jeudi 21 juillet 2011

Libye : Sans Kaddafi, la culture berbère revit

20/07/2011 à 12h:07 Par Jeune Afrique


Des jeunes filles berbères prennent part à un cours de langue le 17 juillet 2011 à Jado. © AFP

Le soulèvement dans l’ouest de la Libye n’a pour eux qu’une signification : liberté. Sans risquer de finir emprisonnés, les Berbères de cette région peuvent désormais apprendre leur langue, la parler et découvrir leur culture.

« Azoul (bonjour). Je vais vous apprendre la langue de vos grands-parents. » C'est avec ces mots que Sara Aboud a commencé son premier cours de berbère aux enfants de Yefren. Des mots qui envoyaient en prison du temps où Mouammar Kaddafi régnait sur les montagnes de l'ouest libyen, et qui aujourd'hui signifient liberté.

Depuis que les villages berbères du Djebel Nefoussa se sont délivrés du joug de Mouammar Kaddafi, la culture berbère explose : radio, journaux, associations, musées, chansons, cours de langue amazigh.

Partout sur les murs, ces dessins géométriques colorés et ce signe symbolisant les Amazighs, un nom donné aux Berbères dans la région : deux demi-cercles reliés par un trait pour illustrer la connexion de l'âme avec le ciel et la terre.

« Avant, nous étions considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous sommes à l'origine de ce pays, nous avons maintenant le droit de marcher la tête haute », s'enflamme Taghrid Aboud, une jeune fille au foyer de 22 ans.

Connaître leur histoire

Parler ou écrire en public, lire ou imprimer en langue amazigh, tout cela était simplement interdit par le leader libyen. Mouammar Kaddafi n’a jamais accordé sa confiance à ce peuple présent dans le pays avant la conquête arabe du VIIe siècle et connu pour sa résistance militaire à l'occupation italienne au début du XXe siècle.

Au fil des années, l’alphabet, la langue berbère, parlée en cachette par peur de se retrouver en prison, et la culture, nullement enseignée, se sont perdus. « Beaucoup de gens ne connaissent pas leur propre histoire », déplore Sara Aboud, une historienne de 27 ans.

Alors dans ces villages, pas une minute à perdre pour faire renaître cette identité oubliée.

À Jado ou à Yefren, les enfants ont désormais plusieurs cours d'amazigh par semaine. « Aujourd'hui, le plus important, c'est qu'ils apprennent la langue » pour la perpétuer, poursuit Sara Aboud, qui assure l’enseignement.

À 14 ans, Salah Kafu est assidu depuis le premier jour. « Pour moi, cela signifie construire l'avenir. Nous allons apprendre notre langue et nos enfants apprendront à leur tour. »

Et tout le monde suit. Même les adultes reprennent leur cahier d'écolier. Dans un ancien bâtiment des services secrets reconverti en musée, un peintre de Yefren multiplie les inscriptions amazighs sur des fresques. Mouammar Kaddafi, lui, y est représenté en rat ou en vampire. « Je ne peux plus m'arrêter d'écrire ! J'ai l'impression de renaître », lance l'artiste de 47 ans sous couvert d'anonymat.

Pour faire renaître sa culture, Mazigh Buzukhar s’attèle, lui, à retranscrire les contes transmis oralement. Son activisme lui avait coûté trois mois de prison, avant qu’il soit libéré par les rebelles. Aujourd’hui, il est libre d’aller enregistrer des histoires de princes et de princesses empreintes de sagesse auprès des personnes âgées gardiennes de la tradition.

« Il est important de collecter les contes et légendes amazighs. Durant mille quatre cents ans, notre littérature a été orale. Nous avons besoin de la préserver pour les générations futures », raconte le jeune homme de 29 ans.

"Nos sangs se sont mêlés"

Aujourd’hui, à Yefren, les documents officiels sont écrits en arabe et en berbère. Le plus grand souhait du peuple amazigh ? Voir sa langue reconnue langue officielle dans une Libye sans Kaddafi.

Pendant la révolte, Arabes et Berbères se sont libérés ensemble, côte à côte dans les montagnes, loin des divisions que le leader libyen s'est ingénié à créer pendant quarante-deux ans. « Les sangs arabe et amazigh se sont mêlés sur les champs de bataille contre ce tyran. Nous avons le même combat, nous sommes frères. Ce sont des choses qui vont nous lier pendant les cinquante prochaines années », pressent Salim Ahmed, le présentateur d’une émission de radio à Jado, qui diffuse des programmes dans les deux langues.

Pourtant, des années de propagande ne s'effacent pas d'un coup. Une certaine rivalité existe entre villages arabes et berbères. On parle même de racisme. À Zenten, les Arabes reprochent aux Berbères de ne pas donner assez d’eux-mêmes dans les combats.

« Ce sont des gens biens », admet Ibrahim al-Zentani, un ingénieur de 30 ans. « Mais ils aiment se mettre en avant. Ce ne sont pas de bons combattants. Ils ne donnent pas assez de sang pour la révolution », dénonce-t-il.

