20/07/2011 à 12h:07 Par Jeune Afrique
Des jeunes filles berbères prennent part à un cours de langue le 17 juillet 2011 à Jado. © AFP
Le soulèvement dans l’ouest de la Libye n’a pour eux qu’une signification : liberté. Sans risquer de finir emprisonnés, les Berbères de cette région peuvent désormais apprendre leur langue, la parler et découvrir leur culture.
« Azoul (bonjour). Je vais vous apprendre la langue de vos grands-parents. » C'est avec ces mots que Sara Aboud a commencé son premier cours de berbère aux enfants de Yefren. Des mots qui envoyaient en prison du temps où Mouammar Kaddafi régnait sur les montagnes de l'ouest libyen, et qui aujourd'hui signifient liberté.
Depuis que les villages berbères du Djebel Nefoussa se sont délivrés du joug de Mouammar Kaddafi, la culture berbère explose : radio, journaux, associations, musées, chansons, cours de langue amazigh.
Partout sur les murs, ces dessins géométriques colorés et ce signe symbolisant les Amazighs, un nom donné aux Berbères dans la région : deux demi-cercles reliés par un trait pour illustrer la connexion de l'âme avec le ciel et la terre.
« Avant, nous étions considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous sommes à l'origine de ce pays, nous avons maintenant le droit de marcher la tête haute », s'enflamme Taghrid Aboud, une jeune fille au foyer de 22 ans.
Connaître leur histoire
Parler ou écrire en public, lire ou imprimer en langue amazigh, tout cela était simplement interdit par le leader libyen. Mouammar Kaddafi n’a jamais accordé sa confiance à ce peuple présent dans le pays avant la conquête arabe du VIIe siècle et connu pour sa résistance militaire à l'occupation italienne au début du XXe siècle.
Au fil des années, l’alphabet, la langue berbère, parlée en cachette par peur de se retrouver en prison, et la culture, nullement enseignée, se sont perdus. « Beaucoup de gens ne connaissent pas leur propre histoire », déplore Sara Aboud, une historienne de 27 ans.
Alors dans ces villages, pas une minute à perdre pour faire renaître cette identité oubliée.
À Jado ou à Yefren, les enfants ont désormais plusieurs cours d'amazigh par semaine. « Aujourd'hui, le plus important, c'est qu'ils apprennent la langue » pour la perpétuer, poursuit Sara Aboud, qui assure l’enseignement.
À 14 ans, Salah Kafu est assidu depuis le premier jour. « Pour moi, cela signifie construire l'avenir. Nous allons apprendre notre langue et nos enfants apprendront à leur tour. »
Et tout le monde suit. Même les adultes reprennent leur cahier d'écolier. Dans un ancien bâtiment des services secrets reconverti en musée, un peintre de Yefren multiplie les inscriptions amazighs sur des fresques. Mouammar Kaddafi, lui, y est représenté en rat ou en vampire. « Je ne peux plus m'arrêter d'écrire ! J'ai l'impression de renaître », lance l'artiste de 47 ans sous couvert d'anonymat.
Pour faire renaître sa culture, Mazigh Buzukhar s’attèle, lui, à retranscrire les contes transmis oralement. Son activisme lui avait coûté trois mois de prison, avant qu’il soit libéré par les rebelles. Aujourd’hui, il est libre d’aller enregistrer des histoires de princes et de princesses empreintes de sagesse auprès des personnes âgées gardiennes de la tradition.
« Il est important de collecter les contes et légendes amazighs. Durant mille quatre cents ans, notre littérature a été orale. Nous avons besoin de la préserver pour les générations futures », raconte le jeune homme de 29 ans.
"Nos sangs se sont mêlés"
Aujourd’hui, à Yefren, les documents officiels sont écrits en arabe et en berbère. Le plus grand souhait du peuple amazigh ? Voir sa langue reconnue langue officielle dans une Libye sans Kaddafi.
Pendant la révolte, Arabes et Berbères se sont libérés ensemble, côte à côte dans les montagnes, loin des divisions que le leader libyen s'est ingénié à créer pendant quarante-deux ans. « Les sangs arabe et amazigh se sont mêlés sur les champs de bataille contre ce tyran. Nous avons le même combat, nous sommes frères. Ce sont des choses qui vont nous lier pendant les cinquante prochaines années », pressent Salim Ahmed, le présentateur d’une émission de radio à Jado, qui diffuse des programmes dans les deux langues.
