Les chefs d'état de la CEDEAO
Les Nations unies viennent de
repousser à nouveau l’éventualité d’une intervention militaire au Mali
en privilégiant une solution diplomatique en lieu et place d'une
action militaire.
Cette
position de l’organisation internationale, qui sonne comme un troisième
échec de la CEDEAO et de l’UA, intervient au moment où ces deux
organisations régionales sont favorables à une intervention militaire
par l'envoi d'au moins 3000 soldats pour affronter les milices armées
et les groupes terroristes qui contrôlent le nord du Mali.
Insister sur la priorité du dialogue, tel a été le message de l'ONU,
dont le représentant spécial du secrétaire général pour l'Afrique de
l'Ouest, Saïd Djinnit, avait énoncé jeudi dernier en ces termes: «Le
dialogue est la priorité pour résoudre la crise au Mali», tout en
soutenant que «la mise en place d'un gouvernement représentatif est
incontournable pour la recherche d'une solution».
Animant
une conférence de presse au Palais des Nations à Genève, Djinnit a
tenu à rappeler que «l'unité et l'intégrité territoriales du Mali sont
menacées par les velléités de sécession de certains groupes et par les
agissements de groupes terroristes dans la région».
Pour
lui, l'arrivée en grande quantité d'armes en provenance de la Libye
constitue également une sérieuse menace et une troisième inquiétude.
Toujours
selon lui, «des efforts doivent être fournis pour mettre en place un
gouvernement représentatif et devant être déployés pour impliquer les
institutions maliennes dans la recherche d'une solution au Mali».
Justement,
concernant ce gouvernement inclusif que tous appellent de leurs vœux,
le Premier ministre a lancé, la semaine dernière, un appel pour la mise
en place d’une commission représentative afin d’amorcer le dialogue
entre tous les Maliens. Le Chef du gouvernement avait donné les
contours de ce dialogue qui doit inclure sans exclusive les
représentants de toutes les forces vives du pays : partis politiques,
société civile, notabilités…
Un
appel intervenu avant son déplacement au Burkina Faso afin d’exposer
son initiative et prendre connaissance de la feuille de route élaborée
par la CEDEAO qui s’est éloignée de l’option militaire.
Cela
dit, l’intervention militaire souhaitée initialement par la CEDEAO
avec le soutien de certains pays voisins du Mali n’est pas évacuée
complètement même si le Conseil de sécurité l’a repoussée à trois
reprises estimant son premier projet de résolution beaucoup trop
imprécis, tout en l’appelant à revoir sa copie.
Il
en demeure pas moins que l’organisation ouest-africaine reste toujours
campée sur sa position d’envoi de troupes de sécurisation des organes
de transition et sur sa menace de représailles contre les séparatistes
du MNLA et les autres groupes terroristes afin de rétablir l’ordre
constitutionnel et chasser les intrus et libérer le nord du pays.
Malheureusement, une fois de plus, la CEDEAO vient de subir un nouveau revers.
En
tout cas, c’est ce qui ressort clairement des déclarations du
représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu, qui a regretté le
fait que la CEDEAO, qui demande depuis plusieurs semaines une
résolution en faveur d'une intervention au Conseil de sécurité, qui a, à
plusieurs reprises, temporisé en demandant plus de précisions à
l'organisation, n’a ni les moyens ni la stratégie pour le déploiement
de sa force militaire.
Saïd
Djinnit, qui rejoint ainsi le secrétaire d'État adjoint chargé des
Questions africaines, Johnnie Carson, estime qu’une telle intervention
militaire peut s’avérer une “entreprise très lourde pour la CEDEAO”,
qui devrait être “préparée très soigneusement et disposer de ressources
en conséquence”.
Par
cette manière diplomatique de bloquer l’intervention militaire au Mali,
l’ONU ne veut pas supporter une partie des ardoises salées d’un
déploiement des milliers de soldats qui vont être engagés dans une
aventure dont nul ne sait la fin des opérations.
Car,
donnant à sa caution pour un tel déploiement, l’Onu s’engage de facto à
soutenir financièrement certaines dépenses que la CEDEAO et l’Union
africaine ne peuvent pas seules supporter.
Autres
reverses formulées par le représentant spécial de Ban Ki-moon pour
écarter, pour l’instant, l’intervention militaire, font référence au
revirement et à la tension politique dans certains pays de la sous
région considérés comme des puissances régionales.
Si
s’agit d’abord du voisin sénégalais qui a pris du recul face de ses
troupes au Mali. Ce pays, qui est impliqué fortement dans la crise
malienne, a répondu par la négative à l’appel de la CEDEAO d’envoyer ses
soldats au Mali.
Son
président Macky Sall, lors de son récent séjour à Paris, a clairement
affirmé : "Notre pays a des troupes en Côte d’Ivoire, en République
démocratique du Congo (RDC), au Soudan et nous sommes également dans la
force en Guinée- Bissau, nous ne pouvons pas être au Mali (...) Nous
sommes déjà sur tous les fronts et avons du mal à couvrir".
Alors
que le Sénégal a décliné l’offre, le Nigeria, premier fournisseur en
hommes pour cette force, souffre lui aussi de deux handicaps majeurs.
Les critiques sévères sur le comportement de ses soldats opérant dans
les contingents de l’UA et la situation interne du pays ne permettent
pas la mobilisation d’autres éléments. En effet, le nombre d’attentats
commis par la secte intégriste Boko Haram, le groupe terroriste
nigérian, a sensiblement augmenté cette année obligeant les autorités à
prendre des mesures supplémentaires pour y faire face.
Raison
pour laquelle l’ONU a demandé, dans le sillage de son rejet de
résolution réclamée par la CEDEAO avec le soutien de puissances
occidentales, notamment la France, “des précisions supplémentaires sur
les objectifs et conditions d’une éventuelle opération armée”.
Tout
plaide alors pour la solution politique, comme soutenu par l’Algérie
avec les pays du champ ainsi que l’Union africaine que la résolution du
Sommet des chefs d’État a largement appuyée.
Il
reste cependant à Bamako d’agir dans le sens envisagé et d’entamer le
dialogue avec “toutes les parties maliennes” pour sortir de cette crise
qui menace de déborder sur les pays voisins.
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: Info Matin