Affluence de réfugiés touaregs vers la Mauritanie
2012-02-03
La dernière rébellion touareg au Mali contraint des milliers de personnes à fuir leurs foyers.
Par Bakari Guèye pour Magharebia à Nouakchott – 03/02/12
Des milliers de réfugiés touaregs fuyant les combats entre l’armée malienne et les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), au nord du Mali, affluent depuis quelques jours vers la Mauritanie.
"Depuis le 28 janvier, beaucoup de réfugiés touaregs sont venus s’installer ici. La plupart sont venus à bord de véhicules", indique Cheikh Ould Ahmed, enseignant dans la ville frontalière de Vassala. "Il semble que les premiers arrivés appartiennent aux familles des rebelles engagés contre l’armée malienne. Le 1er février, vingt-trois familles sont arrivées en provenance de la localité d’Adres."
Tinhinan, rescapée qui a réussi à joindre la Mauritanie le 29 janvier dernier, raconte : "Nous avons vu la mort de près. Notre village a été attaqué et pillé par les militaires. Nous étions vingt-cinq femmes et enfants, une voiture nous a conduits non loin de Bassiknou et nous avons marché dans le désert pendant une journée avant d’arriver en Mauritanie. Nous remercions Dieu, car nous sommes sains et saufs ."
"Notre village a été attaqué en plein jour", poursuit Tinhinan. "Nos combattants ont réussi à repousser les assaillants mais malheureusement, les combats étaient violents et il y a eu des morts. Donc il fallait partir tout de suite, car on savait que les militaires allaient revenir. Ils sont méchants et ne font pas la différence entre les hommes et les femmes."
Les refugiés continuent à arriver en Mauritanie. Le 1er février, un important contingent est arrivé à Adel Bagrou en provenance de Bamako. Actuellement, selon les estimations des organisations humanitaires, il y a près de trois mille réfugiés.
Une source officielle mauritanienne ayant requis l’anonymat fait état de la disponibilité du gouvernement à faire face à ce problème humanitaire.
Da Hamidoun, enseignant officiant au sein de l'ONG italienne Terre Solidali, explique à Magharebia que l'ONU doit encore répondre à la crise émergente des réfugiés à Hodh Chargui.
"Le HCR hésite à dépêcher sur place son personnel pour des raisons de sécurité et envisage de sous-traiter avec des ONG locales pour faire le travail à sa place", explique-t-il. "Jusqu'à maintenant, l’organisation n’a rien fait, en dehors d’une étude d’évaluation et les réfugiés sont dans une situation très difficile. Ceux qui ont un peu de moyens ont loué des maisons."
Cette crise semble avoir des répercussions dans les pays de la sous-région. Selon Chérif Ould Ali, spécialiste du terrorisme, "la rébellion touareg dispose d’un important arsenal doublée d’une grande détermination. Ce n’est pas un hasard si elle marque des points. L’armée malienne doit faire face à un grand morceau et on parle déjà d’une intervention de l’armée sénégalaise à ses côtés".
"Du côté mauritanien, on semble plutôt avoir de la sympathie pour le MNLA qui pourrait être un bon allié pour combattre AQMI", ajoute Ould Ali.
Mais le gouvernement malien accuse les rebelles touaregs de travailler avec les groupes terroristes. "Des membres d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et des rebelles touaregs ont lancé une attaque conjointe sur Aguelhoc, une ville du nord-est du Mali qui a été déjà été visée la semaine dernière par la rébellion", a affirmé le gouvernement le 27 janvier.
Chérif Ould Ali note que c’est la première fois qu’il est officiellement fait état de liens entre AQMI et le MNLA. Mais les responsables mauritaniens se montrent plus prudents concernant l'éventuelle présence de djihadistes lors de l'attaque d'Aguelhoc.
Lors du sommet de l'Union africaine qui a eu lieu à Addis Abeba, Hamadi Ould Ould Hamadi, ministre mauritanien des Affaires étrangères, a préconisé "d’éviter de faire l’amalgame en ce qui concerne l’existence d’éventuelles liaisons entre les rebelles touaregs et AQMI".
"D’abord, les Touaregs sont une communauté ethnique, ce qui n’est pas le cas des terroristes", a dit le ministre. "Les Touaregs au Mali sont chez eux, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs ont des revendications identitaires, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs n’ont jamais attaqué un pays étranger, ce qui n’est pas le cas, non plus, des terroristes. Donc, à mon avis, il faut éviter de faire l’amalgame."
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