mardi 9 décembre 2014


MALI FRANCE AQMI TERRORISME 

Serge Lazarevic: les dessous d'une libération

mediaSerge Lazarevic et le président Issoufou, le 9 décembre, à Niamey.RFI/Moussa Kaka
Serge Lazarevic est arrivé à Niamey en début de soirée, mardi 9 décembre. Il est attendu ce mercredi matin en France, à l'aéroport de Villacoublay. Dans la dernière vidéo, diffusée en novembre dernier par al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le désormais ex-otage français disait craindre pour sa vie et appelait François Hollande à tout faire pour le libérer. C'est chose faite. Mais on sait peu de choses sur les conditions de cette libération. Une rançon a-t-elle notamment été versée ? L'heureux dénouement n'est, quoi qu'il en soit, pas survenu sans contrepartie. Il implique la libération de deux hommes.
Serge Lazarevic est arrivé à la présidence de Niamey vers 20h30. Il s’est entretenu pendant un quart d’heure environ avec le président Issoufou dans son bureau. L'ancien otage est apparu amaigri. Il s’est dit très content d’avoir retrouvé la liberté, il a remercié tous ceux qui ont participé à sa libération. « Je voudrais remercier le président et je voudrais remercier aussi le peuple du Niger qui a collaboré avec la France pour me faire libérer, a déclaré Serge Lazarevic. J’ai perdu une vingtaine de kilos, mais ça va, je suis encore bien. » Il a ensuite rejoint l’ambassade de France. Ce soir, la fille de Serge Lazarevic est dans l’avion pour ramener son père en France. Il est attendu mercredi matin vers 7h30 à Villacoublay, selon l'Elysée.
Comme l'affirme le président nigérien, les acteurs de cette libération sont les mêmes que dans le cas des otages d'Arlit. Depuis maintenant deux semaines, le Touareg nigérien Mohamed Akotey, qui s’était déjà occupé de la libération des quatre derniers otages français détenus au Niger, était à la manœuvre. Il s’est rendu dans la région de Kidal pour rencontrer des membres de la communauté touarègue de l'Adrar des Ifoghas, puis il est revenu, il y a quelques jours. Et tout s’est précipité.
C'était juste après la publication de la dernière preuve de vie de Serge Lazarevic. Là, d’après les informations de notre correspondant à Bamako, il a rencontré Alghabass Ag Intalla, fils du chef traditionnel de la région de Kidal. C’est également l’un des responsables du Haut Conseil de l'unité de l'Azawad (HCUA). Ils se sont rendus lundi à Tin-Essako, dans la région de Kidal, où visiblement tout s’est dénoué. Toujours d’après les informations de notre correspondant, le médiateur Mohamed Akotey n’a pas eu de contact direct avec les ravisseurs. C’est un lieutenant de l’islamiste malien, Iyad Ag Ghali, qui a fait la navette entre le médiateur et les ravisseurs.
Un échange entre l'otage et ses ravisseurs
Y a-t-il eu des contreparties ? Impossible d'affirmer pour le moment si une éventuelle rançon a été payée ou non. Mais la libération de Serge Lazarevic a impliqué une libération de prisonniers. Sur ce point, la presse a beaucoup parlé de deux hommes en particulier, détenus dans une prison d'un pays du Sahel. Selon notre correspondant à Bamako, en effet, le chef des ravisseurs Abdelkrim Taleb qui dirige une katiba aurait exigé outre le paiement d’une rançon, la libération de prisonniers islamistes détenus au Mali et probablement dans un autre pays du Sahel.
Le 24 novembre 2011, les dénommés Mohamed Ali ag Wadoussène et Haïba Ag Achérif organisaient avec des complices l'enlèvement de deux Français à Hombori, à savoir Philippe Verdon et Serge Lazarevic. Et en décembre 2014, ces deux demi-frères originaires de Kidal recouvrent finalement la liberté... en échange de la libération du même Lazarevic, selon différentes sources au Mali et au Niger jointes par RFI. Ils auraient déjà rejoint leur famille et leur clan dans le nord de Kidal.
Trahi par leur puce de téléphone
En 2009, les demi-frères avaient été intégrés à la Garde nationale malienne. Leur vie a basculé le jour où ils sont devenus « livreurs » d'otages. Contre rémunération, ils ont répondu à la sollicitation d'un de leurs oncles, Sedane Ag Hita, passé chez Ansar Dine, la branche malienne d'Aqmi : enlever des Occidentaux et les revendre immédiatement à Aqmi. Le nom de cet homme est également cité dans l'enlèvement et l'assassinat de nos deux confrères Ghislaine Dupont et Claude Verlon à Kidal, le 2 novembre 2013.
Problème : le jour du rapt à Hombori, ils oublieront une puce de téléphone dans l'hôtel. Ils seront arrêtés quelques jours plus tard à Bamako par les services maliens, et se verront accusés de terrorisme, d'association de malfaiteurs, de prise d'otages et de séquestration.
Pressions exercées sur les Etats sahéliens 
Mohamed Ali ag Wadoussène refait par la suite parler de lui, au printemps dernier, lors de son évasion de la maison centrale d’arrêt de Bamako. Grâce à des complicités, il s'enfuit de la prison, tuant au passage un surveillant. Quelques jours plus tard, il est repris par les forces spéciales maliennes. Sa compagne sera abattue durant l'intervention.
Ce n'est pas la première fois que des jihadistes sont libérés en échange d'otages au Sahel.On se souvient de la libération de Pierre Camatte en 2010 contre quatre4 gros bonnets d'Aqmi dont un Algérien et un Mauritanien. Alger et Nouakchott trés fâchés avaient rappelé leur ambassadeur à Bamako.
Sur les reseaux sociaux ces dernieres heures les Maliens n'hesitent pas à désapprouver vigoureusement ces échanges de terroristes ou apprentis terroristes contre des otages. Ces pratiques sont dénoncées par les sociétés civiles africaines, qui accusent les pays occidentaux de faire pression sur des Etats saheliens, trop faibles pour refuser.
J’ai perdu une vingtaine de kilos, mais ça va.
Les premiers mots de Serge Lazarevic à Niamey09/12/2014 - par Moussa KakaÉcouter