(Avec AFP)

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Niger - Sceller la paix avec les ex-rebelles touareg pour affronter Aqmi

Jeudi, 21 Juillet 2011 10:32


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Pour les autorités nigériennes et les anciens rebelles touareg, le temps est venu de sceller la paix dans le nord du pays, riche en uranium, où les ex-combattants veulent désormais être associés au combat contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
"Le danger qui nous menace aujourd'hui, ce n'est ni la rébellion, ni la pauvreté, ni le banditisme armé, mais c'est Aqmi", affirmait Rhissa Ag Boula, figure emblématique des rébellions touareg de 1991-1995 et 2007-2009, lors d'un "forum de la paix" la semaine dernière dans la capitale régionale Agadez.
En quelques années, les jihadistes ont plongé dans la tourmente le nord nigérien - et toute la bande sahélienne - à coup de rapts, essentiellement d'Occidentaux. Aqmi retient toujours quatre Français enlevés en septembre 2010 dans la cité minière d'Arlit.
Elu président en mars, Mahamadou Issoufou s'est donné pour priorités la lutte contre Aqmi et l'insécurité en général, et le développement, notamment de la vaste zone nord.
Signal fort, il a nommé Premier ministre Brigi Rafini, un Touareg d'Iférouane, d'où est partie la deuxième révolte des Touareg qui exigeaient une "juste répartition" des revenus de l'uranium.
Car la paix a du mal à s'installer malgré la cessation des hostilités obtenue en 2009 sous les auspices du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi: des rebelles se sont mués en bandits, mettant en lumière un désarmement et une réinsertion bâclés.
En s'adressant à ses "frères" lors du forum d'Agadez, M. Rafini a demandé à ceux qui en détiennent encore de déposer les armes, et promis un "programme de développement".
"Les cycles de rébellion, de banditisme armé doivent cesser et laisser place à la liberté et la paix", lançait-il.
Depuis peu, la donne a changé. Maintenant que la plupart des chefs ex-rebelles sont aux responsabilités dans la zone à la suite des élections locales de janvier, "la paix est possible", affirme à l'AFP un ministre.
Fraîchement élu à la tête de la région d'Agadez, Mohamed Anako, autre figure de proue de la rébellion, estime qu'"il n'y a plus de raison de reprendre les armes contre l'Etat" puisque "la décentralisation, qui est la revendication fondamentale, est en train d'être effective".
Mais pour d'autres l'accès à l'administration ne suffit pas.
Après une "caravane de la paix" à travers les localités du nord, Kaocen Maïga, autre ex-leader rebelle, indique que les populations touareg "ont affirmé qu'il n'y aura pas de sécurité durable tant que les autochtones ne sont pas associés".
Parmi les voeux: intégration dans la police ou la gendarmerie, ou création d'unités spéciales composées essentiellement d'anciens rebelles.
Selon un policier, une collaboration est d'autant plus nécessaire entre les anciens adversaires que les habitants "refusent de fournir des renseignements à l'armée à cause des dérapages dont ils ont été victimes durant le conflit".
"Les ex-combattants ont une maîtrise du terrain et des tactiques de guérilla d'Aqmi", fait encore valoir Kaocen Maïga.
Et il met en garde: les anciens rebelles restent un "grenier" pour les "terroristes". "Si on ne les utilise pas pour sécuriser la zone, Aqmi les recrutera", confirme un ex-gouverneur d'Agadez.
Pour le maire de la ville, Rhissa Feltou, autre ex-rebelle, le conflit en Libye voisine rend la question plus urgente: "même les jeunes désoeuvrés de retour de Libye sont des proies faciles pour les islamistes".
Ex-officier qui se rallia à la rébellion, le capitaine Mohamed Adjidar s'inquiète, lui, des "plus de 3.000 Touareg nigériens et maliens" qui combattraient aux côtés des forces loyales à Kadhafi. "Si le camp Kadhafi est mis en déroute, ils reviendront avec armes et bagages".

