mercredi 11 janvier 2017



COMPTE RENDU
Le Niger menacé d’une saisie de biens

Une dette héritée de 2011, et dont le gouvernement actuel de Mahamadou Issoufou conteste la légitimité, menace de frapper Niamey au portefeuille.

Par Ekaterina Dvinina

LE MONDE Le 27.12.2016 à 11h26

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image: http://s2.lemde.fr/image/2016/12/27/768x0/5054404_3_cc6f_le-president-du-niger-mahamadou-issoufou-au_a0fdd9e27d1e48ce2e22b2cdeaf46797.jpg



« C’est une affaire rocambolesque dont les protagonistes hésitent à parler de crainte d’être écoutés par de trop longues oreilles… Un feuilleton judiciaire qui agace au plus haut point à Niamey. Et pour cause : à la suite de la plainte d’une société peu connue du grand public, baptisée Africard, le Niger risque de voir saisis plusieurs de ses biens en France et aux Etats-Unis », rapporte Jeune Afrique. L’affaire remonte à 2011, l’époque où le Niger, en pleine transition, est dirigé par le président intérimaire Salou Djibo. Le gouvernement décide alors d’attribuer un marché de production de passeports électroniques à la société Africard, spécialisée dans l’impression de documents sécurisés et la fabrication de cartes à puce. Montant du contrat : 34,8 milliards de francs CFA (environ 53 millions d’euros, à l’époque)....




En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/12/27/le-niger-menace-d-une-saisie-de-biens_5054406_3212.html#vFzoH6fOjZsbpGRB.99

Notre série sur l’Afrique en 2017: Niger, le maillon faible (2)

