jeudi 21 février 2013

Français enlevés au Cameroun: "A côté de Boko Haram, Aqmi et le Mujao sont des agneaux"


Français enlevés au Cameroun: "A côté de Boko Haram, Aqmi et le Mujao sont des agneaux"

Propos recueillis par Yves Adaken, publié le 
De nombreuses zones d'ombres entourent encore l'enlèvement d'une famille de sept Français au Cameroun. Le groupe terroriste islamiste du Nigeria fait figure d'accusé n°1. L'éclairage de Bertrand Monnet, qui dirige la chaire de management des risques criminels à l'Edhec. 
Français enlevés au Cameroun: "A côté de Boko Haram, Aqmi et le Mujao sont des agneaux"
Capture d'écran d'une vidéo publiée sur You Tube montrant apparemment Abubakar Shekau le leader du groupe terroriste islamiste nigérian Boko Haram, dont une branche est suspecté d'avoir enlevé une famille de sept Français au nord du Cameroun.
AFP PHOTO / YOUTUBE
L'enlèvement mardi d'un collaborateur de GDF Suez et de sa famille alors qu'ils se trouvaient en vacances au nord du Cameroun, braque les projecteurs sur le groupe terroriste Boko Haram du Nigeria, où les otages auraient été emmenés et où règne un véritable business du kidnapping. Très bon connaisseur de la région, Bertrand Monnet, qui dirige la chaire de management des risques criminels à l'Edhec, apporte son éclairage. Il se trouvait d'ailleurs au Nigeria au moment de l'enlèvement et de cette interview dont voici la première partie. 
L'extrême nord du Cameroun où a eu lieu l'enlèvement était-il identifié comme risqué?
La zone est située à quelques kilomètres de la frontière nigériane mais il n'y avait pas de signaux permettant de prévoir que Boko Haram allait passer au Cameroun. Ce n'est pas un problème de proximité qui détermine le risque, c'est la capacité à franchir les frontières pour y enlever quelqu'un. Or c'est la première fois qu'ils font ça. Ce n'était pas prévisible. D'autant que le parc naturel de Wasa où s'est rendue la famille kidnappée est un site touristique très connu dans toute la région. Il sert même d'élément de promotion du Cameroun en direction des expatriés. 
Vous privilégiez vous aussi la piste du groupe terroriste islamiste Boko Haram?
Il y a une très forte chance qu'il soit effectivement impliqué même s'il est difficile de dire précisément de quelle façon. Il s'agit en effet d'une nébuleuse avec plusieurs sous-groupes dont le plus actif est l'Ansaru. Mais des gens capables de faire ça, il n'y en a pas beaucoup. Certes, le déroulement de l'enlèvement - une interception par 6 personnes sur 3 motos - pouvait suggérer un certain amateurisme. De fait, il y a bien des "coupeurs de routes" au nord du Cameroun, autrement dit, des bandits. Mais, d'après mes sources, ils ont pris un véhicule sur place pour exfiltrer les otages au Nigeria. Je pense donc qu'il s'agit bien d'une émanation de Boko Haram.  
Qui était visé selon vous, un salarié expatrié de GDF Suez, des Français ou plus généralement des Occidentaux?
Les Français constituent une cible magistrale depuis le démarrage de l'opération Serval au Mali. La France est devenue le grand Satan des groupes islamistes armés de la région. En s'attaquant à elle, on est sûr de se valoriser. C'est une stratégie marketing qui consiste à faire parler d'eux par l'horreur. A cet égard, prendre en otage une famille française avec des enfants assure un retentissement maximal.  
Certaines sources évoquent une séparation des adultes et des enfants. Est-ce que cela peut préparer une libération de ces derniers selon vous?
Il faut déjà être sûr de savoir si quelqu'un a vraiment vu ça. Ensuite, est-ce qu'ils vont garder les enfants, je n'en sais rien. D'après des interviews de professionnels du rapt que j'ai effectués en Colombie, un enfant est un otage difficile: peu mobile - alors que le groupe doit souvent se déplacer-, et pouvant générer de l'empathie. Ce qui est impensable du point de vue d'un kidnappeur. Malheureusement, il faut savoir qu'à côté de Boko Haram, Aqmi, le Mujao ou Ansar Eddine sont des agneaux. Les terroristes de Boko Haram sont des barbares: ils tuent des centaines de personnes toute l'année, mitraillent des églises, lancent des grenades pendant les offices et font des raids dans les villages chrétiens qu'ils transforment en Oradour-sur-Glane. Ce qui déclenche d'ailleurs des représailles contre des musulmans. 
Cela augure donc mal de négociations...
C'est une organisation islamiste extrêmement dure. Ils ont déjà tué des otages, un Britannique notamment, et ils ne négocient pas. Un Français (Francis Collomp, ndlr) a été enlevé le 22 décembre par Ansaru, au nord du Nigéria. Or à ma connaissance, de source bien informée, aucun contact n'a pu être noué pour l'heure en vue de sa libération. Ils agissent "à la colombienne", avec un black out qui peut durer des mois si nécessaire, pour mettre le maximum de pression. C'est encore une autre différence avec les prises d'otages des groupes islamistes qui oeuvrent dans le Nord du Mali.  
D'autres vidéos Afrique