Nord du Niger: en pays touareg, mines, bandits et crise libyenne


DABAGA — "La rébellion touareg n'a rien apporté de bon à notre zone, et les bandits armés et le conflit en Libye l'enfoncent dans la précarité", lâche Tchimaden Ahmed, habitante de Dabaga, une localité du nord désertique du Niger.
A 36 ans, cette mère de huit enfants a l'air d'une veille femme. "Nous vivons comme au Moyen-Age: pas d'électricité, pas de téléphone, pas même un moulin à grains pour nous soulager des pénibles corvées", s'indigne-t-elle, s'exprimant en langue haoussa.
Pour atteindre Dabaga, à seulement une cinquantaine de km d'Agadez, la capitale régionale, il faut affronter près de deux heures la piste accidentée qui serpente sur les flancs des montagnes de l'Aïr, anciens nids de rebelles touareg.
Dès l'entrée de cette commune de 4.000 habitants, un panneau met en garde contre les mines disséminées dans la zone lors de la révolte des Touareg (2007-2009), qui exigeaient une "juste répartition" des revenus de l'uranium extrait dans le nord.
Le jour à peine levé, on se bouscule déjà autour de l'unique puits d'eau potable: femmes et enfants se pressent pour constituer les stocks de quelques jours.
Samedi, c'était jour de marché et les habitants affluaient, à pied comme à dos d'âne, pour ne pas rater la seule occasion dans la semaine de faire des affaires, mais aussi discuter de l'insécurité ou s'informer sur la Libye en guerre, où vivent toujours de nombreux ressortissants de Dabaga.
A côté d'un blindé posté près du marché, une dizaine de soldats armés de kalachnikov fouillent véhicules et passants.
"La présence de l'armée témoigne de la persistance de l'insécurité, entretenue par des ex-rebelles livrés à leur triste sort après avoir déposé les armes", explique à l'AFP Rhissa Mohamed, l'adjoint au maire.
"Trop c'est trop! Les touristes et les ONG ont fui", se lamente Ghoumour Koussou, le chef coutumier de Dabaga, en boubou blanc et turban bleu.
Selon le chef touareg, entouré de sa cour, les mines "entravent" les échanges commerciaux et les déplacements du bétail. Et la menace Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a achevé d'éloigner les Occidentaux, par crainte de nouveaux rapts.
Ellias Maha, qui travaille pour Handicap International, sillonne les campements environnants pour informer les habitants sur les risques d'accidents régulièrement causés par les mines.
"Faites attention où vous mettez les pieds, ne ramassez pas d'objets douteux", lance-t-il en montrant des dessins d'engins mortels. Composé de femmes et d'enfants réunis dans la cour d'une maison, l'auditoire opine.
"Nous vivons avec le danger", observe Mahaman Ghissa, hissé sur un palmier où il récolte des dattes dans une oasis toute proche.
Sous le soleil de plomb, son compagnon, Amoumoune, range des sacs remplis d'oignons, produits en grande quantité dans la région. Mais il se désole de l'effondrement des ventes vers la Libye voisine, grosse consommatrice d'oignons.
"Les exportations sont paralysées vers la Libye, ce qui engendre la chute drastique des recettes", s'alarme le chef Koussou.
Lui-même grand producteur d'oignons, Rhissa Mohamed prévoit que son chiffre d'affaires chutera cette année à seulement 300.000 francs CFA (450 euros), contre "quelques millions" en 2010.
Faute de débouchés, le sac d'oignons est bradé à moins de 5.000 CFA (7,50 euros), quatre fois moins cher que l'an dernier, et les stocks commencent à pourrir dans les entrepôts.
Pour les femmes de Dabaga, le retour des maris de Libye, chassés par les combats, n'est pas seulement un soulagement, mais un souci supplémentaire.
"Mon mari est rentré avec en tout et pour tout un téléphone portable. Je viens de vendre une de mes chèvres pour acheter du lait en poudre et du thé", confie Fatima, mère de six enfants.
Comme si Dabaga n'était pas déjà assez accablé, le chef coutumier a encore une inquiétude: que ces ex-émigrés de Libye, démunis, "ne grossissent les rangs des bandits armés".

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LIBYE. Tripoli, l'objectif incertain


Publié le 21-07-11 à 11:02    Modifié à 11:23     par Sarah Diffalah     8 réactions

La demande d'aide militaire des rebelles à la France a-t-elle été entendue ? Pas sûr. Par Sarah Diffalah

Le 8 juillet 2011, à Zintan au sud de Tripoli, des rebelles libyens célèbrent leur victoire sur les forces loyalistes à Gualish au sud-ouest de Tripoli. (AFP)Le 8 juillet 2011, à Zintan au sud de Tripoli, des rebelles libyens célèbrent leur victoire sur les forces loyalistes à Gualish au sud-ouest de Tripoli. (AFP)
Une nouvelle fois, par l'entremise du philosophe Bernard-Henri Levy, les rebelles libyens sont venus, mercredi 20 juillet, demander l'aide de la France pour battre les forces loyalistes du colonel Kadhafi.
La délégation arrivée de Misrata et composée notamment du général Ramadan Zarmuh, du colonel Ahmed Hashem et de Suleiman Fortia, représentant du Conseil national de transition (CNT), a été reçue dans la matinée par le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, avant de donner une conférence de presse, accompagnée par Bernard-Henri Levy. Les rebelles, présentés par le philosophe comme des "représentants d'une ville qui a repoussé les chars de Kadhafi tout le long de ces semaines d'agonie", ont affiché leur satisfaction de voir la France à leurs côtés depuis le début de l'insurrection.
"La 2ème DB de la libération de Tripoli"
"Les commandants insurgés sont venus expliquer au chef de l'Etat que les clés de Tripolisont à Misrata parce que ses combattants sont disciplinés, aguerris aux combats de ville et qu'ils ont en eux l'expérience d'une victoire militaire déjà obtenue" face à Mouammar Kadhafi, a affirmé Bernard-Henri Lévy. "J'ai la conviction, que s'il y a des hommes capables de marcher sur Tripoli et de la libérer, ce sont eux. La 2ème DB de la libération de Tripoli sera en grande partie composée de ces hommes", a-t-il renchéri.
A en croire le soutien indéfectible de la cause libyenne et les insurgés, la Libye insurrectionnelle est aux portes de la victoire. "C’est une question de jours", ont assuré les chefs militaires. Sans avancer de chiffres, ils ont garanti que leurs combattants étaient en nombre suffisant pour attaquer les forces du régime. "La capitale est encerclée par les rebelles et les Tripolitains attendent notre arrivée pour se soulever", a assuré l'un des chefs militaires. Dans le même temps, le ministre de la Défense Gérard Longuet, a confié au Nouvel Observateur que les rebelles ne pouvaient pas aller jusqu'à Tripoli, parce "qu'ils n'étaient pas assez nombreux".
La France discrète
Pour en arriver là, il leur manque l'essentiel : des armes, des munitions et la France serait leur seul salut. Certes, Nicolas Sarkozy a initié la guerre en Libye, a réussi à convaincre ses alliés de lancer une opération militaire qui visait dans un premier temps à protéger les populations civiles des bombardements kadhafistes puis à obtenir le départ du guide libyen. Quatre mois plus tard, la stratégie française est toujours aussi incertaine bien que le gouvernement assure que les jours de Kadhafi sont comptés.
A la question de savoir si le chef de l'Etat avait répondu positivement à leurs demandes d’aides militaire et humanitaire, les représentants des rebelles ont botté en touche. "On a abordé les affaires militaires. La France est importante pour nous et nous aide et les choses évoluent sur le terrain", a répliqué évasif Suleiman Fortia.
Départ de Kadhafi ?
Sur le plan diplomatique, la présence du colonel Kadhafi sur le sol libyen a été rejetée par les rebelles. Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a de son côté confirmé que Mouammar Kadhafi pourrait rester dans le pays à condition qu’il n’occupe aucune responsabilité politique.
Un revirement à 360°, qu'avait déjà évoqué Gérard Longuet il y a quelques jours. En dépit de cette divergence manifeste, les chefs militaires ont témoigné leur plus grande confiance dans l’Etat français. Pourtant, la stratégie militaire est à bout de souffle, les défections attendus dans l'entourage du colonel n'ont pas lieu aussi rapidement que prévu et la voix diplomatique et négociée semble bloquée.
Sarah Diffalah – Le Nouvel Observateu