Dernier sur le classement de l'indice de développement humain, le Niger reste un pays miné par la pauvreté et en proie à l'insécurité.
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« L’Afrique d’aujourd’hui est marquée par la sécheresse une année sur deux, le sous emploi des jeunes, l’insécurité alimentaire qui gagne du terrain, les conflits armés qui se multiplient et l’instabilité politique qui menace. » Ces propos n’ont pas été tenus par un opposant radical, ni par un économiste altermondialiste, mais entendus lors du très chic colloque « Crans Montana » qui réunissait à Bruxelles le 21 octobre 2016, la crème des élites africaines. On doit cette déclaration à Lalla Malika Issoufou, l’épouse du président nigérien Mahamadou Issoufou, qui était très officiellement accueillie par le forum. Or le Niger est l’un des pays les plus pauvres, d’Afrique. Il est présidé par son mari depuis 2011. Autant dire que madame issoufou est aux premières loges!
Au bas de l’échelle
Triste portrait, certes, mais réaliste. Et d’autant plus pour le Niger. Pays enclavé, au cœur d’une région minée par l’insécurité, le Niger cumule la plupart des freins au développement. Classé dernier sur l’indice de développement humain (IDH) avec un taux de pauvreté de 48.9% et un revenu par habitant de 420 dollars, le Niger est l’une des nations les plus pauvres du monde malgré un taux de croissance important évalué à environ 6% par la Banque Mondiale. Outre son incapacité à faire profiter la population de cette richesse, le pays reste éminemment tributaire des secteurs miniers et agricoles soumis à d’importants remous. La chute du cours des matières premières, notamment de l’uranium, fait courir d’importants risques à l’économie nigérienne très peu diversifiée. Le pays souffre par ailleurs d’une insécurité alimentaire chronique et de crises naturelles régulières, notamment des sécheresses qui font fluctuer les prix à la consommation.
Des difficultés aggravées par un accroissement vertigineux de la population. Avec un taux de croissance démographique record de 3,9% et une moyenne de sept enfants par femme, le Niger peine à proposer à une population jeune et de plus en plus nombreuse des perspectives d’avenir viables. Le fort sentiment de défiance vis-à-vis des élites et le chômage galopant font des jeunes nigériens des proies faciles pour les différents réseaux de trafiquants et les groupes radicaux présents dans la région.
Failles démocratiques
Face à ces défis colossaux, le président socialiste Mahamadou Issoufou qui bénéficie de l’appui inconditionnel de François Hollande en tant qu’allié de la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, est loin d’avoir satisfait aux demandes de sa population. Pire, les atteintes du régime aux libertés publiques et la multiplication des affaires de corruption ont considérablement dégradé l’image du personnel politique nigérien. A plusieurs reprises, la presse a dénoncé les liens entre le régime et de puissants barons de la drogue dans le pays dont le tristement célèbre Chérif Ould Abidine décédé en 2016. Des accusations reprises en coulisses par certains diplomates occidentaux.
Des proches du gouvernement et de la Présidence ont par ailleurs été favorisés pour l’obtention de marchés publics lucratifs. C’est le cas de l’homme d’affaires surnommé « petit Boubé » qui a obtenu plusieurs marchés surfacturés. Dans une chronique publiée sur Le Monde Afrique le 10 octobre 2016, l’ancien sous directeur pour l’Afrique de l’Ouest au ministère des affaires étrangères, Laurent Bigot, rappelle que « Petit Boubé est également recherché par la justice au Nigeria, car son nom apparaît dans l’affaire du détournement de plusieurs milliards de dollars par Sambo Dasuki, conseiller à la sécurité nationale de l’ancien président du Nigeria, Goodluck Jonathan. »
Des membres de l’opposition et de la société civile ont par ailleurs fait l’objet de méthodes d’intimidation à l’image d’Ali Idrissa, le coordinateur du ROTAB, une organisation qui revendique une plus grande transparence dans le secteur des industries extractives.
Le 2 janvier, un collectif réunissant plusieurs organisations de la société civile nigérienne a dénoncé l’arrestation arbitraire d’un de leurs coordinateurs, Salou Moumouni Djoga et de seize autres militants par la gendarmerie à Torodi, dans le sud ouest du pays.
Longtemps perçu comme une menace par le pouvoir en place, l’opposant Hama Amadou, ancien président de l’Assemblée nationale, est en parallèle la cible d’une politique de mise à l’écart qui déborde sur plusieurs domaines d’Etat. Soupçonnés de lui être restés fidèles, certains officiers de l’armée ont été remerciés ou écartés à travers des nominations à des postes éloignés. De quoi affaiblir davantage une armée nigérienne sous-équipée et mal formée alors que les terroristes de Boko Haram continuent de menacer l’est du territoire, à la frontière avec le Nigeria. Malgré les dépenses affichées de l’Etat en matière de Défense (près de 10 % des recettes budgétaires depuis cinq ans selon le ministre des Finances Hassoumi Messaoudou), les défaites essuyées en 2016 par l’armée nigérienne sur le front sud du pays ont mis en évidence des défaillances persistantes.
Un hub militaire 
Au coeur d’une région secouée par le terrorisme, le Niger s’est par ailleurs converti en un véritable hub militaire où les bases étrangères fleurissent. A Agadez, Niamey, Zinder, Kirkou, Diffa ou encore à Madama, les armées françaises et américaines ont installés troupes et matériel de surveillance et d’appui à l’opération anti terroriste Barkhane. Plus récemment, l’Allemagne a exprimé leur intention d’investir également le terrain nigérien. La chancelière Agela Merkel envisage de déployer 850 hommes dans le pays avec l’établissement à terme, d’une base militaire logistique pour soutenir la mission onusienne au Mali (MINUSMA).
Un pari risqué pour les autorités du pays qui accueillent à bras ouverts cette présence militaire étrangère pourtant traditionnellement mal perçue au Niger. Un rapport publié par le Grip, en novembre 2016 souligne que « ces déploiements passent mal auprès de la population et de l’armée nigériennes, habituées à ne pas déléguer leurs instruments de défense à l’extérieur et attachées à la souveraineté de leur pays ». De quoi alimenter davantage l’agacement des citoyens nigériens qui avaient déjà manifesté leur hostilité à la politique d’alignement systématique du président Mahamadou Issoufou vis-à-vis de la France. Des émeutes avaient notamment éclaté après la parution de la une de Charlie Habdo caricaturant Mahomet suite à l’attaque terroriste dont avait été victime la rédaction du journal. Les critiques avaient alors fusé contre le chef de l’Etat qui avait déclaré « Je suis Charlie » et participé à la grande marche du 11 janvier 2015 à Paris auprès de François Hollande.
Lire aussi, le premier volet de notre série: La Côte d’Ivoire fragilisée
Le troisième volet de notre série, « Le Mali tout entier menacé par le terrorisme », sera publié le mercredi 11 janvier
http://mondafrique.com/serie-lafrique-2017-niger-maillon-faible-2/

Libye: l'effritement de l'exécutif

Le gouvernement libyen d'union nationale du Premier ministre, Fayez el-Sarraj est encore un peu plus fragilisé par les démissions de plusieurs de ses membres.
© REUTERS/Carlo Allegri

En Libye, le gouvernement d'union nationale de Fayez el-Sarraj mis en place par la communauté internationale pour rétablir l'ordre à Tripoli est de plus en plus fragile. Ce gouvernement, soutenu par l'ONU, doit faire face à la démission de son ministre de l'Intérieur et d'un de ses vice-Premiers ministres, Moussa el-Kouni, ce mardi 3 janvier. El-Kouni fait partie des neuf membres du Conseil présidentiel. Une situation qui montre l’impuissance et l’échec du gouvernement en place.

