mercredi 10 juin 2009

Afrique : La Chine en Afrique - De l’exploitation Sud-Sud ?


AllAfrica / Servaas van den Bosch Inter Press Service (Joannesburg) 08-06-09
mercredi 10 juin 2009


C’est un samedi, autour de 17 heures, que le charpentier Thomas Haimbodi arrête le travail. Il attend le camion qui le prendra avec ses collègues du site de construction - l’immeuble du nouveau ministère des Affaires domaniales et de Réinstallation à Windhoek - à Katutura, la banlieue de Windhoek, la capitale namibienne.

"Je travaille neuf heures par jour, sept jours par semaine", déclare Haimbodi. "Ce n’est pas nous tous qui le faisons, mais j’ai besoin des heures supplémentaires". Ses patrons chinois encouragent les heures infernales. "Il offre un accord informel qui dépasse un peu le salaire normal". "Normal", dans le cas de Haimbodi, s’élève à environ 10 dollars par jour.

La plupart gagnent beaucoup moins que cela, mais les 40 pour cent de chômage, ahurissants, de la Namibie font qu’il est difficile de refuser toute sorte de travail.

’China Nanjing International’, l’employeur de Haimbodi, est fier de fournir "une Construction de qualité pour le développement national", selon un grand panneau publicitaire sur le site.

Pourtant, les entreprises de construction locales namibiennes ont traîné Nanjing devant le tribunal au sujet des 8,7 millions de dollars d’appel d’offres du gouvernement qui, selon eux, a été injustement accordé - toutefois sans résultat.

"Les entreprises d’Etat chinoises (SOE) ont réduit les entreprises locales parce qu’elles méprisent la réglementation du travail", affirme Herbert Jauch de l’Institut namibien des ressources et de recherche sur le travail (LaRRI). Il est co-éditeur d’une étude à paraître bientôt sur les investissements chinois en Afrique et leurs impacts sur les conditions de travail.

Les effets secondaires de la politique de "Regarder vers l’Est", que beaucoup de pays africains ont adoptée, sont alarmants, révèle l’étude.

Dix pays subsahariens ont participé à l’étude menée par le Réseau africain de recherche sur le travail (ALRN). "Dans l’étude de cas de la Namibie, nous avons constaté que, en 2008, la plupart des entreprises de construction chinoises payaient environ 35 cents US par heure pour les ouvriers alors que le salaire minimum national pour l’industrie s’élevait à un dollar".

Selon Jauch, jusqu’à 70 pour cent des grands projets de construction dans le pays sont détenus par les entreprises chinoises. "Elles n’ont pas souvent les documents de travail nécessaires, tels que les certificats d’équité en emploi, mais bénéficient pourtant des appels d’offres de valeur".

Les chercheurs africains déplorent les pertes d’emplois qui découlent de l’emploi de grands nombres de travailleurs chinois sur des projets de construction sur le continent, ainsi que la concurrence des produits d’importation bon marché dans "les boutiques chinoises" au niveau local.

Ces chercheurs écrivent que "la Chine a attaché de l’importance aux prestations politiques et économiques et s’est décrite comme un partenaire économique attirant et un ami politique".

"Pour les gouvernements africains, cela constituait une alternative au ’Consensus de Washington’ et a été appelé le ’Consensus de Beijing’, c’est-à-dire, appuyer sans interférence dans les affaires internes".

Les investissements chinois en Afrique sont concentrés dans l’énergie, l’exploitation minière, la transformation, la construction, les secteurs du détail et des finances, indique l’étude. Les principaux pays visés sont l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Nigeria et le Ghana.

La Chine est le troisième plus grand partenaire commercial du continent, après les Etats-Unis et la France. Pourtant, l’Afrique représente seulement trois pour cent de l’investissement étranger direct de la Chine.

Sur le terrain, les investissements chinois entraînent des problèmes.