mardi 19 juillet 2011

La France confirme les progrès des rebelles libyens à Brega


Publié le 19-07-11 à 17:15    Modifié à 18:33     Réagir

par Loufti Abou-Aoun
TRIPOLI (Reuters) - La France a dit mardi que les rebelles libyens étaient sur le point de s'assurer le contrôle du port pétrolier de Brega, une information que le gouvernement de Mouammar Kadhafi dément catégoriquement.
"Je comprends, sans pouvoir confirmer, que les résistants libyens sont en phase de contrôle de la totalité de la ville", a dit le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.
"Cela correspond aussi aux progrès sur le terrain de l'action des résistants libyens. Cela semblerait confirmer en tous cas le recul et l'isolement de Kadhafi et de ses forces", a-t-il ajouté lors d'un point de presse.
Avant ces déclarations faites à Paris, un porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, avait assuré que les forces de l'armée régulière contrôlaient Brega, port pétrolier marquant la frontière orientale du territoire toujours contrôlé par Mouammar Kadhafi depuis le début des hostilités en février.
"Nos braves soldats sont à Brega, par milliers, et contrôlent la ville totalement", a dit le porte-parole, ajoutant que 30 militaires avaient été tués au cours des combats, soit beaucoup moins que du côté des insurgés, selon ses dires.
Mardi, des hélicoptères de l'Otan ont attaqué des convois militaires libyens qui tentaient de rejoindre les troupes fidèles à Mouammar Kadhafi dans ce même secteur de Brega, a déclaré de son côté un porte-parole des insurgés.
"MESSAGE CLAIR ET FERME"
Sur le plan diplomatique, le département d'Etat a fait savoir que des responsables américains avaient rencontré des émissaires de Mouammar Kadhafi pour demander au dirigeant libyen de quitter le pouvoir, qu'il occupe depuis près de 42 ans.
Les Etats-Unis ont souligné que cette rencontre, qui a eu lieu en Tunisie samedi, ne constituait pas une négociation en tant que telle.
Il s'agissait de "transmettre le message clair et ferme selon lequel la seule façon de progresser est que Kadhafi se retire", a déclaré un porte-parole du département d'Etat en marge de la visite de Hillary Clinton en Inde.
Le régime libyen s'est dit ouvert à des négociations mais a refusé toute condition préalable.
"Tout dialogue avec les Français, les Américains, les Britanniques est le bienvenu. Nous sommes prêts à discuter", a déclaré lundi Moussa Ibrahim, en faisant référence aux trois pays impliqués dans les bombardements de l'Otan.
"Si un pays impliqué dans cette agression contre nous souhaite revoir sa position et désire sincèrement la paix et la démocratie en Libye, qu'il nous contacte et nous discuterons de tout mais ne posez aucune condition à vos pourparlers de paix. Laissez les Libyens décider de leur avenir", a-t-il ajouté.
De son côté, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a estimé que les Libyens avaient désormais la certitude que "Kadhafi ne représente pas une option pour l'avenir".
"Le compte à rebours est engagé (...) Mais je suis prudent parce que Kadhafi n'est pas rationnel et qu'il peut opter pour la stratégie du bunker, en prenant la population en otage, la population civile de Tripoli", a-t-il dit au micro d'Europe 1.
UN MINISTRE LIBYEN À MOSCOU
Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, s'est refusé à commenter la rencontre entre des responsables américains et des émissaires de Mouammar Kadhafi. Interrogé par Reuters lors d'un déplacement à Genève, il a toutefois rappelé que l'Onu jouait un rôle central en Libye.
"Il y a beaucoup d'acteurs et les Nations unies jouent un rôle de coordination. Mon envoyé spécial joue ce rôle majeur", a-t-il dit, en faisant référence à Abdoul Elah al Khatib, qui a pris part vendredi à Istanbul à la réunion du "groupe de contact" sur la Libye, qui a décidé de reconnaître les insurgés comme les seuls représentants légitimes du peuple libyen.
Au cours de cette réunion, il a été décidé que Khatib, un ancien ministre jordanien des Affaires étrangères, était habilité à présenter à Kadhafi les conditions de son départ.
Du côté du régime libyen, une réunion est programmée entre le ministre des Affaires étrangères et son homologue russe, mercredi, à Moscou, rapporte l'agence Itar-Tass.
La visite, organisée à la demande des Libyens, sera la première du genre à Moscou depuis le début de la guerre, à laquelle la Russie a refusé de participer.
Si la diplomatie russe souhaite le départ du "guide" libyen, elle a toutefois critiqué les pays occidentaux qui ont reconnu le Conseil national de transition (CNT) comme seul représentant légal de la Libye. La Russie insiste sur le fait qu'elle a à la fois des contacts avec le CNT et avec le régime de Tripoli.
Avec Andrew Quinn à New Delhi, Nick Carey à Misrata, Emmanuel Jarry à Paris et Stephanie Nebehay à Genève, Bertrand Boucey et Olivier Guillemain pour le service français, édité par Gilles Trequesser.