RFI

Abderrahmane Sissako, le cinéaste le plus en vue du continent africain

mediaLors de la présentation de Timbuktu au Festival de Cannes, Abderrahmane Sissako était submergé par l'émotion.REUTERS/Eric Gaillard
Il représente aujourd’hui l’espoir du cinéma en Afrique, espoir confirmé par la nomination de Timbuktu pour les Oscars en février 2015. Au Festival de Cannes, jusqu’au dernier jour, des rumeurs prédisaient qu’Abderrahmane Sissako deviendrait le troisième réalisateur africain à décrocher la Palme d’or, après l’Algérien Mohamed Lakhdar Hamina en 1975 et le Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche en 2013. Finalement, avec le prix du Jury œcuménique et le prix François-Chalais, son film Timbuktu a dû se contenter de deux prix honorables et plutôt confidentiels. Mais cela n’y change rien : grâce à la puissance des histoires qu’il raconte, Sissako est devenu un cinéaste universel.
« Je pleure à la place des autres », murmurait-il, submergé par l’émotion, quand il présentaitTimbuktu à Cannes. Ses films sont intimement liés à son existence. Une vie passée entre les pays, les cultures et les continents. Né le 13 octobre 1961 à Kiffa, en Mauritanie, il grandit au Mali avant de faire ses classes de cinéaste à Moscou, puis de s’installer à Paris pour finalement retourner récemment « au pays », à Nouakchott, là où se trouvent les racines de ses émotions et engagements.
La force des émotions et des histoires, il l’a vécue d’une façon très consciente dès sa tendre enfance. Né petit dernier d’une fratrie de 15 enfants, Abderrahmane rêve d’avoir un vélo. Souhait aussi ardent qu’irréalisable, mais le manque d’argent est compensé par le père, un petit câlin qui lui fait tout autant voyager. Plus tard, ce sera sa mère. Pauvre, elle est obligée de raconter des histoires passionnantes à sa voisine pour que son fils puisse profiter de la lumière allumée pour étudier la nuit.
Les films d’Abderrahmane Sissako sont parfois saisissants de vérité, mais jamais larmoyants. Même enfant, il ne versait pas de larmes quand il allait regarder avec sa sœur des mélos indiens dans la salle Soudan Ciné à Bamako. Et surprise, ce sont les westernsTrinita avec Terrence Hill et Bud Spencer qui lui restent le plus gravé dans sa mémoire.
Images, cadrages et émotions
Il a vécu plus de temps en France qu’au Mali ou en Mauritanie, même s’il y est retourné très souvent. Le regard, les images et les émotions transmises par son cinéma sont toujours restés profondément imprégnés de l'ambiance de ses pays d’origine. De son temps, à l’école du cinéma à Moscou, à l'époque de l’Union soviétique, il a gardé un sens particulier de la réalisation et du cadrage, et de la France peut-être une manière de raisonner. Son père avait fait l’école militaire française de Saint-Cyr pour devenir pilote d’avion avant de retourner au pays en tant qu’ingénieur et finalement se contenter de cultiver du riz dans son village. Mais quand on demande à Abderrahmane Sissako de se souvenir de l’image qu’il avait en tête quand il a découvert l’Hexagone en 1993, il répond : « Un pays où l’on mangeait trop. »
Son œuvre cinématographique se finance sur le continent européen, mais se construit sur le continent noir. Pour son cinéma, il est prêt à donner et à révéler beaucoup de lui-même. Pour Bamako, présenté en 2006 hors compétition à Cannes, il est retourné pendant deux ans au Mali pour préparer le tournage. Ce film qui a porté au cinéma l’utopie de mener un procès contre la Banque mondiale accusée d’être coupable de la mort de millions d’Africains, se déroule dans la cour même de la famille paternelle où Abderrahmane Sissako avait grandi. Et La Vie sur terre (1998) a déjà été tournée dans le village de son père pour raconter l’histoire d’un émigré revenu au pays.
Abderrahmane Sissako lors du tournage de son film Bamako.Les Films du Losange
Le VGIK à Moscou
Fils d’un père malien et d’une mère mauritanienne, il rejoint cette dernière pendant un an à l’âge de 19 ans à Nouadhibou, en Mauritanie. C’est cet épisode de sa vie qui avait inspiré En attendant le bonheur (Heremakono), réalisé en 2002 et primé avec le Grand prix-Etalon de Yenenga au Fespaco en 2003. Un récit qui dépeint les désillusions d’un jeune Mauritanien qui retrouve sa mère dans une minuscule chambre sans électricité. Avant cette période, le jeune Abderrahmane avait milité à Bamako dans une organisation étudiante mal vue par le régime de Moussa Traoré, qui déclenche alors la répression des émeutes étudiantes. C’est en Mauritanie qu’Abderrahmane commence à fréquenter le Centre culturel soviétique qui lui sert de tremplin pour faire une candidature au VGIK de Moscou, prestigieuse école de cinéma qui avait formé des géants comme Andrei Tarkovski et où Abderrahmane fréquentera l’assistant d’Eisenstein…