Moussa el-Kouni, un des trois vice-Premiers ministres en Libye, et membre du Conseil présidentiel, s'est excusé auprès des Libyens. Sa mission, et celle du gouvernement, était de limiter la souffrance des citoyens, or la souffrance s'est accrue dans le pays. « Je démissionne parce que j'ai échoué », a-t-il déclaré ce mardi 3 janvier lors de la conférence de presse qu'il a donnée à Tripoli.
El-Kouni est originaire du sud et représentait les Touaregs au Conseil présidentiel. Un conseil composé de neuf membres choisis en obéissant à un équilibre géographique. En démissionnant, il admet son échec et celui du gouvernement el-Sarraj. « Nous endossons la responsabilité de tout ce qui s'est passé au cours de l'année précédente : les violences, les meurtres, les viols... Quelle que soit l'ampleur du crime, nous sommes responsables », a-t-il assumé.
L'exécutif dirigé par Fayez el-Sarraj et soutenu par l'ONU, n'a jamais réussi à asseoir son pouvoir en Libye et n'a pas eu l'aval du Parlement qui lui donne sa légitimité. A l'intérieur même de cet exécutif, les décisions sont contradictoires et sont parfois prises sans concertation.
La démission de Moussa el-Kouni a mis en lumière une autre démission, plus grave, et passée sous silence, celle du ministre de l'Intérieur El Aref El Khouja, parti aussitôt en Tunisie.

L'Italie rouvre une ambassade en Libye

Les forces de sécurité libyennes devant l'ambassade italienne à Tripoli, le 10 janvier 2017.
© MAHMUD TURKIA / AFP

Les Italiens avaient été les derniers à fermer leur ambassade en Libye à cause de la situation sécuritaire et ils sont les premiers à revenir à Tripoli. L'ambassadeur a présenté ses lettres de créance et prendra ses fonctions à Tripoli, alors que la situation ne s'est pas améliorée, bien au contraire. Ce retour exprime la volonté italienne de rester le premier partenaire de ce pays même en temps de crise.

La réouverture de l'ambassade fermée en février 2015 est voulue pour « accélérer le processus de stabilisation dans le pays », déclarent les Italiens. Pour Rome, la nomination d'un ambassadeur à Tripoli est un « signal fort » envoyé aux Libyens.
L'Italie ne dit pas comment elle compte protéger son ambassade dans la capitale libyenne où la violence est encore pire qu'en 2015.
Contrôler l'immigration clandestine
Mais Rome cherche en fait, d'abord et avant tout, à gérer en amont la crise migratoire. Elle veut limiter le nombre de migrants clandestins qui traversent la Méditerranée et débarquent sur les côtes italiennes. Ce sont des milliers de personnes qui quittent la Libye par la mer presque tous les jours et avec eux des jihadistes. Après la découverte d'une cellule de l'organisation Etat islamique à Milano, le renvoi de huit imams qui, selon les autorités, prêchaient la haine dans la banlieue de cette ville, l’Italie cherche, comme l’Allemagne, à renvoyer des clandestins classés dangereux.
Le ministre de l'Intérieur italien Marco Minniti était à Tripoli mardi. Il a annoncé une « nouvelle phase de coopération » avec la Libye, axée autour de l'immigration clandestine. Pour cela, elle veut aider les garde-côtes libyens à agir en effectuant des opérations dans les eaux territoriales libyennes.
Mais, citant le maréchal Haftar, homme fort de l'Est libyen et opposé au gouvernement de Tripoli, le quotidien italien Il Giornale se demandait mardi si les autorités italiennes ne misaient pas sur le mauvais cheval.

Libye: un membre présumé de l'EI confirme l'exécution de deux journalistes tunisiens


Tripoli - Un membre présumé de l'organisation Etat islamique en Libye, détenu par les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar dans l'est du pays, a confirmé l'exécution de deux journalistes tunisiens disparus en Libye en septembre 2014, dans des aveux diffusés par une télévision Libyenne.

Tête rasée, le détenu qui portait une tenue de prisonnier orange, a affirmé samedi soir à cette télévision avoir été témoin de l'exécution de Sofiène Chourabi et Nadhir Ktari dans une forêt près de la ville de Derna, un ancien fief de l'EI, dans l'est libyen. 

