vendredi 3 mai 2013

Entretien avec le Chef de canton de Doguérawa



Ibrahim AttawelHonorable, comment sont vos relations avec les autorités sous la 7ème  République après deux (2) ans à la tête de l’Etat ?Je remercie le Sahel pour m’avoir donné la parole en cette circonstance. Ce qui me permet aussi de parler de nos relations avec les autorités administratives. Quand on parle d’autorité, il faut considérer à partir du niveau local dont la Commune est la principale entrée. Nous avons deux (2) communes dans le canton de Doguérawa à savoir Doguérawa et Malbaza. Nos relations avec les maires et les conseillers locaux sont très bonnes. Jusqu’à présent, nous n’avons pas remarqué un quelconque sentiment d’animosité  ou de concurrence entre nous. Lors de nos différentes rencontres, on discute entre adultes et on décide de ce qu’il faut faire pour le bien des populations.
«Nous devons continuer à prier ensemble pour la paix et la quiétude dans notre pays»

S’agissant des rapports avec les autorités supérieures, là aussi, il n’y a jamais eu aucun problème avec nous, chefs coutumiers. Et comme vous l’avez certainement constaté, j’ai été  assez régulier à Niamey ces derniers temps. J’y étais à l’occasion de la visite du Premier ministre turc, lors des travaux sur des documents de projets, etc.
Avez-vous l’impression que la chefferie traditionnelle est réellement associée dans les réflexions sur les questions d’intérêt général  et que le pouvoir en place respecte la place et le rôle de cette institution dans nos sociétés ?
Absolument. Ce n’est pas une impression, nous avons même la conviction que le pouvoir en place respecte la chefferie traditionnelle et respecte le rôle de cette institution. Cela veut dire que les autorités sont convaincues qu’aucun développement à la base ne saurait se faire sans l’apport et l’appui de la chefferie traditionnelle.
Honorable, beaucoup de nos concitoyens aimeraient en savoir un peu plus sur les relations qu’il y a entre la chefferie de Doguérawa et celle d’Agadez ?
Effectivement, les gens se posent des questions sur la nature des relations entre  notre canton et le sultanat d’Agadez et ils ont raison. En effet, la géographie a fait en sorte que nous sommes très éloignés l’un de l’autre. Agadez est dans l’Aïr, alors que Doguérawa est carrément au sud  de la région de Tahoua. Pourtant, les liens sont réels et intacts. Et ce n’est pas seulement des relations. Ce qui se passe, c’est que le sultan d’Agadez Ibrahim Da Suki Roufaï est le fondateur même du canton de Doguérawa, en 1906.
En effet, lors de ses randonnées pour se rendre au Nigeria à Kwakwazo, le sultan d’Agadez marquait une escale ici. Et c’est ainsi qu’il créa le canton de Doguérawa. En fait, c’est la même famille qui règne sur le sultanat d’Agadez et sur le canton de Doguérawa.  C’est dire que le fils du sultan d’Agadez peut être chef de canton de Doguérawa, et inversement le fils du chef de canton de Doguérawa peut être sultan  d’Agadez ; cela est valable jusqu’aujourd’hui et pour toujours. La tombe du sultan Ibrahim Dasuki Roufaï n’est pas à Agadez; elle est dans cette maison ici à Doguérawa. C’est notre grand-père.
Est-ce qu’avec le temps et la géographie, ces relations entre les familles régnantes sont toujours préservées ?
Absolument.Je puis vous assurer que ces relations sont restées intactes parce que c’est la même famille. Et pour preuve, vous l’avez vu après la mort sultan d’Agadez. Il n’y a pas eu de problème pour la succession. La famille a tenu un conseil, et il y a eu l’unanimité autour d’un candidat. Et c’est ce candidat là que l’Etat du Niger a confirmé comme sultan de l’Aïr. Je rappelle par ailleurs que par le passé, le sultan de l’Aïr est en même chef de canton de Doguérawa et à Illéla, s’il vient à Doguérawa.
Honorable, il  y a actuellement une particularité, pour ne pas dire une curiosité, ici au palais. C’est la présence des femmes dogari (garde royale). Comment en est-on arrivé là  ?
Cela est parti d’un constat. C’est que lorsque je suis arrivé au trône, je voulais continuer sur le chemin de mes ancêtres, mais on s’est confronté à un problème. En effet, du côté de la garde du palais (les dogaris), le sarki dogarey (chef de la garde) décédé n’a pas de garçons parmi ses enfants pour le remplacer. Je me suis dit alors, s’il y a des filles, pourquoi ne pas essayer. J’ai donc commencé par intégrer sa fille et d’autres femmes se sont intéressées au métier, et ont suivi. Elles sont venues d’elles-mêmes pour se faire recruter. Et depuis lors, cela fait la particularité de Doguérawa. Nulle part au Niger, vous ne trouverez de dogaris femmes. C’est ici seulement que vous pouvez en trouver et c’est une fierté pour nous.
Et il n’y a eu aucun problème; est-ce que la tradition du Palais l’autorise ?
Je n’ai perçu aucun grincement lorsque ces femmes ont été intégrées comme dogari. Il n’y a eu aucun sentiment de rejet. Du reste, ce sont toutes des femmes issues des familles proches du palais. Leurs parents ont servi nos ancêtres, elles ne sont pas des intrus. Mieux, j’ai constaté qu’elles sont mêmes très efficaces, surtout dans la collecte de la taxe municipale. Vous savez, ici chez nous, les hommes ne veulent pas se faire réprimander par les femmes.
Sont-elles acceptées et respectées par les populations ?
Absolument, elles n’ont aucun problème avec les populations. Seulement, nous les avons dispensées de deux (2) activités. Ainsi, elles ne montent par la garde la nuit parce que ce sont des femmes mariées, elles doivent être dans leurs foyers le soir. De même, nous les avons dispensées de faire les constats des dégâts champêtres. Sinon, elles font toutes les autres activités de la garde du palais. Et nous sommes satisfaits de leur travail.
Si vous avez un appel, ce serait lequel ?
A l’endroit de tous nos concitoyens, nous devons continuer à prier Allah pour qu’il descende la paix et la quiétude dans notre pays. Nous avons vu et nous voyons ce qui se passe aux alentours. Le Nigeria est là avec son boko haram, le Mali vit aussi son épreuve. Nous ne savons pas d’où cette affaire peut déboucher chez nous. C’est pourquoi nous devons prier ensemble pour que notre pays soit épargné de ces vicissitudes et de ces malveillances.
Aux populations de notre canton, je demande d’être vraiment vigilantes. On ne sait jamais d’où est-ce que le mal peut parvenir. Nous devons aussi aider les autorités et les forces de sécurité en signalant tout comportement suspect.
Siradji Sanda,
Envoyé spécial
3 mai 2013
Publié le 3 mai 2013
Source : Sahel Dimanche

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