Il y découvre toute l’histoire du cinéma à raison de deux films par jour. Au VGIK, il apprend le cinéma comme une langue capable de raconter son continent d’une manière universelle. C’est au Turkménistan - qui lui rappelle la Mauritanie - qu’il tourne en 1989 son court métrage Le Jeu qui lui permettra en 1991 d’assister à son premier festival de cinéma, leFespaco, à Ouagadougou où Canal+ achète son film. Les 56 000 francs gagnés seront investis dans Octobre, tourné avec le chef opérateur d’Andrei Tarkovski et accueilli les bras ouverts par la sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes en 1993. Ce moyen métrage raconte l’histoire d’un amour impossible entre une Russe et un Africain. Et ouvre au jeune Mauritanien définitivement les portes du cinéma et de la France.
Le rythme de l'audace formelle
Chez Abderrahmane Sissako, l’audace formelle et la rigueur du cadre sont exigées par le propos. Le style de ses films repose sur un rythme calme, la confiance dans les images, une écriture cinématographique où les mots ont leur importance, mais où les silences et l’inconscience restent les armes absolues du réalisateur. L’esthétique du Mauritanien qui frôle souvent l’austérité ne parie pas sur le pouvoir du cinéma de transformer le monde, mais espère éveiller les consciences et rendre justice. Dans plusieurs de ses films, il citeAimé Césaire, le chantre de la négritude, pour évoquer l’exil, le déchirement entre l’Europe et l’Afrique, la chance du métissage et de l’ouverture culturelle.
Avec sa voix douce, il s’est régulièrement défendu d’être le porte-parole de l’Afrique. Néanmoins, avec Bamako, un film doté de 1,2 million d’euros, il a défié l’ordre mondial. Et il a revendiqué d’avoir donné la parole aux Africains tout en admettant de faire des films pour les Africains. D’autant plus qu’il se soucie également de la disparition des salles en Afrique et il a aussi produit des films d’autres cinéastes africains. Un engagement commencé en 2002 avec Abouna, du Tchadien Mahamat Saleh Haroun qui a ensuite fait la carrière qu’on connaît au Festival de Cannes.
Timbuktu n'appartient pas au continent africain
L’œuvre de Sissako nous interpelle et nous enseigne que ses histoires ancrées sur la terre africaine sont devenues de plus en plus universelles quand il parle de la destruction du tissu social, des privatisations, des inégalités croissantes, de l’immigration, du rôle de la Banque centrale européenne qui ressemble, pour de plus en plus de pays, au rôle joué par la Banque mondiale : des dirigeants « non-élus » dotés d’un pouvoir décisif qui se réclament d’agir au service de l’intérêt général et d’être « neutre » et « apolitique ». Quant à Sissako, il souligne que la cause défendue dans ses films n’appartient pas au continent africain.
Timbuktu était son premier film en lice pour la Palme d’or et il a laissé passer huit ans entre ses deux dernières réalisations. Ce n’était pas pour des raisons d’argent, mais plutôt pour prendre soin de ses deux filles nées entretemps : « c’est aussi important ou peut-être plus important que de faire un film », confiait-il à RFI dans l’émission Tous les cinémas du monde. Avec Timbuktu. Le Chagrin des Oiseaux, il avait visiblement envie de crier sa colère contre l’islam des jihadistes et de transmettre certaines valeurs aux générations suivantes.
Inspirée d’une actualité sinistre - un jeune couple lapidé en juillet 2012 pour avoir eu des enfants hors mariage – son œuvre est devenue une hymne à l’islam de la tolérance, à la liberté des hommes et des femmes. Tourné dans le plus grand secret en Mauritanie, près de la frontière malienne, le film raconte l’histoire d'une famille au nord du Mali lors de l'arrivée des jihadistes. Un récit emblématique sur l'enjeu historique de cette « ville aux 333 saints » devenue le symbole d’une ville martyre depuis la destruction des lieux sacrés par les islamistes en 2012. Aujourd’hui, encore plus que la ville Tombouctou, c’est le film Timbuktuqui témoigne de l’enjeu de cette lutte contre l’obscurantisme pour le monde entier. Une histoire africaine devenue universelle.