Niger : Areva va passer à la caisse


Le groupe français Areva s'est engagé à verser 35 millions d'euros au Niger. © AFP
Les tractations autour d'Areva n'en finissent pas de durer. Mais les autorités nigériennes disposent d'un argument de poids pour faire pencher la balance en leur faveur : les concurrents d'Areva qui se bousculent à la porte du chef de l'État.

Le groupe français Areva s'est engagé à verser 35 millions d'euros au Niger pour, officiellement, compenser le retard pris dans la mise en service de la mine d'uranium d'Imouraren. L'exploitation aurait dû commencer en 2012, mais on parle maintenant de 2016 voire de 2017. À quels moyens de pression les autorités ont-elles eu recours ? « C'est simple, confie un proche du chef de l'État. Les Français ne sont pas les seuls intéressés, d'autres se bousculent à notre porte. »

[B]Rapports courtois ?[/B]

Autrement dit : si Areva ne respecte pas ses engagements, les Nigériens pourraient se sentir libres d'aller voir ailleurs. D'autant que le président Issoufou avait fondé beaucoup d'espoirs (et une large partie de son programme d'investissements) sur les revenus d'Imouraren... « Pour se justifier, regrette notre interlocuteur, Areva avance des raisons techniques, mais sans doute préfère-t-il attendre que les cours remontent. Nous avons avec lui des rapports courtois, mais il a tendance à en abuser. »

http://economie.jeuneafrique.com/index.php?option=com_content&view=article&id=15354

ALERTE - Mali- les combats se poursuivent à Gao, le palais de justice en flammes


ALERTE - Mali- les combats se poursuivent à Gao, le palais de justice en flammes

GAO (Mali) - Les combats qui ont impliqué dans la nuit de mercredi à jeudi des islamistes armés infiltrés à des soldats africains, se poursuivaient jeudi à la mi-journée dans le centre de Gao (nord-est du Mali) où le palais de justice était en flammes, a constaté une correspondante de l'AFP.

Après avoir impliqué dans la nuit des soldats nigériens, les combats de la mi-journée opposaient des soldats maliens à une quarantaine d'islamistes venus de villages proches de Gao, selon une source militaire malienne. Ils ont lieu près de la mairie et du palais de justice, selon la correspondante de l'AFP, mais également aux entrées Nord et Sud de la ville.

(©AFP / 21 février 2013 12h54)

ARVRA: "200 exécutions de civils azawadiens par l’armée malienne durant les 35 derniers jours"


ARVRA: "200 exécutions de civils azawadiens par l’armée malienne durant les 35 derniers jours"

arvra
200 exécutions extrajudiciaires de civils azawadiens par l'armée malienne depuis le début de l'intervention française!