lundi 18 juillet 2011

Le Mali arrête des informateurs d'al-Qaida


2011-07-18
La coopération en matière de défense entre la Mauritanie et le Mali a conduit à une série de revers pour AQMI.
Par Jemal Oumar pour Magharebia à Nouakchott – 18/07/11
[Jemal Oumar] L'armée mauritanienne a récemment lancé une très importante opération antiterroriste au Mali.
[Jemal Oumar] L'armée mauritanienne a récemment lancé une très importante opération antiterroriste au Mali.
Deux Maliens sont accusés d'avoir transmis des informations à al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) concernant les mouvements des troupes mauritaniennes.
Les deux suspects arrêtés par les forces de sécurité maliennes le jeudi 14 juillet auraient également aidé les terroristes d'al-Qaida à acheter des armes et de la nourriture, a précisé l'AFP.
Ces arrestations interviennent quelques semaines seulement après une opération de sécurité conjointe mauritano-malienne dans la forêt de Wagadou qui a permis de détruire un camp d'AQMI et la bataille dans l'est de la Mauritanie qui s'en est suivie, et qui a coûté la vie à 15 terroristes.
L'armée mauritanienne s'est retirée du Mali dans l'attente de représailles de la part d'AQMI et elle a redéployé ses forces dans les régions frontalières, ont indiqué des sources militaires mauritaniennes à Magharebia.
"Plus de 200 soldats mauritaniens et une centaine de véhicules stationnés près des points d'eau entourant la forêt de Wagadou ont quitté la région et se sont dirigés vers la région frontalière entre les deux pays", a indiqué le journal malien Le Combat.
Ce journal cite également des sources maliennes dans la région affirmant que les combattants d'AQMI se sont retirés de la forêt de Wagadou après avoir été dispersés lors de la dernière opération de sécurité en date lancée par la Mauritanie.
"Il est presque certain qu'AQMI cherchera à se venger de l'armée mauritanienne pour les coups qui lui ont été portés dans la forêt de Wagadou et à Bassiknou", a commenté Rabii Ould Idoumou, un journaliste spécialiste de l'idéologie des groupes armés.
Il a ajouté que le réseau terroriste dépend "d'informateurs dans les villages frontaliers maliens et de certains habitants des villes et des centres administratifs de Mauritanie situés à proximité de la frontière malienne, comme Bassiknou et Adel Bagrou".
"Dans un climat aussi tendu, des personnes sont souvent arrêtées pour collaboration avec l'ennemi par suite des sommes d'importantes argent qu'AQMI offre aux informateurs bédouins peu sensibles aux problèmes de sécurité et motivés par des considérations financières", a expliqué Ould Idoumou. "Lors des derniers affrontements qui ont eu lieu dans la ville de Bassiknou, au moins quatre personnes ont été arrêtées et accusées de collaboration avec AQMI."
Bechir Ould Babana, le rédacteur de chef de SaharaMedias, a expliqué que "les Arabes du Mali et les Touaregs collaborent avec AQMI en raison de leur hostilité traditionnelle envers le gouvernement central malien, qu'ils accusent souvent de les marginaliser en privant leurs villages de développement, notamment dans la mesure où les habitants du Nord du Mali sont des Arabes et des Touaregs et sont d'une ethnie différente des autres habitants du pays, qui sont des Africains."
"Ensuite, les besoins financiers incitent certains habitants à collaborer avec AQMI en échange d'argent", a ajouté Ould Babana.
Un argument repris par l'analyste Mokhtar Salem. "L'absence de sensibilisation en termes de de sécurité chez les habitants des régions rurales, les Bédouins mauritaniens et les Maliens qui vivent une vie nomade, ne leur permet pas de discerner les ennemis ou les adversaires tant que cette question n'a aucun impact sur leur vie personnelle ou sur la valeur de leur cheptel", explique-t-il.
Il déclare à Magharebia que cette absence de conscience civique parmi les habitants des zones frontalières est due à l'illétrisme.
"Le fait que l'Etat ne soit pas très présent dans ces régions, l'interpénétrabilité des frontières entre le Mali et la Mauritanie, et la grande liberté de mouvements à la frontière entre les deux pays sont des facteurs qui facilitent la collaboration avec AQMI", ajoute-t-il.
Des campagnes de sensibilisation sont nécessaires pour informer les habitants de ces régions des dangers qu'il y a à traiter avec les terroristes, selon Salek Mrabih, un travailleur social. Bien que les habitants doivent être mis au courant des implications sécuritaires, "la constitution mauritanienne stipule que l'absence de connaissance de la loi ne constitue pas une excuse en soi", ajoute-t-il.

