Adam Thiam- Le Républicain, 19/02/2010
J-1 et l’angoisse !
vendredi 19 février 2010
L’équation est simple : Pierre Camatte sera un homme libre dans les heures qui suivent. Ou il restera en détention, inégal devant le sort, c’est humain, mais visitant de ses dernières pensées sa compagne Francine, le temps s’égrenant, inexorable comme l’est le ravisseur de notre hôte.
Parce que l’infortuné otage est d’abord un homme, comme nous et non pas une variable sécuritaire comme on tente de l’accréditer. Son maintien en détention ou sa libération ne changera rien à la donne actuelle, ni dans l’espace sahélo-saharien, ni dans les pays menacés par les frappes terroristes. Son assassinat, par contre, après celui du Britannique Dyer, c’est fort probable viendrait décupler la détermination de Bamako à se débarrasser du chancre salafiste qui n’est plus très loin de ruiner notre image et d’isoler diplomatiquement notre pays.
La première personne à le savoir, c’est l’émir Abou Zeid lui-même et c’est pourquoi, à notre avis, tout n’est pas perdu pour le Français. Du reste, c’est le souhait de tout le monde que le Mali ne soit plus indexé comme le ventre mou de la lutte contre Aqmi mais cela doit-il passer par l’exécution des otages détenus sur son sol ? On ne peut pas balayer d’un revers de main l’argumentaire très souvent entendu que négocier avec les Salafistes revient à les légitimer et à renforcer la menace sécuritaire globale. Oui, c’est vrai que les rançons accroissent leurs moyens de guerre. Oui, c’est également vrai qu’un salafiste libéré est bien plus nocif qu’un Camatte libéré.
Mais le cynisme ne doit pas nous pousser à vouloir la mort d’un homme qui nous a fait l’honneur de vivre parmi nous et de contribuer à soigner les nôtres pour escompter une réponse radicale contre Aqmi. Car la vraie question n’est pas dans le principe -il est vrai contestable- des échanges de prisonniers et du paiement de rançons mais dans la pleine perception de la menace terroriste, la détermination à la conjurer ainsi que la stratégie et les moyens pour y réussir. Camatte libéré parce que ses ravisseurs réalisent qu’ils ont pris l’otage de trop est l’idéal. Qu’il soit libéré aux conditions de ses ravisseurs n’est glorieux pour personne, ni le Mali ni la France, mais si tel est le compromis pour que son sang ne soit pas versé chez nous, alors, il faudra s’y résoudre.
D’autant que la rupture supposée entre Abou Zeid le geôlier du Français et BelMokhtar le gardien des otages italiens et espagnols et qui passe pour plus coopératif et un peu homme d’affaires – donc plus enclin à libérer ses otages contre un peu d’intéressement - peut être une rupture factice, un plan salafiste destiné à tirer le plus grand profit possible de la crédulité ambiante. En d’autres termes, le sort des otages espagnols et italiens, -on ne sait jamais trop- peut être lié à celui du Français et cela, bien entendu changerait tout. Il est vrai, la donne algérienne ne peut pas être minimisée, d’abord parce que l’Algérie pour nous est un voisin puissant et ensuite parce ce que les déflagrations que nous ne voulons pas pour le Mali, nous ne devons pas les vouloir pour un autre pays.
Mais, on ne peut pas non plus se réfugier dans la peur du puissant voisin qui enverrait son armée dans nos provinces ou susciterait une nième rébellion. Ce qu’il faudra désormais, c’est une action décisive et collective pour régler une fois pour toute la question salafiste. Cela veut dire la sincérité, toute la sincérité, la synergie, toute la synergie, entre le Mali et l’Algérie et entre ces pays-ci et tous les détenteurs d’enjeux dans la crise de l’espace saharo-sahélien. Notre pays, à cette fin, doit mettre un point d’honneur à être lisible et visible sur ce front. Vouloir être aimable avec tout le monde est un trait de culture chez nous. Mais peut-être, dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, il vaut mieux emprunter un peu à cette autre culture qui dit dans un de ses proverbes : « aimable souvent est sable mouvant » !
Adam Thiam
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