lundi 8 décembre 2014

08/12/2014 à 15:31
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À l'ouverture du second round de négociations inter-maliennes, le 1er septembre 2014, à Alger.À l'ouverture du second round de négociations inter-maliennes, le 1er septembre 2014, à Alger. © Farouk Batiche / AFP
Le gouvernement malien et la coordination des groupes armés du nord se sont séparés en bons termes, le 27 novembre dernier à Alger, avec un projet d’accord de paix qui pourrait être signé à la mi-janvier après d'ultimes retouches. Jeune Afrique vous donne les grandes lignes de ce texte porteur d'espoir.
Issu des négociations menées à Alger, un "Projet d'accord pour la paix et la réconciliation au Mali" a été présenté par le gouvernement malien le 2 décembre à Bamako. Articulé en neuf titres et 73 articles, ce document de 21 pages, dont Jeune Afrique a obtenu copie (voir ci-dessous), est une synthèse réalisée par le médiateur algérien des propositions faites par les deux parties.
Pour Bamako, le projet d'accord - qui pourrait encore être retouché - va dans le bon sens. De leur côté, les groupes armés présentent à leur base le document à Kidal. "Nous allons travailler de façon transparente, c’est pour cela qu’une commission a été mise en place pour examiner le projet. Nous voulons un accord de paix définitif", dit Ambeiry Ag Rhissa, membre de la délégation des groupes armés maliens à Alger.
Faut-il être optimiste ? Une chose est sûre : après chaque réunion, dans les couloirs de l’hôtel algérois où résident les délégués des deux parties, l’ambiance est plutôt bon enfant. Ce qui fait dire à Ousmane Sy, ministre de la Décentralisation et membre de la délégation gouvernementale : "La nation malienne est intacte, ce qui est difficile entre nous aujourd’hui, c’est de savoir comment on gère cette nation". Rendez-vous est donc pris, si tout se passe bien, à la mi-janvier 2015 pour faire les derniers réglages avant d'aboutir à la signature d’un accord de paix dont nous vous exposons ici les grandes lignes du projet.
1) Quelles institutions pour le nord du Mali ?
Selon le projet d’accord, "la région sera dotée d’une assemblée régionale élue au suffrage universel direct et présidée par une personne, elle-même élue au suffrage universel direct. "Ainsi, le gouverneur de la région jusque là nommé par Bamako disparaît. Il est remplacé par "le président de l’assemblée (qui) est le chef de l’exécutif et de l’administration de la région".
Mais l'État central n'abandonne pas complètement le terrain. Il "nomme auprès des collectivités territoriales des représentants chargés notamment de relayer la politique économique et sociale et d’aménagement du territoire du gouvernement, y compris la négociation des conventions-programme État-Région", et qui seront chargés d'exercer un "contrôle de légalité a posteriori sur certains actes administratifs des collectivités territoriales (…)".
Le texte prévoit aussi "la création d'instances dédiées à la promotion du développement économique et social", une "augmentation du nombre des sièges dans les organes délibérants", ainsi qu'un redécoupage administratif - plutôt flou - des différentes collectivités territoriales, "par voie législative, et ce, conformément aux aspirations et besoins spécifiques des populations concernées (…)." Enfin, l’accord propose la création d’une "zone de développement des régions du Nord" avec "un conseil consultatif interrégional constitué des représentants des assemblées régionales concernées".
2) Quel nom pour les régions du nord du Mali ?
"Azawad" : l'appellation du nord du Mali par les groupes armés a toujours été rejetée par Bamako. Pour contourner - ou reporter - cette difficulté, le projet d’accord suggère que l'on devra reconnaître "aux régions le droit d’adopter, individuellement ou collectivement, la domination officielle de leur choix".
3) Quels financements ?
L'Etat rétrocèdera d'ici à 2018 aux collectivités territoriales "30% de ses recettes budgétaires" comme prévu par la conférence de Bruxelles, mais le pourcentage de rétrocession des revenus issus de l'exploitation des ressources naturelles, notamment minières, reste à définir "d'un commun accord". Par ailleurs l'État s'engage à organiser une Conférence d'appel de fonds pour le financement de la Stratégie de développement des régions du nord du Mali.
4) Quelles forces de sécurité ?
Pour les villes, le document stipule la "création d’une force de sécurité intérieure (police communale ou municipale) qui sera placée sous l’autorité des collectivités locales, dans le cadre de leur pouvoir de police". Pour le reste, l'État gardera la main sur les forces traditionnelles : Garde nationale, gendarmerie, police, dont les éléments se redéployeront "de manière progressive et sur une période d'une année à partir de la signature de l'accord".
5) Quelles garanties pour l'application de l'accord ?
C'est un autre point important dont toutes parties se félicitent : sous l’égide du chef de file, la médiation est le garant politique de l’Accord et du respect de ses dispositions par les parties".
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Par Baba Ahmed, à Bamako
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dimanche 7 décembre 2014