L'armée malienne a exécuté et, ou enlevé plus de 200 civils majoritairement Touaregs et Maures entre le 11 Janvier et le 15 Février 2013 dans le sillage de l'intervention française. Ce chiffre est 15 fois supérieur au nombre d'exactions commises par les forces maliennes au cours des trois mois qu'ont duré les affrontements entre le MNLA et l'armée malienne (Janvier à Mars 2012).
Les exécutions extrajudiciaires, les assassinats, les meurtres et les enlèvements de touaregs, maures, peuls et songhaïs se produisent de façon flagrante, souvent de jour, et en présence de témoins. Les soldats, en opérations, violent, volent et pillent publiquement les biens appartenant aux communautés sus mentionnées et dans certains cas supervisent les actes de vandalisme par les populations noires restées sur place. Ainsi que le relatent les reportages de scènes de pillages publics sous l'œil bienveillant des militaires maliens le jour suivant l'arrivée des français à Tombouctou. De nombreux témoignages font de centaines de têtes de bétail enlevé dans la zone du Gourma par les militaires maliens et convoyé sur Sevaré
Tous ces actes se déroulent dans les localités reprises par les forces françaises après leur rétrocession à l'armée malienne, celle-ci étant incapable de circuler toute seule sans la protection des soldats français. Il en est ainsi à Konna, Sévaré, Niono, Diabali, Douentza, Gossi, Gao, Léré, Goundam, Tombouctou....
Pas plus tard que dans la journée du 15 février les soldats maliens ont exécuté plus d'une vingtaine de personnes à divers endroits dans la région de Tombouctou : Léré, 12 touaregs, 3 personnes à Echel, près de Tonka, 9 personnes dont 6 d'une même famille à Tintaboraghen, au sud de Tombouctou).
ARVRA (association des réfugiés et victimes des répressions de l'Azawad) tient à disposition la liste, les lieux ainsi quelques témoignages sur ces violations flagrantes et massives des droits humains.
Par conséquent, l'association exprime sa vive préoccupation ainsi que sa stupeur face au silence assourdissant des autorités françaises et maliennes dans le massacre des populations civiles innocentes depuis le 11 Janvier 2013. Nous rappelons que ces populations ont vécu sous le joug des forces obscurantistes et subi leurs exactions.
Si la lutte contre le terrorisme, est une guerre juste, elle ne peut cependant pas occulter tous ces crimes de guerre, crimes contre l'humanité, voire de génocide.
Il est urgent que les organisations des droits de l'Homme, Les Nations Unies, l'Union Africaine, la CEDEAO et particulièrement, les autorités maliennes et françaises prennent leurs responsabilités en exigeant la cessation immédiate des exactions contre d'innocentes populations civiles.
Nous exigeons de la France d'interpeller, sans délai, directement et officiellement, le Mali afin que ces massacres cessent et que les auteurs soient arrêtés. La présence de soldats français sur le terrain laisse croire que cela est possible, nécessaire et indispensable.
Nous interpellons, la CPI, en particulier, la Procureure générale, à faire preuve de diligence et d'impartialité en interpellant les autorités de Bamako et en ouvrant une enquête.

16 Février 2013

Abdourahmane Ag Mohamed Elmoctar

Président ARVRA

« Ansaru monte en puissance en médiatisant ses actions »


« Ansaru monte en puissance en médiatisant ses actions »

