samedi 13 février 2010

L’activisme d’AQMI aggrave insécurité et criminalité au Sahel


Reuters, publié le 12/02/2010 à 17:02
L’activisme d’AQMI aggrave insécurité et criminalité au Sahel
vendredi 12 février 2010

DAKAR - L’essor pris par la branche saharienne d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), avec ses prises d’otages et son implication dans le trafic de cocaïne, fait planer sur les Etats du Sahel, à stabilité précaire, la menace d’une criminalité rampante, mais sans doute pas celle d’actions terroristes de grande ampleur.

Dans les rues de Tombouctou, au Mali. L’essor pris par la branche saharienne d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), avec ses prises d’otages et son implication dans le trafic de cocaïne, fait planer sur les Etats du Sahel, à stabilité précaire, la menace d’une criminalité rampante, mais sans doute pas celle d’actions terroristes de grande ampleur.

Les rançons obtenues via les prises d’otages et les revenus du trafic de drogue permettent aux islamistes armés d’AQMI de recruter parmi les populations pauvres de pays comme le Niger, le Mali et la Mauritanie, à un moment où l’état-major de la branche algérienne du mouvement est sous pression.

Le principal effet du regain d’activisme de la branche Sud d’AQMI risque d’être une éclosion du crime organisé dans ces régions où nombre de projets de développement sont en cours, plutôt qu’une vague d’attentats djihadistes destinés à faire des dizaines de victimes.

"La force d’AQMI est que les Etats locaux sont faibles. Ils raisonnent plus souvent en termes de survie qu’en termes de stratégie", analyse l’ancien ministre malien de la Défense Soumeylou Boubeye Maiga, reconverti en consultant pour les questions de sécurité.

"Nous sommes dans une zone dont l’importance va croissant", souligne-t-il, faisant allusion à l’immense potentiel pétrolier, gazier et minier des pays du Sahel.

La branche saharienne d’AQMI détient actuellement six otages occidentaux. "Si vous comptez potentiellement trois millions d’euros par tête, cela fait beaucoup d’argent liquide. C’est ce qu’ils ont obtenu dans le passé pour les otages", relève Richard Barrett, responsable du comité de l’Onu qui surveille les activités d’Al Qaïda et des taliban.

COMME EN COLOMBIE

Souvent, les otages sont capturés par des groupes armés locaux qui les "revendent" aux islamistes, qui, en échange de leur libération, mêlent revendications publiques de nature djihadiste - comme la libération de camarades emprisonnés - et exigences discrètes de rançons de millions de dollars.

In fine, les otages retrouvent la liberté, à l’exception notable d’un Britannique exécuté l’an dernier.

La branche saharienne d’AQMI est parallèlement impliquée fortement dans la contrebande d’armes et de cigarettes, traditionnelle dans les immensités sahariennes, mais surtout, depuis peu, dans le trafic de cocaïne, beaucoup plus lucratif.

Les agents américains de lutte antinarcotique ont capturé récemment au Ghana trois Maliens qui se revendiquent d’AQMI, alimentant la crainte que l’organisation islamiste ne mette carrément la main sur ce trafic, à l’instar des guérilleros des Farc en Colombie.

Cependant, la réalité au Sahara est moins simple, car AQMI n’est qu’un des acteurs d’un puzzle complexe qui implique aussi des réseaux de trafiquants, déjà bien établis, et des groupes tribaux traditionnellement insoumis comme les Touaregs.

AQMI doit composer avec cette réalité.

"Des alliances provisoires se nouent. Il existe un jeu très subtil et les itinéraires sont partagés entre les groupes", note Alain Antil, responsable du programme sud-saharien à l’Institut français de relations internationales (Ifri) de Paris.

"LA MENACE D’INSTABILITÉ EST RÉELLE"

Alors que la branche algérienne d’AQMI semble sur le déclin après une éclosion spectaculaire en 2007, sa branche saharienne prospère grâce aux revenus des prises d’otages et des trafics. Al Qaïda aimerait que cet argent finance des attaques pour renforcer son image mondiale.

Les gouvernements régionaux éprouvent quelque mal à se coordonner pour éviter une telle évolution, souhaitée par les Occidentaux et l’Algérie. Mais les analystes estiment que le terrain n’est pas si favorable, même si les voyages dans la région sont devenus plus risqués.

Selon Jonathan Wood, du cabinet Control Risks, il existe peu de sympathie, dans la région, pour l’extrémisme islamique, et les revendications des groupes armés sont plus d’ordre local que global.

En revanche, plus AQMI renforcera son influence parmi les milieux rebelles ou criminels locaux, plus les Etats locaux risquent d’être exposés à la corruption, et donc à un affaiblissement.

"La menace d’instabilité au Sahel est réelle, mais la source de cette menace émane plus directement du désespoir économique, de la criminalité et des inégalités politiques et économiques que d’Al Qaïda ou de l’idéologie salafiste", a expliqué l’an dernier l’analyste politique David Gutelius à la commission des relations étrangères du Sénat américain.

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