Libye - Fethi Benkhalifa : "Les Amazighs n'ont pas à choisir leur camp dans la guerre civile"

24/11/2014 � 17:14 Par Youssef Aït Akdim et Joan Tilouine


Fethi Benkhalifa, ex-président du Congrès mondial amazigh. © Capture d'écan YouTube.

Fethi Benkhalifa, ex-président du Congrès mondial amazigh, s'est rendu à Paris. À cette occasion, il a accepté de répondre aux questions de "Jeune Afrique" et de donner son point de vue sur la situation en Libye.

Après trois années passées à la tête du Congrès mondial amazigh, cet originaire de Zwara (ouest de la Libye) a passé la main à une présidence collégiale. À 50 ans, il défend une vision claire pour son pays, loin de la polarisation actuelle entre, d’un côté, la coalition “Fajr Libya”, alliée au gouvernement islamiste de Tripoli et, de l’autre, l’"Opération Dignité" menée par le général Khalifa Haftar et soutenue par la Chambre des représentants de Tobrouk. De passage à Paris avec une délégation de responsables amazighes du djebel Nefoussa, il s’est entretenu avec des responsables du ministère des Affaires étrangères puis avec des experts réunis par l’Institut Prospective et sécurité en Europe. Entretien.

>> Lire aussi : au moins quatre morts dans les combats entre les islamistes et les hommes de Khalifa Haftar

Jeune Afrique : quelle lecture faites-vous de la situation qui prévaut en Libye depuis 2011 ?

Fethi Benkhalifa : Dès 2011, nous avions alerté sur la fragilité du processus de construction de l’État post-Kadhafi et mis en garde contre les risques de guerre civile. Des erreurs ont été commises et la situation actuelle en est la conséquence. La déclaration constitutionnelle [proclamée par le CNT en août 2011, NDLR] a été rédigée par des amateurs. Ce texte de trois pages, adopté sans débat ni référendum, n’aborde à aucun moment les questions cruciales d’une armée nationale, des forces de sécurité et de la justice transitionnelle. Enfin, cette déclaration constitutionnelle n’a pas tenu compte de la diversité culturelle et linguistique de la Libye, s’enfermant dans un référentiel arabo-islamique exclusif.


La déclaration constitutionnelle a été rédigée par des amateurs.

Pourtant, l’année 2012 fut marquée par la tenue des premières élections libres de Libye. Pourquoi les Amazighs les ont-ils boycottées ?

Tout le processus était voué à l’échec. En tant qu’Amazighs, nous l’avons dit mais nous n’avons pas été écouté. Au lieu d’aborder le problème par le haut, en organisant des élections législatives, il fallait renforcer la culture démocratique à la base. La bataille pour le pouvoir était précipitée. Il fallait surseoir à la compétition politique le temps de nous entendre sur la Constitution et sur les règles du jeu. La première erreur de l’Alliance des forces nouvelles [autour de l’ex-Premier ministre Mahmoud Jibril, NDLR] et du parti de la justice et de la construction [proche des Frères musulmans, NDLR], a été de se comporter en acteurs politiciens, oubliant l’étape de la transition. Il était prévisible, compte tenu des enjeux financiers et de l’abondance d’armes, que l’affrontement se militarise.

