elle-même a tenté de se livrer à l’exercice et, de son propre aveu, «bon nombre d’informations ont disparu». (Pour une liste non exhaustive, voir: Armée de terre française, Recueil de fiches typologiques, tome II, 2006)
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Ce diagramme de Gantt révèle la continuité de l’action française dans certains pays après la décolonisation. Par exemple, des bases militaires (en vert sur le diagramme) comme celle de Djibouti ont été introduites une fois l’indépendance venue, en l’occurrence en 1977. Ce diagramme a aussi le mérite de comparer les territoires entre eux et montre à quel point certains d’entre eux sont toujours cruciaux pour la France alors que d’autres n’ont fait l’objet «que» d’opérations ponctuelles. Une autre façon de lire cette visualisation serait de voir l’importance du sommet de la Baule de 1990 qui est à l’origine d’une multitude d’interventions françaises en Afrique. Que ce soit par des opérations terrestres, aériennes ou de surveillance maritime (en jaune sur le diagramme), la présence militaire française dans certaines régions est continue depuis le XIXe siècle !
Cette visualisation entend aussi montrer l’étendue géographique et temporelle des opérations militaires françaises en Afrique après 1960. Avec plus de 50 interventions militaires de toutes sortes en plus d’un demi-siècle dans des États souverains, la France a honoré plus d’une fois ses accords bilatéraux avec ses anciennes colonies mais a aussi étendu son champ d’action à d’autres pays autrefois colonisés par les Belges ou les Portugais. On peut parler de politique impérialiste tant la volonté est de maintenir une influence politique française grâce à une diplomatie du béret rouge.
La fréquence avec laquelle les différents gouvernements français ont par ailleurs déployé des troupes est frappante. Évidemment, ce diagramme ne permet ni de saisir la nature de chaque opération, ni le nombre de soldats déployés sur place, mais il est frappant de voir à quel point les interventions en Afrique se produisent de manière récurrente au nom d’accords avec tel ou tel chef d’État ou plus récemment contre le terrorisme. Tant que le contribuable français sera prêt à payer et ne trouvera rien à redire, je suis prêt à parier que la liste des «interventions» militaires continuera à s’allonger.
http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/mon-blog/2014/10/50-ans-dinterventions-militaires-en-afrique.html
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