La baraka et l’essuf : paroles et pratiques magico religieuses et thérapeutiques chez les touaregs et sahariens de l’Ahaggar (Sahara algérien)

Thèses récentes – Résumés des thèses ayant concouru au prix Amades 2009. Pour mémoire : le prix de thèse Amades 2009 a été décerné à Sandrine Musso (voir n°76). Les résumés des thèses d'autres candidates au prix ont déjà été publiés : Marie Bonnet (n°76) et Céline Estival (n°80).
Thèse pour l’obtention du doctorat de socio-anthropologie, Université de Franche-Comté, sous la direction de Bertrand Hell, novembre 2008.
Faiza Seddik Arkam

Texte intégral

1Cette étude concerne le traitement de l’infortune, de la maladie et du sacré, dans le cadre de représentions autochrones, au sein d’une population saharienne à tradition nomade. Elle mets en jeu le rapport de l’homme touareg, saharien à l’espace invisible de l’essuf . Tout cela se déroule dans un contexte de modernité, offert par un nouvel espace qui est celui de la ville saharienne de Tamanrasset (ville du Hoggar) et sa périphérie. Le type d’environnement d’une ville moyenne, pluriculturelle et multiethnique comme Tamanrasset qui conjugue des caractéristiques urbaines et rurales.
2Les Touaregs de l’Ahaggar loin de constituer un isolat, ont adopté et intégré d’anciennes croyances dont certaines sont d’origine néolithique comme en témoignent les gravures rupestres (G.Camps- 1986, S. Hachi- 1998). Ils ont subi plusieurs influences en provenance des cultures d’Afrique subsahariennes, des cultures méditerranéennes et celle du monde musulman arabo-berbère.
3L’islam mystique a profondément incorporé la culture locale touarègue ;il ne sut pas, ou ne chercha pas, à enrayer complètement les usages séculaires. Il chercha à les niveler, et parfois à les assimiler et à les incorporer. Il est tentant de parler d’une sorte de bricolage religieux, mais cette notion de bricolage me semble insuffisante ici car l’on n’observe pas de nette rupture dans les symboles religieux, la plupart des symboles liés à ces diverses croyances se trouvent réappropriés et absorbés par l’Islam, il y a une cohésion avec l’ensemble des symboles. Elles ne coexistent pas, elles cherchent toujours à trouver une légitimité par rapport à la religion dominante qu’est l’islam. Lorsque différents groupes « ethniques », culturels partagent un territoire commun, ou bien lorsqu’ils y sont installés dans un voisinage proche, les divers recours thérapeutiques qui leur sont propres deviennent avec le temps un patrimoine commun .Ce patrimoine commun est réinvesti dans de nouvelles pratiques individualisées. La société touarègue, quant à elle, est en pleine mutation. Les bouleversements vécus par ces nomades ont affecté leur équilibre tant physique que psychologique.
4La société nomade ayant perdu ses repères spatio-temporels, son rapport à l’espace et à l’univers tout entier se transforme. Elle essaye d’intégrer bon gré mal gré la modernité et tout ce qu’elle implique comme bouleversements, comme changements, et l’on parle même de la quasi disparition du mode de vie traditionnel lié au pastoralisme nomade. Cette société touarègue tente de trouver sa place au sein de la société globale, en intégrant un nouveau système d’échanges, de nouvelles règles, tout en tentant de préserver ce qui représente son ethos culturel.
5Dans cette recherche dynamique d’équilibre face à la déstructuration progressive de la société, un ensemble de rites se met en place. La société Kel Ahaggar tente de s’adapter aux nouvelles données sociales, pour cela elle a créé de nouveaux mécanismes de défense qu’offre un paysage magico religieux et thérapeutique riche et varié. Ce paysage est lui-même en pleine recomposition car il affronte la modernité. Cette dernière est intégrée à ses rituels, étendant ainsi le champ symbolique qui correspond le mieux aux nouveaux besoins de la société.
6Privilégiant une démarche empiriste, j’avançais progressivement dans mes enquêtes ethnographiques en réalisant un tour d’horizon des principales activités et pratiques religieuses et thérapeutiques locales.
7Ces dernières, constituant le « paysage » local traditionnel, structurent la vie sociale des populations du Hoggar. Ce paysage, formé et dessiné autour de pratiques rituelles collectives et individuelles, est organisé autour des principaux rites de passages, le tout encadré par des acteurs spécifiques (acteurs de la maladie et du sacré) que sont les « tradipraticiens » locaux et autres personnages religieux.
8Différents acteurs apparaissent dans le champ thérapeutique et religieux touareg et forment un paysage social et symbolique. Ils ne constituent pas un groupe homogène et hiérarchisé. Par contre, ils se distinguent tous par un statut particulier : ils sont issus de différentes composantes sociales et se distribuent chacun, dans un rôle distinct, la charge de sacré et le pouvoir symbolique associés à différentes compétences thérapeutiques.