Le Monde.fr |  -Mathieu Guidère,propos recueillis par Audrey Garric
Capture d'écran d'une vidéo montrant Ansaru en décembre 2012.
 Sept touristes français, dont quatre enfants, ont été enlevés mardi 19 février dans l’extrême-nord du Cameroun, puis emmenés au Nigeria voisin, une prise d’otages dont le groupe Ansaru pourrait être l’auteur. La faction islamiste s’est en effet déjà illustrée par le kidnapping d’un ingénieur français, fin décembre, dans le nord du Nigeria, ainsi que par le rapt de sept employés étrangers de la société Setraco au cours du week-end.
Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-II, estime que la formation, qui fonctionne par petits commandos autonomes, enlève des Occidentaux pour faire parler d’elle sur la scène internationale, mais aussi par soutien et sympathie pour Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Qu’est-ce que le groupe Ansaru ?
Mathieu Guidère : Le groupe islamiste Ansaru, de son nom complet Ansaru al-Muslimin Fi Bilad al-Sudan (Les défenseurs des musulmans en Afrique noire), est une faction dissidente, depuis janvier 2012, de la secte nigériane Boko Haram. Cette formation, basée dans le nord-est du Nigeria, à la frontière avec le Tchad et le Cameroun, compte un millier de membres et est dirigée par un certain Abou Oussama al-Ansari.
C’est un groupe qui monte en puissance en faisant parler de lui par des actions spectaculaires et médiatiques. Il essaye d’attirer le maximum de membres de Boko Haram, créé en 2002, et qui compte encore quelque 10 000 combattants.
Pourquoi Ansaru a-t-il fait sécession de Boko Haram ?
Les deux groupes mènent le djihad et veulent imposer la charia. Mais les chefs d’Ansaru ont fait sécession pour deux raisons. D’un point de vue idéologique, tout d’abord, Ansaru souhaite mener le djihad et appliquer la charia partout où les musulmans noirs sont majoritaires, tandis que Boko Haram veut le faire seulement dans le nord du Nigeria. Le premier a un agenda régional, tandis que le second poursuit un agenda local.
Sur le plan opérationnel, Ansaru refuse les attentats-suicides et la pose de bombes dans les lieux publics. Il s’avère en réalité un groupe plus modéré que Boko Haram. Pour faire connaître la cause des musulmans au nord du Nigeria, ses membres ont plutôt opté pour la stratégie des kidnappings d’Occidentaux, qui leur permet de médiatiser leur action sur la scène internationale. A l’inverse, ces enlèvements sont rejetés dans l’idéologie de Boko Haram, qui estime que le djihad se résume au combat, via des affrontements armés ou des attentats-suicides.
De ces deux stratégies découle une organisation différente : Boko Haram a adopté une organisation pyramidale, tandis que Ansaru possède une structure fragmentaire et fonctionne par petits commandos autonomes, qui œuvrent sur une petite partie du territoire avec un objectif et une cible précis. Cela leur permet d’enlever plusieurs groupes d’Occidentaux en parallèle, comme cela s’est passé ce week-end.
Quels sont les liens entre les deux groupes et AQMI ?
Boko Haram est le groupe le plus proche d’Al-Qaida au Maghreb islamique. Il connaît AQMI depuis sa création, en 2007, et entretient des relations soutenues depuis 2010. Ansaru ne dispose pas des mêmes contacts, car il est de création récente, mais certains de ses membres ont été entraînés par AQMI au nord du Mali l’an dernier. Ces relations ont été interrompues par le déclenchement de la guerre et de l’intervention française, ce qui a conduit ses membres à fuir le nord du Mali pour retourner au nord du Nigeria.
Les relations entre Ansaru et AQMI pourraient toutefois se développer : les deux groupes ont des liens idéologiques, puisqu’ils promeuvent le djihad et la charia au niveau régional, et Ansaru enlève des Occidentaux aussi par soutien et sympathie pour AQMI. Le groupe s’attaque en particulier à la France, devenue à ses yeux, avec l’intervention au Mali, le leader des croisés sur les terres de l’islam.

Le sahélistan s’est déplacé vers le Nigeria


mercredi 20 février 2013

Le sahélistan s’est déplacé vers le Nigeria


Analyse de Bernard Lugan (19/02/13)

Le 19 février, une famille française a été enlevée dans le nord du Cameroun, entre le mois de décembre 2012 et le 17 février, un ingénieur français et sept employés européens d’une société libanaise le furent dans le nord du Nigeria. Ces trois événements semblent confirmer que le vrai front islamiste est moins le Mali que la région tchado-nigériane où les jihadistes bénéficient d’un continuum ethno-religieux transfrontalier favorable. La tache fondamentaliste qui y  grandit va être autrement plus difficile à effacer que celle du Mali où la seule difficulté militaire est le massif des Iforas où un légionnaire français a été tué à l’ennemi le 19 février.