Pourtant, des années de propagande ne s'effacent pas d'un coup. Une certaine rivalité existe entre villages arabes et berbères. On parle même de racisme. À Zenten, les Arabes reprochent aux Berbères de ne pas donner assez d’eux-mêmes dans les combats.
« Ce sont des gens biens », admet Ibrahim al-Zentani, un ingénieur de 30 ans. « Mais ils aiment se mettre en avant. Ce ne sont pas de bons combattants. Ils ne donnent pas assez de sang pour la révolution », dénonce-t-il.
(Avec AFP)
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"Le danger qui nous menace aujourd'hui, ce n'est ni la rébellion, ni la pauvreté, ni le banditisme armé, mais c'est Aqmi", affirmait Rhissa Ag Boula, figure emblématique des rébellions touareg de 1991-1995 et 2007-2009, lors d'un "forum de la paix" la semaine dernière dans la capitale régionale Agadez.
En quelques années, les jihadistes ont plongé dans la tourmente le nord nigérien - et toute la bande sahélienne - à coup de rapts, essentiellement d'Occidentaux. Aqmi retient toujours quatre Français enlevés en septembre 2010 dans la cité minière d'Arlit.
Elu président en mars, Mahamadou Issoufou s'est donné pour priorités la lutte contre Aqmi et l'insécurité en général, et le développement, notamment de la vaste zone nord.
Signal fort, il a nommé Premier ministre Brigi Rafini, un Touareg d'Iférouane, d'où est partie la deuxième révolte des Touareg qui exigeaient une "juste répartition" des revenus de l'uranium.
Car la paix a du mal à s'installer malgré la cessation des hostilités obtenue en 2009 sous les auspices du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi: des rebelles se sont mués en bandits, mettant en lumière un désarmement et une réinsertion bâclés.
En s'adressant à ses "frères" lors du forum d'Agadez, M. Rafini a demandé à ceux qui en détiennent encore de déposer les armes, et promis un "programme de développement".
"Les cycles de rébellion, de banditisme armé doivent cesser et laisser place à la liberté et la paix", lançait-il.
Depuis peu, la donne a changé. Maintenant que la plupart des chefs ex-rebelles sont aux responsabilités dans la zone à la suite des élections locales de janvier, "la paix est possible", affirme à l'AFP un ministre.
Fraîchement élu à la tête de la région d'Agadez, Mohamed Anako, autre figure de proue de la rébellion, estime qu'"il n'y a plus de raison de reprendre les armes contre l'Etat" puisque "la décentralisation, qui est la revendication fondamentale, est en train d'être effective".
Mais pour d'autres l'accès à l'administration ne suffit pas.
Après une "caravane de la paix" à travers les localités du nord, Kaocen Maïga, autre ex-leader rebelle, indique que les populations touareg "ont affirmé qu'il n'y aura pas de sécurité durable tant que les autochtones ne sont pas associés".
Parmi les voeux: intégration dans la police ou la gendarmerie, ou création d'unités spéciales composées essentiellement d'anciens rebelles.
Selon un policier, une collaboration est d'autant plus nécessaire entre les anciens adversaires que les habitants "refusent de fournir des renseignements à l'armée à cause des dérapages dont ils ont été victimes durant le conflit".
"Les ex-combattants ont une maîtrise du terrain et des tactiques de guérilla d'Aqmi", fait encore valoir Kaocen Maïga.
Et il met en garde: les anciens rebelles restent un "grenier" pour les "terroristes". "Si on ne les utilise pas pour sécuriser la zone, Aqmi les recrutera", confirme un ex-gouverneur d'Agadez.
Pour le maire de la ville, Rhissa Feltou, autre ex-rebelle, le conflit en Libye voisine rend la question plus urgente: "même les jeunes désoeuvrés de retour de Libye sont des proies faciles pour les islamistes".
Ex-officier qui se rallia à la rébellion, le capitaine Mohamed Adjidar s'inquiète, lui, des "plus de 3.000 Touareg nigériens et maliens" qui combattraient aux côtés des forces loyales à Kadhafi. "Si le camp Kadhafi est mis en déroute, ils reviendront avec armes et bagages".