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lundi 8 décembre 2014

Guitares Touarègues, 3 documentaires,France-Culture «Sur Les Docks»-8-9-10 décembre,17 h

L’histoire contemporaine du Sahara a une bande originale : la guitare touarègue.
Avec trois documentaires Sur Les Docks découvre ces musiciens qui depuis maintenant trois décennies accompagnent au Sahara les feux paisibles comme les rébellions, et qui en Occident sont acclamés lors des plus grands festivals.
Un documentaire d’Arnaud Contreras et Rafik Zenine
 © ARNAUD CONTRERAS / Radio France
Sur les Docks vous invite au  Niger : sur le sable près d’un  feu crépitant,  une bonne partie des meilleurs musiciens du Sahara jouent ensemble sur l’invitation de Rhissa Ag Wanagly. Le bluesman Afel Bocoum de Niafunké au Mali, plaisante avec Abdallah Ag Alhousseyni du groupe Tinariwen, groupe touarègue originaire du Nord du Mali.  Aux instruments, bidons et théières, l’algérien Nabil Othmany, le français Alain Plume, les nigériens Rhissa Ag Wanagly et Anana Ag Aroun, le mauritanien Youba Dia. Bombino n’est pas loin. Tous sont là pour célébrer la guitare touarègue et  ses pères fondateurs, Tinariwen. Les chansons de ce groupe, comme celle d’Abdallah Oumbadougou et d’autres, ont accompagné l’histoire des rebellions au Sahara depuis les années 80, mais aussi, l’histoire des fêtes, des mariages, des naissances. L’histoire de Tinariwen est d’abord une histoire de rencontres lors de soirées consacrées parfois à la politique, et où des guitares effacent les frontières.
Arnaud Contreras lance une invitation pour un voyage au désert ponctué de rencontres en commençant par Eyadou, élevé au son de Tinariwen.
Avec
Alhassane Ag Touhami, Tinariwen
Abdallah Ag Alhousseyni, Tinariwen
Liya Ag Ablil, Tinariwen et Terakaft
Ibrahim Ag Alhabib, Tinariwen
Eyadou Ag Leche, Tinariwen
Saïd Ag Ayad, Tinariwen
Mohamed Ag Itlal, Tinariwen
Abdallah Ag Lamida, Tinariwen
Nina Walett Intalou,
Fadimata Walett Oumar, Tartit
Denis Pean, musicien Lo’Jo
Justin Adams, producteur
Philippe Brix, producteur
Aghaly Ag Mohamedine, Tamikrest