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Mali : tirs à l’arme lourde à Gao, explosion à Kidal


Mali : tirs à l’arme lourde à Gao, explosion à Kidal

Le Monde.fr avec AFP |  

Des tirs à l’arme lourde ont été entendus dans la nuit de mercredi à jeudi à Gao, dans le nord du Mali, tandis qu’une explosion d’un véhicule près d’un camp militaire français était signalée à Kidal.
Gao. « Nous avons entendu dans la nuit de mercredi à jeudi matin des tirs à l’arme lourde d’origine indéterminée, à au moins deux entrées de Gao. Nous cherchons des précisions », a déclaré un sous-officier de l’armée malienne, interrogé par téléphone par l’AFP depuis Bamako, tirs également entendus par d’autres témoins. « J’ai entendu des tirs à l’arme lourde au nord-est et au nord-ouest de Gao. Ça tirait fort. Actuellement, on n’entend plus les tirs », a déclaré l’un d’eux.
Un responsable du gouvernorat de Gao a pour sa part affirmé qu’il ne savait pas si c’était des « tirs amis ou ennemis »« Au total, on a entendu au moins cinq tirs », a-t-il affirmé. Gao, située à 1 200 km au nord-est de Bamako, a été reprise aux islamistes armés liés à Al-Qaida le 26 janvier par les soldats français et maliens.
Les 8 et 9 février, Gao a connu les deux premiers attentats-suicides de l’histoire du Mali commis par deux kamikazes morts en se faisant exploser contre un poste de contrôle de l’armée malienne. Le lendemain, de violents combats de rue ont eu lieu dans le centre de la ville entre des soldats français et maliens et des combattants djihadistes infiltrés dans la ville, qui ont fait au moins cinq morts et dix-sept blessés.
Kidal. Au moins deux civils ont été blessés jeudi dans l’explosion d’un véhicule apparemment piégé près du camp où sont stationnés des militaires français et tchadiens à Kidal, dans le nord-est du Mali. « Le véhicule est arrivé en filant vers le sud-ouest de Kidal. Il a explosé à environ 500 mètres du camp occupé par les Français et les Tchadiens. Deux civils ont été blessés, ils sont à l’hôpital. Personne n’a encore approché le véhicule pour savoir si le conducteur vivait toujours », a déclaré par téléphone un élu de Kidal, information confirmée de source sécuritaire malienne à Bamako.
Un fonctionnaire du gouvernorat de Kidal a de son côté précisé que le conducteur du véhicule était sans doute « un kamikaze » qui « visait le camp »« Mais il est allé exploser avec sa voiture noire dans une cour. Il y a eu un grand bruit. »
Les forces françaises ont repris dans la nuit du 29 au 30 janvier le contrôle de l’aéroport de Kidal, à 1 500 km au nord-est de Bamako, ancien bastion islamiste, où quelque 1 800 soldats tchadiens sont entrés depuis pour sécuriser la ville. Mais, avant même l’arrivée des soldats français, Kidal était passée sous le contrôle du Mouvement islamique de l’Azawad (MIA, groupe islamiste dissident) et du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg). Ces deux groupes ont assuré la France de leur soutien, mais ont exigé qu’aucun soldat malien, ni ouest-africain, ne soit déployé à Kidal, berceau traditionnel des rébellions touareg contre le pouvoir de Bamako, craignant notamment des exactions visant les communautés arabe et touareg.
http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2013/02/21/mali-des-tirs-a-l-arme-lourde-entendus-a-gao_1836305_3212.html

OTAGES. NÉGOCIATIONS SECRÈTES


ACTU-MATCH | MERCREDI 20 FÉVRIER 2013

OTAGES. NÉGOCIATIONS SECRÈTES

Otages. Négociations secrètes
Image extraite d’une vidéo des sept otages enlevés à Arlit, au Niger, le 16 septembre 2010. Tous étaient des expatriés travaillant pour Areva ou pour une succursale de Vinci. Cinq sont des Français. Le rapt a été revendiqué par Aqmi. Françoise Larribe et les deux Africains ont été libérés en février 2011. | Photo DR

