mardi 11 octobre 2011


Des soldats maliens de Libye rentrent dans un pays déjà fragilisé
KIDAL — Dans le nord du Mali, autorités, ONG et habitants se préparent à intégrer en douceur, dans une région déjà fragilisée par la présence d'Al-Qaida, des centaines de Maliens qui combattaient dans l'armée libyenne de Mouammar Kadhafi.
"C'est normal, qu'on accueille nos frères", dit un homme d'affaires.
Les tentes sont déjà dressées à une trentaine de kilomètres au nord de Kidal (nord-est), chef-lieu de la région du même nom frontalière de l'Algérie.
Une collecte d'argent a été lancée par le comité mis en place pour accueillir ces ex-militaires d'origine malienne et qui ont obtenu la nationalité libyenne, attendus dans quelques jours, indiquent les organisateurs, sans fournir de nombre et de calendrier.
Il n'y a pas de montant fixe demandé, "c'est selon le portefeuille de chacun. Moi, j'ai cotisé 200.000 FCFA (305 euros). Vraiment, chacun donne ce qu'il peut", précise un homme, employé à Kidal, s'identifiant simplement comme Attaher.
Objectif: réserver un accueil "digne" à "ces fils du pays", dit-on au gouvernorat de Kidal.
Mohamed Ouchar, un homme d'affaires de la région, a un frère parmi ceux qui reviennent. "Il était dans l'armée de Kadhafi, avec la nationalité libyenne. C'est normal, qu'on accueille nos frères" sans hostilité, avance-t-il.
"Nous avons pris le taureau par les cornes. Au lieu de laisser (ces ex-militaires) s'évaporer dans la nature et constituer une source de danger, nous avons décidé de les accueillir avec armes et bagages pour mieux les insérer", explique un responsable au gouvernorat sous couvert d'anonymat.
Selon les consignes données par l'état-major de l'armée, ceux qui reviendront armés seront "désarmés en douceur".
"C'est la première fois qu'on organise le retour d'un convoi de militaires", déclare Ibrahim Ould Mohamed de Stop Armes, une ONG de lutte contre la prolifération des armes au Sahel, en indiquant que les ex-militaires reviendront sûrement avec "des civils, membres de leurs familles".
Selon lui, il pourrait y avoir également parmi eux des mercenaires recrutés au déclenchement, mi-février, de la rébellion contre le pouvoir de Mouammar Kadhafi qui est tombé après plus de six mois de guerre.
Le régime de M. Kadhafi défait - M. Kadhafi lui-même demeurait introuvable -, des hommes ayant combattu pour lui ont pris le chemin du Sahel d'où ils sont originaires, après avoir été formés à la guerre et dotés d'armes, suscitant des craintes pour la sécurité dans une région déjà confrontée à l'activité d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
Que ces ex-combattants de Libye reviennent au Mali, "ce n'est pas un problème. A partir du moment où ils reviennent avec de bonnes intentions, nous devons leur ouvrir les bras. Ce n'est pas la peine de mettre l'huile sur le feu", estime Ibrahim Ould Mohamed de Stop Armes.
"Mais il faut tout de suite leur trouver quelque chose, pour qu'ils ne soient pas tentés par l'aventure", avertit-il.
Son avis est partagé par un autre responsable d'ONG de Kidal, membre du comité d'accueil des Maliens de Libye. "C'est l'avenir de toute la région qui est en cause si on ne tend pas la main à ces frères de retour" car "le Sahel, aujourd'hui, est une poudrière", affirme sous couvert d'anonymat ce responsable.
Des représentants du gouvernement et de communautés locales ont engagé des discussions avec d'autres Maliens, civils comme ex-combattants, déjà rentrés de Libye.
Un ministre malien estime toutefois que le Conseil national de transition (CNT, nouvelles autorités) de Libye devrait, lui aussi, penser aux ex-membres de l'armée libyenne d'origine malienne. "Ce sont des Libyens, quand même. Il appartient au CNT de jouer la carte de la réconciliation nationale et de les accepter pour que le Sahel, déjà déstabilisé, ne le soit pas davantage", déclare-t-il.

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