"Il existe un type de pratiques déloyales de travail, non-conformité avec les réglementations locales, violation des conventions internationales, violation des pratiques bancaires et des réglementations des devises étrangères, des salaires bas et une absence totale de contrats et de profits", déclare Jauch à IPS.

La Chine offre aux gouvernements des incitations attractives pour qu’ils ouvrent leurs portes aux investissements. La Namibie, par exemple, a un volume commercial de 400 millions de dollars avec la Chine, mais au-dessus de cela, le président chinois, Hu Jintao, a étendu un prêt concessionnel de 100 millions de dollars à ce pays, ainsi qu’une ligne de crédit de 72 millions de dollars.

Contre une telle aide au développement, affirme Jauch, le gouvernement chinois obtient un accès facile aux marchés africains - quelque chose dont elle a plus que jamais besoin maintenant.

"La situation du chômage en Chine, exacerbée par la baisse du crédit, entraîne l’envoi, par le gouvernement, de grands nombres de ses travailleurs à l’étranger", explique Jauch. "Ces ouvriers gagnent souvent plus que leurs homologues africains".

L’étude de cas de la Namibie mentionne des rumeurs persistantes selon lesquelles des prisonniers chinois seraient en train d’être transférés pour travailler sur des projets en Afrique.

Un propriétaire d’une entreprise de construction, parlant le Oshiwambo, confirme cela à IPS. "Nous passons un temps difficile pour obtenir du gouvernement des emplois, alors que le navire chinois décharge des conteneurs de prisonniers pour travailler sur des projets publics".

Sur le site de construction de Haimbodi, à Windhoek, il y a 15 contremaîtres, tous des Chinois. "La communication est un grand problème", se plaint-il. "C’est un mélange de mauvais anglais et des gestes de la main. Bien sûr, quand ils nous insultent dans leur propre langue, nous comprenons le message".

Haimbodi et ses collègues se plaignent des bas salaires, du fiasco syndical, des relations de travail tendues et du manque de vêtements de protection. "Regardez leurs pieds". Haimbodi indique du doigt ses collègues travailleurs : "Ils portent des sandales ouvertes".

Hou Xue Cheng possède une boutique à ’China Town’ (Ville de Chine) dans la zone industrielle de Windhoek, où il vend des légumes de sa ferme située en dehors de Windhoek. Selon lui, ces 20 ouvriers namibiens ou presque gagnent environ 50 dollars par mois. "Ce n’est pas un problème, ils sont contents", insiste-t-il.

La Namibie n’a pas un salaire minimum légiféré.

Hou ne donne pas de contrats. "Les ouvriers volent souvent et c’est un grand problème. J’ai dû recruter des agents de sécurité. Si les gens ont des contrats, ils initieront un procès au commissaire du travail. Je ne veux pas cela. Si vous volez, vous êtes viré. C’est aussi simple que cela".

En dehors des légumes, la boutique de Hou vend tout, des produits de cheveux à l’alcool, tous étiquetés en Cantonais et soigneusement entassés dans des rangées de casiers.

Ce propriétaire d’entreprise constate également que les Namibiens ne sont pas très productifs. "Ils partent tôt le week-end, mais nous restons ici jusqu’à 20 heures, sept jours par semaine. C’est nécessaire parce que les gens travaillent pendant la semaine et veulent faire les emplettes le week-end".

Jauch réfute cette déclaration au sujet de la productivité : "Une étude de 2007 de la Banque mondiale montre que les travailleurs namibiens obtiennent de bons résultats en Afrique subsaharienne.

C’est "contradictoire", à la lumière des négociations embarrassantes pour un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne, de dire que les produits et services chinois ont un accès virtuel illimité aux marchés africains, estime Jauch.

"Ce qui se vend comme commerce Sud-Sud, ce sont en fait des pratiques hautement exploiteuses. Les Chinois ont une chance de jouer le jeu en leur propre faveur".

Servaas van den Bosch

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