9Ayant des rôles de médiateurs au sein de la population locale, ces acteurs de l’invisible sont les intermédiaires incontournables dans les situations les plus difficiles. Chacun d’eux se prévaut d’avoir à son service des entités invisibles spirituelles, nommées différemment selon leur nature. L’histoire de ces hommes et de ces femmes singulières se mêle intimement à celles des génies, puissances tutélaires qui les accompagnent tout au long de leur Après avoir réalisé une sorte de monographie de l’état d’ensemble de ces rituels collectifs et autres rites de passage, monographie indispensable à la compréhension du fonctionnement de cette société et de ses représentations, je suis partie des récits de vie de certains individus charismatiques pour approcher de plus près cet univers et cerner le sens donné à ces pratiques. Ayant des rôles de médiateurs au sein de la population locale, ces acteurs de l’invisible sont les intermédiaires incontournables dans les situations les plus difficiles. Chacun d’eux se prévaut d’avoir à son service des entités invisibles spirituelles, nommées différemment selon leur nature.
10En choisissant des personnes singulières qui ont poussé à bout leur initiation, en maîtrisant leur propre maladie liée aux génies, jusqu’à devenir à leur tour tradipraticiens et spécialistes de l’invisible, un des objectifs de ce travail, est de faire ressortir la problématique de la transmission de ce pouvoir « spirituel », incontestablement lié au nœud « maladie- initiation ».
11Chacun des tradipraticiens possède une position dans la hiérarchie du sacré . De la simple timazalet (ancienne esclave qui chante durant une danse de possession) à la position de l’acherif, dignitaire religieux, les rôles et les fonctions varient selon le statut.
  • 1  Un phénomène similaire a été observé auprès des populations musulmanes de l’ancienne URSS, voir l’(...)
12Par la multitude de leurs fonctions et leur capacité à traverser l’invisible (monde de l’) et à communiquer avec les êtres de la « surnature », ils sont désignés comme des alliés de ce monde. Leurs paroles, leurs gestes témoignent d’une dynamique vivante, actualisée, du rapport au corps et à l’invisible. On les appellerait chamans tant ils réunissent les qualités propres au chamanisme. Sous l’influence de l’islam, le chamanisme,qui s’exprimait par cette relation avec le monde invisible, comme les vestiges des autres cultes non musulmans, a acquis un caractère islamisé 1.
13Les Kel (génies de la solitude) apparaissent sous différentes formes possibles, ils interviennent par le biais du mauvais œil, dit tit (t), ayn (a), de la mauvaise parole ou de la parole élogieuse ou résultent d’actes de sorcellerie echaouaren et ils entraînent des maladies diverses turhana n Kel essuf (maladies des génies) qui se manifestent sous différentes formes : anxiété, mélancolie, confusion, insomnie, démence, folie, délire, agitation, apathie.
  • 2  B Hell « Le chamanisme : du sacré sauvage au coeur du monde moderne », conférence donnée à la Cité(...)
14Certaines maladies physiques leur sont également attribuées. Il en est de même pour les catastrophes naturelles telles que les inondations, les grandes crues emportant tout sur leur passage, les morts subites ou étranges, les naissances « pathologiques », « les morts inexplicables, les maladies réfractaires aux traitements ordinaires, les malheurs répétés, les catastrophes, bref tout ce qui relève d’un aléatoire inquiétant, résultent d’une rupture de l’échange instauré avec les puissances occultes, et c’est au chamane qu’il incombe d’intervenir pour réparer le désordre par le dialogue, la négociation, voire la ruse » 2 (B. Hell 2007).
15La possession traverse diverses catégories, les rituels qui concernent toute cette gestion du rapport aux forces invisibles mettent en jeu les corps des possédés dans des contextes totalement différents. La richesse du vocabulaire témoigne de la diversité états et des pratiques observées.
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16Séance divinatoire en géomancie , Tamanrasset Juillet 2005
(Photo : F. Seddik Arkam)
17Toute la vie du nomade et de l’oasien est conditionnée par ce système de croyances. Ses relations même avec la nature et l’espace sont régies par des règles de respect de certaines espèces animales et végétales, respect également manifesté dans son rapport à l’eau, ses façons de boire, de manger, de parler, de s’habiller, de chasser. Un ensemble de règles établies avec l’invisible sont respectées.
18Trouver un sens à la maladie, en cherchant dans l’histoire familiale l’origine du mal permet de mieux l’appréhender. D’autant plus que la prise en charge collective enlève la dimension culpabilisante de la maladie et rend celle ci plus supportable. La maladie cristallise le lien permanent entre la vie et la mort, perturbe l’équilibre de la société. C’est pour la combattre qu’un dispositif thérapeutique, essentiellement symbolique est mis en place.