>> Lire aussi : au mois 340 morts en un mois de violences à Benghazi

Vous avez récemment boycotté l’élection du comité chargé d’écrire la nouvelle Constitution. Ne craignez-vous la marginalisation ?

Au contraire, les récents développements ont conforté notre refus d’entrer dans une lutte des légitimités, dans laquelle nous n’avons pas à prendre de parti. De ce fait, nous rejetons l’échec institutionnel qui s’est mué en conflit militaire. Notre boycott n’est pas un acte de nihilisme, au contraire il est la seule attitude nationale et responsable dans une guerre civile attisée par les puissances étrangères qui utilisent des intermédiaires libyens.

Vous renvoyez les deux parties dos-à-dos…

Nous sommes neutres, car nous n’avons pas, en tant qu’Amazighs, à choisir un camp. Haftar veut combattre le terrorisme, que nous condamnons aussi. Mais nous ne partageons pas l’idéologie panarabe qu’il défend. Surtout, nous dénonçons la méthode militaire choisie, qui cause des dégâts humains et matériels très lourds. En face, la coalition Fajr Libya, soutenue entre autres par Ankara, prétend défendre la révolution. Nous aussi avons versé notre sang pour mettre fin à la dictature, mais nous rejetons la finalité des forces islamistes, c’est-à-dire l’établissement d’un califat. En tant que musulmans ibadites, nous sommes opposés à la pensée salafiste. Les belligérants ne se soucient pas des intérêts des Libyens. Pour eux, la Libye est un butin.


Nous aussi avons versé notre sang pour mettre fin à la dictature, mais nous rejetons la finalité des forces islamistes.

Que proposez-vous comme solutions ?

Nous pensons que la communauté internationale peut jouer un rôle dans l’arrêt des hostilités. Toutefois, la solution finale que nous appuyons ne pourra être que libyenne. Nos principes politiques sont clairs et n’ont pas changé : égalité, reconnaissance de la diversité, citoyenneté. Soyons clairs, nous ne sommes pas pour une suprématie amazighe – comme tentent de le faire croire certains esprits malintentionnés. Mais nous pouvons parvenir à la paix par le dialogue. Or pour le moment, c’est la force qui prime.

Qu’en est-il de la capacité militaire des Amazighs ?

Nous n’avons pas utilisé la force qui est, pour nous un moyen, et non pas une fin en soi. Le conflit actuel n’apporte aucun bénéfice aux Libyens. Nous sommes les fils de cette terre et revendiquons haut et fort notre sentiment national. C’est pour cette raison que nous n’utilisons pas la force pour trancher des questions politiques. Mais si nous y sommes forcés, nous sommes très bien préparés. Nous maintenons des capacités militaires puissantes, tant à l’Ouest qu’au Sud.

Justement, quelle est la nature de vos relations avec les militants de l’Azawad au nord du Mali ?

Les occidentaux ne veulent pas comprendre que nous sommes un seul et même peuple. Ce n’est pas un slogan mais une réalité. Nos liens familiaux, tribaux, culturels, sont très étroits avec nos frères de l’Azawad. Nos relations sont aussi militaires, car nous soutenons la lutte qui y est menée : des armes et des combattants amazighs se trouvent dans l’Azawad, et beaucoup de militants qui en viennent se rendent régulièrement dans le sud libyen. Plus qu’à Bamako ou Ouagadougou, la profondeur stratégique du problème des Touaregs se trouve en Libye. C’est là qu’ont été préparées les brigades formées du temps de Kadhafi.

Pourquoi, en trois ans, les Amazighs libyens n’ont-ils pas constitué de parti ou de force politique structurée ?

En Libye, il y a actuellement 27 partis politiques. Mais quels projets et programmes sérieux ont-ils? Aucun. Notre projet n’est pas de créer un parti amazigh ou ethnique mais un parti national, ouvert à tous ceux qui partagent les valeurs de citoyenneté, de diversité et de démocratie. Nous devons sortir de cette alternative mortifère entre l’idéal panarabe et l’utopie islamiste. Notre projet de parti politique est prêt, mais nous attendons le bon moment. Et la situation nous est favorable car les deux camps se brûlent les ailes.



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