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Paru dans Match
Les rançons payées au Mali par Paris financent l’achat des armes des terroristes en Libye
Quand il a lu sur Internet que l’ex-ambassadrice américaine au Mali, Vicki J. Huddleston, affirmait que la France avait versé 17 millions de dollars pour la libération de trois otages aux mains d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), l’ancien chef rebelle, Touareg nigérien, a esquissé un sourire. Depuis cette époque, il est devenu ministre et reste un acteur de l’industrie minière dans son pays où ont été enlevés, en septembre 2010, sept employés d’Areva et de Satom qui travaillaient à Arlit, dans les mines d’uranium. Si ce Nigérien est aujourd’hui désabusé, c’est qu’il a l’impression d’un gâchis à propos des otages.
Proche d’Areva et issu d’une famille apparentée au clan iforas, du nom du massif malien où sont retenus les Français, le Touareg effectue, dès le 22 septembre 2010, moins d’une semaine après l’enlèvement, un premier voyage d’un mois au Mali pour rencontrer le chef des ravisseurs, Abou Zeid. Il y en aura, en tout, une dizaine. Il est mandaté par le gouvernement de transition, inquiet de cette attaque qui a mis un coup d’arrêt à la première source de revenus du Niger. En ce qui concerne les otages, il a pour mission de « suivre le dossier et éventuellement chercher leur libération ». Avec des cousins d’Agadez, l’ex-rebelle file à Kidal, la capitale du pays touareg malien. Il attend cinq jours un contact qui l’envoie à Tessalit, à une centaine de kilomètres de la frontière algérienne, occupée aujourd’hui par les soldats français et tchadiens.
Au bout d’une semaine, rendez-vous est pris pour le 15 octobre dans la montagne. « Je l’ai raté à cause d’un ennui mécanique », me dit-il. Le 18, il rencontre enfin Abou Zeid, auquel il a été recommandé pour son sérieux et sa probité. L’émir est intéressé, sinon flatté, de recevoir l’émissaire des plus hautes autorités d’un pays sur lequel il espère étendre son influence. « Nous avons mangé et dormi à côté de nos véhicules, se rappelle le Nigérien. Il m’a dit que les Français sont des mécréants avec lesquels il est en guerre. Civils ou militaires, il n’y a pas de différence pour lui. Les prendre en otage est donc normal. Je lui ai parlé de la dame malade et des deux otages africains, qu’il pouvait relâcher car ils desservaient sa cause. Il n’était pas contre, mais n’envisageait pas de scinder le groupe pour le moment. » Le Touareg propose, au nom d’Areva, 1 million d’euros par tête pour ces trois-là. « Tu arrives trop tard, me dit-il. J’ai donné ma parole aux Maliens il y a cinq jours. »
De retour à Niamey, l’émissaire remet un rapport à son gouvernement, qui ne cache rien à l’ambassade de France et reçoit la visite d’un officier traitant de la DGSE, avide de savoir car, dit-il, « les Maliens ne disent rien ». En fait, Paris est déjà en relation avec Abou Zeid. Un hasard. Le directeur des relations extérieures d’Air France, de sensibilité de gauche, qui fut jadis proche du président burkinabé Sankara et des rebelles touareg, a appelé un de ses amis maliens, le député touareg Ahamada Ag Bibi. « Les otages ? On peut arranger le contact. Ce n’est pas difficile ! » dit le Malien au détour de la conversation. Le directeur prend ces paroles au sérieux car il sait que le député roule pour Iyad Ag Ghali, leader de la rébellion des années 90 et chef traditionnel des Iforas qui peuplent le massif où se trouvent les otages gardés par Aqmi.