19Une ambiguïté et une imprécision émergent dans l’emploi des mots liés aux génies, aux djinns. Ils ont selon une tradition du prophète Mohamed le pouvoir de traverser le corps humain de par leur nature particulière. S’agit-il dans les propos du prophète d’une parabole ou d’un phénomène réel, c’est là tout un débat chez les commentateurs. La possession à cet égard peut être considérée comme la forme la plus extrême de cette traversée. La possession par les génies sous ses différentes manifestations, prend souvent la forme d’une maladie de type initiatique. La répétition de cette maladie au sein d’une même famille témoigne d’une histoire d’héritage, de transmission par le biais de la parenté souvent réelle, utérine mais surtout par le biais symbolique.
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Mariage touareg nomade dans un village semi- sédentaire, 2005
(Photo : F. Seddik Arkam)
20Un des impacts les plus importants induits par les changements économiques et sociaux a été la transgression en milieu urbain des interdits matrimoniaux. Ce qui a provoqué un affaiblissement du privilège accordé au principe féminin (H. Claudot, 1986), car les premières personnes fragilisées par une certaine forme de déstructuration sociale se trouvent être les femmes. Alors qu’elles étaient propriétaires de la tente, ehen, qui représente l’abri, ainsi que de l’ebawel, biens inaliénables constitués de troupeaux et autres biens qui l’accompagnent, éléments fondamentaux se transmettant de mère en fille, les femmes qui rompent avec la tradition matrilinéaire, en se mariant en dehors du groupe, se retrouvent une fois divorcées ou veuves démunies et fragilisées dans un univers de plus en plus difficile.
21La société touarègue quant à elle est en pleine mutation. Les bouleversements vécus par ces nomades ont affecté leur équilibre tant physique que psychologique.
  • 3  À l’heure actuelle, cette forme de médecine traditionnelle est le premier niveau de recours dans l(...)
22La maladie est vécue comme une rupture d’équilibre entre l’homme et le cosmos , jamais la maladie ou l’infortune ne se présente comme un fléau arbitraire. Une cause est toujours trouvée et nommée par un guérisseur qui est aussi parfois devin. Les femmes touarègues sont très douées en matières de médecine traditionnelle et sont détentrices de savoir et savoir-faire dans le domaine de la prescription ou de la préparation de médicaments traditionnels 3isefren ou imaglan, elles mettent aussi en scène un savoir mythologique, des connaissances particulières.
23Nous verrons comment l’opposition masculin / féminin se construit d’un point de vue symbolique et comment ces catégories tradition / modernité, sacré traditionnel / institution religieuse sont remis en cause par des trajectoires complexes, par des pratiques qui brouillent les espaces genrés, les catégories sexuées. Nous constaterons par ailleurs que le chamanisme est autant le fait des femmes que des hommes même si le rapport aux choses du sacré paraît à première vue différent.
24Par leur statut d’hommes de religion, les Ineslmen censés pourtant obéir à un certain dogme religieux mettent également en jeu la possession et l’alliance avec l’invisible, seulement le rite se veut sans débordements mystiques, sans transe spectaculaire, afin de correspondre au respect d’une certaine norme religieuse, exprimée dans la mesure et la maîtrise des corps.
25C’est plus une question de pouvoir et de domination qui se joue, qu’une opposition entre pratiques traditionnelles « chamaniques » et institutions religieuses proprement dites. C’est le pouvoir qui crée l’institution, et c’est l’institution qui fait système. Or le pouvoir est détenu par les hommes, dans la sphère religieuse comme dans d’autres domaines également.
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Notes

1  Un phénomène similaire a été observé auprès des populations musulmanes de l’ancienne URSS, voir l’article de Zarcone, 2003
2  B Hell « Le chamanisme : du sacré sauvage au coeur du monde moderne », conférence donnée à la Cité des sciences le 11 janvier 2007, Aux origines des religions.
3  À l’heure actuelle, cette forme de médecine traditionnelle est le premier niveau de recours dans les campements ainsi que dans les villages et suscite intérêt et espoir des scientifiques pour certaines recettes à base de plantes avérées très efficaces. Mais à coté de cela, il existe un réel engouement pour la pharmacologie, accompagnant la biomédecine.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Faiza Seddik Arkam , « La baraka et l’essuf : paroles et pratiques magico religieuses et thérapeutiques chez les touaregs et sahariens de l’Ahaggar (Sahara algérien) », Bulletin Amades [En ligne] , 81 | 2010 , mis en ligne le 07 juillet 2011, Consulté le 18 juillet 2011. URL : http://amades.revues.org/index1147.htm