Je ne m'en lasse pas.
J'ai posté cette lettre en début d'année également, Philippe, car je la trouve extraordinaire, allant à contre courant de ce que nous entendons à longueur de temps. Une lettre pleine d'espoir et d'énergie à l'image de son auteur. Ariane Mnouchkine est vraiment une dame exceptionnelle. Je ne l'ai rencontré qu'une fois dans ma vie, à la Cartoucherie, en 96 au moment de l'affaire des sans-papiers de "Saint Bernard". Elle avait accueilli nombre d'entre eux et j'avais échangé un long moment avec elle et Babakar Diop. Je suis parti de là, comment dire, "transfiguré". C'est quelqu'un que j'aime énormément.
Voeux d’Ariane Mnouchkine
Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
À I’ aube de cette année 2014, je vous souhaite Beaucoup de bonheur. Une fois dit ça, qu’ai-je dit? Que souhaitais-je vraiment ?
Je m’explique. Je nous souhaite d’abord une fuite périlleuse et ensuite un immense chantier.
D’abord fuir la peste de cette tristesse gluante, que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre, de méfiance de tout le monde, de ressentiments passifs et contagieux, d’amertumes stériles, de hargnes persécutoires. Fuir l’incrédulité ricanante, enflée de sa
propre importance, fuir les triomphants prophètes de I’ échec inévitable, fuir les pleureurs et vestales d’un passé avorté à jamais et barrant tout futur.
Une fois réussie cette difficile évasion, je nous souhaite un chantier, un chantier colossal, pharaonique, himalayesque, inouï, surhumain parce que justement totalement humain. Le chantier des chantiers. Ce chantier sur la palissade duquel, dès les élections passées, nos élus s’empressent d’apposer |’écriteau : Chantier Interdit au Public. Je crois que j’ose parler de la démocratie. Etre consulté de temps à autre ne suffit plus. Plus du tout.
Déclarons-nous, tous, responsables de tout.
Entrons sur œ chantier. Pas besoin de violence. De cris, de rage. Pas besoin d’hostilité. Juste besoin de confiance. De regards. D’écoute. De constance. L’Etat, en L’occurrence, c’est nous.
Ouvrons des laboratoires, ou rejoignons ceux, innombrables déjà, où, à tant de questions et de problèmes, des femmes et des hommes trouvent des réponses, imaginent et proposent des solutions qui ne demandent qu’à être expérimentées et mises en pratique, avec audace et prudence, avec confiance et exigence.
Ajoutons partout, à celles qui existent déjà, des petites zones libres. Oui, de ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif.
Expérimentons, nous-mêmes, expérimentons, humblement, joyeusement et sans arrogance. Que l’échec soit notre professeur, pas notre censeur. Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage. Scrutons nos éprouvettes minuscules ou nos alambiques énorme afin de progresser concrètement dans notre recherche d’une meilleure société humaine. Car c’est du minuscule au cosmique que ce travail nous entraînera et entraîne déjà tout ceux qui s’y confrontent. Comme les poètes qui savent qu’il faut, tantôt écrire une ode à la tomate ou à la soupe de congre, tantôt écrire les châtiments. Sauver une herbe médicinale en Amazonie, garantir aux femmes la liberté, l’égalité, la vie souvent.
Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore au tout premier chapitre d’une longue et fabuleuse épopée dont ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs.
Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont qu’une œuvre, faite de milles œuvres à accomplir, ensemble, avec leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Disons le haut et fort, car, beaucoup d’entre-eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère. Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient.
Qu’attendons-nous ? L’année 2014 ? La voici.
Ariane Mnouchkine
TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne. Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire