vendredi 19 février 2010

AQMI : Les quatre terroristes jugés puis libérés

Abdoulaye DIARRA et Bandiougou DIABATE-L’Indépendant, 19/02/2010
AQMI : Les quatre terroristes jugés puis libérés
vendredi 19 février 2010

Une audience extraordinaire du Tribunal de première instance de la commune lll s’est ouverte très tôt hier matin, plus précisément à 6 heures 30mn, sous la présidence de Broulaye Kéïta avec sur le banc du ministère public le Substitut du Procureur Oumar Sogoba. Il y avait à l’ordre du jour le procès des quatre terroristes de l’AQMI arrêtés au mois d’avril 2009 en possession d’armes à feu et de munitions à la suite d’une patrouille menée par l’armée malienne dans la région de Kidal. Le Tribunal a déclaré les prévenus coupables de détention illégale d’armes et munitions à neuf mois d’emprisonnement ferme et a ordonné la confiscation des armes et munitions saisies sur eux. Détail significatif : les prévenus ont déjà purgé leur peine, ce qui leur ouvre automatiquement la voie à une relaxe pure et simple. Laquelle devrait favoriser la non exécution du Français Pierre Camatte annoncée pour le 20 de ce mois.

Les quatre terroristes qui ont comparu hier sont Mohamed Ben Ali, né en 1969 à Alger, de nationalité algérienne, ex-employé de chemin de fer. Il est célibataire et sans enfant. Il est le plus recherché de tous par son pays pour plusieurs meurtres commis sur place et Alger avait de tout temps réclamé des plus hautes autorités maliennes son extradition ; Beib Ould Nafa, né vers 1985 à Nouakchott, sans profession, célibataire sans enfant, Houd Karifo, né vers 1984 à Zéko de nationalité Burkinabé et Tayed Nail, de nationalité algérienne.

C’est sous une escorte militaire et des agents de la Sécurité d’Etat habillés en civil que les quatre bandits ont fait leur apparition dans une salle d’audience entièrement vide. Précaution oblige !

Seuls les agents des forces de sécurité qui gardaient toutes les issues du tribunal ainsi que le président, le substitut du procureur et les autres personnels du tribunal étaient visibles.

Le procureur a fait citer les susnommés à comparaitre devant le tribunal de la commune pour répondre de la prévention de la détention d’armes retenue contre eux.

A l’appel de la cause, le président a procédé à la vérification de l’identité des prévenus. Ensuite, il a donné lecture de l’arrêt de renvoi.

Il ressort des pièces du dossier et des débats à l’audience du 26 avril 2009 que les prévenus ont été interpellés à Tadhac, à 60 kilomètres de Tessalit, dans la région de Kidal par une patrouille de l’armée malienne commandée par le Commandant M’Bareck Ag Akly, chef de l’unité chargée d’assurer la sécurité des bureaux itinérants dans les secteurs de Inhalid et de Tadhac, dans la région de Kidal. Alors qu’ils possédaient des armes de guerre et des munitions, notamment un fusil mitrailleur PKM avec six maillons, un fusil lance roquette (LRAC) avec six roquettes, un fusil mitrailleur d’assaut, un lot important de munitions et des appareils électroniques, ils ont été arrêtés et remis à la Sécurité d’Etat qui les a confiés à la Brigade d’investigations judiciaires (BIJ) de la police nationale.

Le ministère public a expliqué les circonstances de leur interpellation et de leur arrestation, notamment que pris de panique, ces quatre individus n’ont opposé aucune résistance.

Ensuite, le procureur Oumar Sogoba, dans son réquisitoire, a demandé la Cour dans toute sa sagesse de les retenir dans les liens de l’accusation.

Entendu que les prévenus ont reconnu les faits tant à l’enquête préliminaire qu’au cours de l’instruction préliminaire à la barre, entendu que pour se justifier, ils expliquent qu’ils ont pris les armes, non pour combattre le Mali ou les Maliens, mais "les mécréants sur commandement du Saint Coran" ils ont réclamé l’indulgence du tribunal pour les actes commis.

Aussi, suivant l’article 43 de la loi N° 04-050 du 12 novembre 2004 régissant les armes et munitions en République du Mali, le tribunal a condamné les prévenus à neuf mois d’emprisonnement ferme, synonyme de libération pour eux après avoir purgé leur peine en prison.

C’est sous une bonne escorte militaire et la tête encagoulée que les éléments d’AQMI, à bord de deux véhicules militaires, ont quitté la Cour du tribunal de la commune lll pour une destination inconnue.

Ce procès a créé la surprise, y compris dans des milieux proches du dossier.

L’Indépendant est l’unique organe de presse à l’avoir couvert de bout en bout, brûlant ainsi la politesse à tous les autres médias, y compris ceux de l’Etat et de la presse internationale.

Ceci étant dit, le déroulement du procès à cette date ainsi que le verdict qui en a découlé peuvent être considérés comme le résultat direct des fortes pressions exercées par Paris sur Bamako, matérialisées par deux visites éclair de Bernard Kouchner en l’espace de deux semaines.

Fait notable, au cours de la seconde visite, il était accompagné de Claude Guéant, le Secrétaire général de l’Elysée, le plus proche collaborateur du président Nicolas Sarkozy.

Si le gouvernement français peut se féliciter d’avoir sauvé la vie d’un Français qui avait choisi le Mali comme lieu de résidence, à Alger, en revanche, on doit faire grise mine et vouer le président ATT aux gémonies.

On sait que notre voisin du nord a fait des pieds et des mains pour obtenir de lui l’extradition en particulier de Mohamed Ben Ali, recherché et poursuivi pour plusieurs crimes de sang, commis notamment contre des policiers algériens.

ATT est resté insensible à ces démarches, s’attirant une fois de plus les foudres de la presse algérienne aux ordres du palais des pins.

Ultime tentative pour dissuader Bamako de libérer les terroristes, Alger lui avait fait parvenir tout un arsenal juridique pour le convaincre qu’il a le droit international de son côté et que rien ne l’oblige à céder aux pressions venues de l’hexagone.

"Entre le marteau de Paris et l’enclume de Alger" ainsi que nous titrions une récente édition à la Une, ATT a donc redouté le marteau parisien. Il est vrai que la France, ancienne puissance colonisatrice, est notre premier partenaire au développement. C’est tout dire.

Maintenant, le Mali doit faire preuve de vigilance accrue sur sa partie septentrionale, la représaille algérienne pouvant s’exercer à tout moment. De mauvaises depuis ces trois dernières années, les relations algéro-maliennes vont frôler le pire.

Abdoulaye DIARRA et Bandiougou DIABATE

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