Prises de son : Yann Fressy, Yves Le Hors, Yvan Turk, Laurent Lucas, Igor Strauss, Guillaume Thibault
Traductions : Anara El Moctar

Tinariwen, Lulla

« Iswegh » Attay (Intiyaden ag Ablil)



Cliquez sur les liens suivants pour écouter les deux autres documentaires de la série « Sahara, Guitares Touarègues » :

►►►Sahara, Guitares Touarègues (2/3) : Les Nouvelles Guitares du Sahara

►►►Sahara, Guitares Touarègues (3/3) : World music, itinéraires du son touareg

France Culture / France-Culture Sur Les Docks / Diffusion les 8-9-10 décembre 2014 à 17h et sur www.franceculture.fr
http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-sahara-guitares-touaregues-13-rencontres-avec-tinariwen-2014-12-08

Ibrahim ag Alhabib, « Abraybone », un des fondateurs de Tinariwen

Association Tamoudré 
La voix grave d’Ibrahim, c’est la complainte du vent quand les chèvres rentrent le soir autour de la tente.Visage buriné, tranquille.
Retrouvailles entre vieux amis de Tessalit, en région lyonnaise.
abrayabonDepuis les années 2000, Tinariwen est le groupe emblématique du blues touareg, créé par Ibrahim, Alhassan et Intayaden dans le feu de la rébellion, symbole de l’identité d’un peuple qui vit et qui résiste dans un milieu âpre et contraignant du nord-Mali.
Le groupe a chanté son exil et sa nostalgie des Etats-Unis au Japon, de la Norvège à l’Espagne, et draine des foules enthousiasmées par sa magie.
Ibrahim, tes amis ont attendu plus d’un an avant de te revoir dans une tournée aux Etats-Unis et en Europe ?
Je suis restée dans le silence de mon désert. Ces dernières années comme ça, je n’avais jamais connu.
Ces islamistes, ça venait d’où, tout ça? Pour faire quoi ? Pour déranger quoi ? On ne comprenait pas, on ne pouvait rien expliquer.
On a vécu dans une sorte de machine qu’on ne maîtrisait  pas, et qu’on ne pouvait même pas réparer.
Des hommes qu’on ne connaissait pas sont venus dans nos campements, qui venaient de nulle part et qui ont imposé des violences qu’on ne pouvait même pas imaginer.
Les islamistes ont complètement changé notre manière de vivre, on ne pouvait plus bouger, plus rencontrer nos familles qui nomadisaient plus loin, plus faire des fêtes, des baptêmes, des mariages, pour se voir.On ne pouvait même plus faire de feux, et quand on se retrouvait, il fallait mettre des gardes en moto au sommet de chaque colline en cas d’alerte.
Je ne pouvais pas partir dans ces conditions, la sécurité de ma famille et de mes amis a été ma priorité.
Comment ca va, maintenant, là-bas ?
On ne comprend toujours pas ce qui se passe. Rien ne bouge dans la brousse et dans les villages, on est là, on attend.
Pas de travail, chacun se débrouille. Pas d’école depuis 3 ans, les enfants et les jeunes sont livrés à eux-mêmes, et jouent à la guerre. Beaucoup  ne savent pas où ils en sont et de toute façon ils n’ont pas de réponses.
En brousse les nomades ne comptent que sur eux-mêmes, les pluies ont été bonnes et les animaux ne sont pas fatigués, les familles vivent avec ça comme elles ont toujours vécu. Mais elles bougent de moins en moins, les pistes sont dangereuses, il y a des mines, des attentats…
Les Tinariwen, toujours sur les routes dans le monde entier… ?
Les Tinariwen représentent une histoire forte, un symbole.
J’ai beaucoup écouté, regardé, depuis cette dernière tournée, et parlé avec les autres.Nous avons évolué, joué avec d’autres musiciens d’autres pays, des jeunes ont rejoint le groupe.
Aujourd’hui nous nous posons ensembles des questions pour améliorer notre musique et intégrer des valeurs plus traditionnelles. Pour rendre notre identité plus forte.
Mi-décembre, à Paris, Lala Badi va chanter avec le groupe. C’est une chanteuse de plus de 75 ans, qui a toujours chanté dans les tindés de l’Ahaggar, et que nous respectons infiniment.
Cette démarche est très importante pour nous, c’est une façon de montrer une autre façon de jouer notre musique, avec des voix de femmes autour du tende, avec asegdal (des chœurs d’hommes),  iswat (musique poétique chantant amour et nostalgie), des flûtes…
Mais pour les tournées c’est compliqué à mettre en place, les musiciens, le matériel, et les visas qu’on attend !
J’espère que ca va continuer dans ce sens, en tout cas c’est ce que j’ai envie de faire vraiment…
abrayabon-jardin2
Le jardin d’Ibrahim, Tessalit
Ibrahim va retourner  dans son désert bientôt. Il va retrouver sa famille, ses amis, son troupeaux de chèvres et de moutons.
Ses semelles de vent l’emmèneront  à nouveau entre ses jardins et ses campements de  Tessalit, à Afara et Tamanrasset, et Timeaouine.
Voyage du silence, au milieu du grondement éperdu des hommes qui ont perdu les étoiles du ciel.
Ca va aller, Inch Allah…
 Jacqueline Dupuis, 1° décembre 2014