Sofiène Chourabi, un blogueur très actif durant la révolution tunisienne de 2011, et Nadhir Ktari, un photographe, ont disparu dans la région d'Ajdabiya (est) le 8 septembre 2014.

Quatre mois plus tard, la branche libyenne de l'EI a affirmé avoir exécuté ces deux journalistes. Mais cette revendication a été mise en doute par des responsables libyens puis tunisiens, notamment pour manque de preuves, ravivant l'espoir auprès des familles des deux journalistes.

Présenté comme Abderrazek Nassef Abderrazek Ali, un Libyen, le détenu affirme que Nadhir et Sofiène ont été capturés à un barrage tenu par l'EI entre Ajdabiya et Labraq (est).

Ils ont été présentés au tribunal de l'organisation ultra-radicale à Derna avant d'être exécutés par deux Tchadiens, membres de l'EI, toujours selon le détenu qui s'exprimait sur la chaîne Al-Hadath Al-Libiya, proche de Haftar.

Selon lui, les deux journalistes ont été condamnés pour offense envers le prophète Mohamed et pour non-observation du jeûne durant le mois saint musulman de ramadan, sur la base de preuves fournies par des membres tunisiens de l'EI, a-t-il dit.

Dans un communiqué publié dimanche sur sa page facebook, le ministère tunisien des Affaires étrangères a indiqué qu'il suivait avec beaucoup d'intérêt ces déclarations et est en train de faire les procédures judiciaires et diplomatiques nécessaires en coordination immédiate avec les autorités libyennes pour vérifier l'authenticité de ces informations.

La ville de Derna était un des fiefs de l'EI, qui en a été chassé en 2015 par des groupes armés proches d'Al-Qaïda.

Depuis la chute, en 2011, de Mouammar Kadhafi qui dirigea la Libye d'une main de fer pendant 42 ans, le pays est déchiré par les rivalités entre ses milices mais aussi entre ses dizaines de tribus, composantes essentielles de la société.

Le pays est toujours sous la menace jihadiste, malgré la défaite de l'EI dans son dernier fief libyen de Syrte, surtout que deux autorités politiques se disputent le pouvoir. 

D'un côté, le gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, de l'autre une autorité rivale installée dans l'Est qui contrôle une vaste partie de cette région dite de Cyrénaïque sous l'influence de Haftar.


(©AFP / 08 janvier 2017 17h56)

Deux facettes du monde musulman : la Libye et l’Indonésie

Publié le  dans International
Par Yves Montenay.
Deux facettes du monde musulman : la Libye et l’Indonésie
La région qui part du Sahel, traverse le monde arabe et se termine au Pakistan est en grande difficulté, voire en écroulement sanglant. Le contraste est frappant avec les masses musulmanes situées plus à l’est, de l’Inde à l’Indonésie. Les islamistes sont actifs partout, ainsi que de profondes divisions ethniques et religieuses, mais les États et les sociétés de l’Asie du Sud et du Sud-Est gèrent infiniment mieux ces questions. Nous allons prendre deux exemples extrêmes, l’Indonésie et sinon la Syrie, malheureusement trop connue, du moins la Libye moins suivie par les journalistes français.
La Libye et l’Indonésie sont tous deux des pays artificiels composés de régions disparates réunies par des puissances coloniales, respectivement Italie et les Pays-Bas. Mais ces oppositions internes sont beaucoup mieux gérées en Indonésie qu’en Libye.

La Libye, une voisine oubliée

Aujourd’hui, on parle beaucoup moins de la Libye. Dans les débats franco-français on se borne à accuser Nicolas Sarkozy, que l’on rend responsable de la montée du djihadisme par l’élimination de Khadafi et de l’arrivée des migrants, les trafiquants profitant du désordre général. En fait le djihadisme, comme d’ailleurs le tribalisme et la fragmentation territoriale du pays, datait de bien avant.

Un pays artificiel

Historiquement, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan ont eu des histoires distinctes.  Dans l’Antiquité, la Tripolitaine était punique, alors que la Cyrénaïque était hellénique. Même quand les Romains domineront les deux provinces, ils les géreront séparément. Sous la domination arabe, la Tripolitaine était gérée de Tunis, alors que la Cyrénaïque l’était depuis le Caire. D’ailleurs, la limite entre ces deux régions, le golfe de Syrte, est à la fois une frontière entre les parlers maghrébin et égyptien et la limite orientale du couscous. En exagérant on pourrait dire que la Tripolitaine est maghrébine et la Cyrénaïque égyptienne.
À l’indépendance, le roi, issu de la confrérie Senoussi, choisit de s’implanter en Cyrénaïque et n’aura de cesse de marginaliser la Tripolitaine. Khadafi établira au contraire son pouvoir avec sa tribu en Tripolitaine contre la Cyrénaïque qui symbolisait l’ancien pouvoir. Il tentera d’éradiquer la confrérie Senoussi, et détruira les mausolées de la confrérie. Daech n’a rien inventé !