A N’DJAMENA, ON SE SOUVIENT DES COUPS DE GUEULE DUNOUVEAU NÉGOCIATEUR. SES MÉTHODES EXPÉDITIVES NE PLAISENT GUÈRE

Mieux : le directeur a ses entrées depuis longtemps chez ATT, Amadou Toumani Touré, le président malien renversé depuis par un coup d’Etat. Il en parle au président d’Air France-KLM, Jean-Cyril Spinetta, qui prévient Claude Guéant. Le secrétaire général de l’Elysée donne son feu vert pour que cette filière soit exploitée. ATT a fixé le cadre : 2 à 3 millions pour la femme et les deux Africains, pas plus. Ce sont les plus faciles à libérer car, en fait, Abou Zeid n’en veut pas. La négociation est en cours mais, fin novembre, les choses se gâtent. Bibi, le député, gêné, confie à son ami qu’un autre Français est entré dans la boucle. Il dit avoir été envoyé par Sarkozy et dénigre le directeur d’Air France, qu’il considère comme un amateur, et propose plus cher. L’inconnu reprend la même filière touareg, puisqu’il n’y en a pas d’autre, en pratiquant la surenchère.
Ancien colonel du service action de la DGSE, Jean-Marc G. était conseiller du président tchadien en 2008, quand celui-ci faillit être renversé par les rebelles. A N’Djamena, on se souvient de ses coups de gueule et de ses relations exécrables avec l’attaché de défense de l’ambassade. Poussé vers la sortie de la DGSE, on le croise aussi chez le président Bozizé de République centrafricaine, pour des prestations assurées grâce à la société qu’il a créée en Suisse. Il obtient un contrat pour la sécurité de Satom, une filiale du groupe Vinci, qui construit des routes au Mali. Plusieurs otages étant employés par Satom, il s’impose comme négociateur. Sans mal car, pour l’Elysée, la France ne négocie pas. Ce travail est donc privatisé auprès d’un ex-officier qui rend compte à la DGSE. L’honneur de la République est sauf. Chez Areva, la sécurité du groupe a été confiée à un ancien général de la Direction du renseignement militaire, proche de Jean-Marc G. Il est décidé que cet ex-officier et sa société seront mandatés pour tous les otages, ceux de Satom mais aussi d’Areva. Exit donc, avec menaces à l’appui, le directeur d’Air France. A Bamako, les méthodes expéditives du nouveau négociateur français ne plaisent guère. Peut-être parce que les caciques du régime voient les tarifs monter pour des intermédiaires, sans toucher leur part. Parrainé par Iyad Ag Ghali, qui vient d’entrer à nouveau en dissidence, Jean-Marc rencontre une première fois Abou Zeid. « Il a refusé de le recevoir pendant dix jours, me dit l’émissaire touareg nigérien qui, à la mi-décembre 2010, entame son second voyage.
Il ne l’a pas salué, parce que c’est un infidèle. Le négociateur lui a dit qu’il venait non pas de la part du gouvernement français, mais pour Vinci. Abou Zeid ne l’a pas cru. » Contre les otages, l’émir demande une rançon, mais aussi la libération de prisonniers, comme ce fut le cas pour Pierre Camatte. Sur la pression de Nicolas Sarkozy, ATT avait cédé, avec réticence. Cette fois-ci, on ne lui demande pas son avis. Un Tunisien d’Aqmi, qui a pourtant commis un attentat contre l’ambassade de France au Mali, s’échappe comme par hasard de prison en janvier 2011. ATT est furieux. Il limoge son directeur de la sécurité d’Etat, le colonel-major Mami Coulibaly, qui travaille, contre récompenses, selon son propre aveu au chef de l’Etat malien, pour le Français. L’« évasion » du terroriste, qui sera repris plus tard, est en réalité un gage pour Abou Zeid, qui a dressé une liste d’islamistes à libérer en Mauritanie, au Pakistan et en Algérie. Le 25 février 2011, Françoise Larribe et les deux Africains sont libérés. Ils sortent par le Niger, ATT ayant refusé qu’un avion aille les chercher. Est-il furieux parce qu’il n’a pas touché sa commission ? Ou bien, plus probablement, ne digère-t-il pas qu’Aqmi et les rebelles touareg qui ont à nouveau pris les armes contre son régime, se partagent avec Aqmi quatre fois plus que ce qu’il avait autorisé, soit 12 millions d’euros, réglés par les sociétés françaises, sans compter la prestation du négociateur. Ce qui correspond aux 17 millions de dollars annoncés par l’ex-ambassadrice américaine.Point final

Retrouvez l'intégralité de notre enquête dans Paris Match n°3327 du 21 au 27 février 2013