Mano Dayak (1949 - 15 décembre 1995) était un entrepreneur touareg du Niger, l'un des chefs de la rébellion des années 1990.

Ibanakal Tourna a partagé la photo de Sidi Albachir.
1 h · 
Mano Dayak (1949 - 15 décembre 1995) était un entrepreneur touareg du Niger, l'un des chefs de la rébellion des années 1990.

Mano Dayak au volant d'une Range lors du rallye Paris-Alger-Dakar le 3 janvier 1986
Il est né dans la vallée de Tidene, au nord d'Agadez et appartient à la tribu des Ifoghas, originaire du Mali voisin. A l'âge de 10 ans, il suit avec réticence les cours de l'école française nomade d'Azzel, forcé par l'administration française. Mais il prend goût aux études et continue sa scolarité au collège d'Agadez avant de partir travailler à Niamey. À 20 ans, il part aux États-Unis où il poursuit ses études (bac et études supérieures) entre New York et Indianapolis, tout en travaillant. En 1973, il part à Paris, et s’inscrit dans la section de l’École Pratique des Hautes Études Technologiques en Anthropologie culturelle et sociale du monde berbère. Il s'y marie avec Odile, et ils ont eu ensuite deux fils : Mawli (ou Maoli) et Madani.
De retour au Niger, il devient guide dans le désert, salarié d'une agence de voyages française. Puis il fonde sa propre agence de tourisme Temet Voyages, qui devient la plus importante d'Agadez. Il a ainsi contribué efficacement à l'essor du tourisme dans la région. Il a également participé à l'organisation du rallye Paris-Dakar, devenant proche de Thierry Sabine et à l'organisation de films tels que Un thé au Sahara de Bernardo Bertolucci.
En tant que leader de la CRA (Coordination de la Résistance Armée), il devient l'un des principaux chefs de la rébellion touarègue des années 1990, au même titre que Attaher Abdoulmomin chef du Front de Libération du Nord Niger, Rhissa ag Boula du FLAA (Front de Libération de l'Aïr et de l'Azawak) et Mohamed Anako de l'UFRA (Union des Forces de la Résistance Armée).
Le 15 décembre 1995, en vue des négociations, il doit rencontrer le président nigérien Mahamane Ousmane et embarque à bord d'un avion affrété par un chargé de mission du gouvernement français en compagnie d'un journaliste français, Hubert Lassier, et deux autres chefs de la rébellion touarègue, dont Hamed Ahmed ag Khalou et Yahaha Willi Wil. Mais selon des témoins oculaires, juste après son décollage l'avion prend feu, explose, puis s'écrase. Tous ses passagers sont tués.

Tombe de Mano Dayak près de Tidene, au sud de l'Aïr
Cet accident tragique a contribué à forger sa légende, et il est aujourd'hui connu comme celui qui a rappelé au monde l'existence et la souffrance du peuple touareg. Son charisme lui a valu l'amitié et l'admiration de nombreuses personnalités telles que Bernardo Bertolucci, Jean-Marc Durou.
En 1996, un artisan touareg nommé Assaghid a créé en son honneur un bijou sur le modèle des croix des tribus du Niger, bijou qui reste le symbole de la rébellion.

Croix touarègue Mano Dayak
L'aéroport d'Agadez s'appelle aujourd'hui "l'aéroport international Mano Dayak".
Dans leur album intitulé Aman Iman, Tinariwen lui rend hommage dans une chanson portant son nom.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mano_Dayak