L’arrivée des djihadistes dès les années 1980

La Cyrénaïque a été dans les années 80-90 et jusqu’au milieu des années 2000 un sanctuaire djihadiste qui a ébranlé le pouvoir de Khadafi, le contraignant à bombarder au napalm maquis et population civile. Mais après la levée de l’embargo et l’embellie pétrolière, Khadafi a « récupéré » les djihadistes dans le mouvement « La Libye de demain » destiné à préparer le passage du pouvoir à son fils.
Au début de la révolution, les djihadistes étaient donc du côté du pouvoir, mais dès que ce dernier a été ébranlé ils ont rallié des révolutionnaires pour les contrôler. Ansar Al Charia a alors massacré tous ceux qui émergeaient de la société civile : le général Abdelfettah Younes, plus de 600 officiers, puis Abdeslam El Mismari, le coordinateur de la coalition du 17 février sans parler des militants des droits de l’homme et des journalistes.
Ensuite, toujours en Cyrénaïque, les djihadistes ont recruté les jeunes exaspérés par le général Haftar symbole de l’ancien régime, mais aujourd’hui soutenu par l’Égypte, le Qatar et vraisemblablement par des Occidentaux et la Russie. La guerre civile se prolonge donc dans cette région.
Pendant ce temps, le pouvoir « légitime » de Tripoli n’arrive pas à contrôler la seule Tripolitaine, et ce sont des milices locales qui ont très péniblement fini par chasser l’État Islamique de la ville de Syrte début décembre. Il a fallu six mois de combat !

Indonésie : un développement honorable, malgré les islamistes

En France, nous n’entendons pas beaucoup parler de l’Indonésie, pourtant le premier pays musulman du monde. C’est plutôt bon signe ! Le  développement y est honorable, surtout par rapport aux pays arabes, l’islam n’y est pas religion d’État par respect envers les minorités chrétienne et hindoue. Certes le pays souffre du ralentissement chinois, gros acheteur de matières premières minérales et agricoles et de la concurrence d’un Vietnam à très bas salaires pour l’accueil des investissements étrangers. L’objectif de 7% de croissance n’est donc plus atteint depuis quelques années, mais les 4 ou 5 % obtenus sont honorables, très au-dessus des performances européennes et même américaine. Rappelons toutefois que, comme pour la Chine, le rattrapage est plus facile que la course en tête, car il suffit d’en acheter les outils. Le retour en juillet 2016 d’Ani (Sri Mulyani Indrawati), ancienne ministre des finances respectée est de bon augure.
Restent les islamistes. Leur dernière revendication est d’exiger l’arrestation d’Ahok chrétien d’origine chinoise, pour blasphème. Du coup, ce candidat au poste de gouverneur de la capitale a rétrogradé dans les sondages.
Le président de la république est monté au créneau pour « stopper la montée du radicalisme ». Il a réuni les plus hautes figures militaires, politiques et religieuses pour une réunion de « concorde nationale ». Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes à l’appel de la police et de l’armée, les participants priant et chantant pour «appeler à l’unité», et les grandes organisations musulmanes se sont désolidarisées du mouvement anti-Ahok.
La pression islamiste reste sensible, même si les partis qui les représentent sont divisés et ont chacun peu de voix aux législatives. Par ailleurs les minorités indigènes peuplant le pays avant l’arrivée de Malais (centre de Bornéo, Papous… souvent chrétiens) sont refoulées dans les forêts des montagnes.
Un outil original ayant contribué à l’unité indonésienne, malgré ses 13 000 îles et la variété de ses langues et de ses religions, est la langue officielle, artificielle et très simple que chacun peut facilement apprendre en plus de la langue locale, alors que dans les pays arabes, et surtout au Maghreb, on impose dogmatiquement un arabe standard que personne ne parle. Dans le monde musulman, Indonésie comprise, l’arabe est une langue sacrée mais on n’en tire pas les mêmes conséquences pratiques
https://www.contrepoints.org/2017/01/11/277388-deux-facettes-monde-musulman-libye-lindonesie