Interview de
Attaye Ag Mohamed, Jeune de 27 ans, Née à Sévaré (région de Mopti) au centre du Mali. Je suis originaire de Tombouctou dans l’Azawad. Etudiant en droit public et co-fondateur du MNA (Mouvement National de l’Azawad) en Novembre 2010 à Tombouctou. Actuellement membre du Conseil révolutionnaire du MNLA et chargé de la communication de la cellule du mouvement en République Islamique de Mauritanie.
Au sujet de l'approche de la date du premier anniversaire de la déclaration d’indépendance de l’Azawad faite par le MNLA?
Le 06 Avril prochain sera le premier anniversaire de la déclaration d’indépendance de l’Azawad, faite par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Le peuple de l’Azawad aurait souhaité le vivre comme étant une réalité qui lui offrirait une souveraineté complète. Une chose est sure et reste rassurante, ce que ce n’est pas le Mali qui a sauvé son intégrité illégitimement conservée. C’est plutôt la communauté internationale qui a fait le choix de fermer les yeux sur les bases profondes du différend qui oppose l’Azawad au Mali.
Le MNLA, répondant aux appels de la communauté internationale s’est inscrit dans un processus politique large et progressif pour une sortie de crise. Il reconnait prochainement l’intégrité territoriale du Mali mais maintient sa lutte pour un statut particulier en faveur de l’Azawad.
Comment voyez-vous l’aspect de la lutte contre le narco-terrorisme ?
Il est bien clair que le narco-terrorisme actuellement combattu par les forces françaises et celles de la MISMA, est un élément très nouveau dans le dossier. Je rappelle que c’est à partir de 2003 que le gouvernement malien a laissé librement circuler dans l’Azawad, l’ancien GSPC algérien devenu AQMI en 2007. C’est durant cette même année que l’armée malienne a instruit le Capitaine feu Badi Ould Cheikh à l’époque chef de poste de Nampala (région de Segou), d’installée l’algérien Moctar Ben Moctor dans la forêt de Wagadou près de la frontière mauritanienne. Et c’était bien une instruction politique.
En 2009 déjà c’est un officier supérieur malien, le Col. Lamana Ould Bou qui fut sommairement exécuté par un commando d’Aqmi à son propre domicile à Tombouctou. Deux semaines plus tard c’est une colonne de l’armée qui fut décimée par le même AQMI au Nord de Tombouctou dont 2 autres officiers supérieurs (Lt. Hamma Ould Mohamed Yehia et capitaine Bah). En Novembre 2009, c’est un Cargo comportant de la drogue et des armes qui a atterrie à Bourem (Région de Gao). AQMI a jouit d’une liberté d’accès aux populations et pour s’adonner à ses différentes activités d’enrichissement et d’enroulement à travers le trafic illicite et les prises d’otages.
Bamako y gagnait largement sa part à trois niveaux : Les dividendes des rançons pour la libération des otages, le détournement des fonds de projets de développement dans l’Azawad car les bailleurs occidentaux ne pouvaient plus s’y rendre pour contrôler d’eux mêmes les mises en œuvre et troisièmement, l’accès aux fonds des programmes onusiens de lutte contre le terrorisme et le banditisme transfrontalier.
Tout cela ne saurait être possible sans une complicité forte au sein des hautes sphères de l’Etat Central. Le MNLA n’à jamais cesser de le dire et de le condamner. Notre révolution est donc venue couper la colonne vertébrale d’un vaste réseau international et complexe de banditisme institutionnalisé. D’où la pire haine des pouvoirs maliens contre le MNLA au point d’ignorer l’aspect terroriste grandissant.
Alors, il faudra aller en profondeur des sources réelles du conflit, des défaillances institutionnelles, démocratiques, sécuritaires et économiques du Mali pour que surgisse la vraie solution durable au conflit.
Avant que les forces étrangères n’engagent le front avec les groupes narco-terroristes, le MNLA l’avait déjà commencé. De la bataille de Gao, à celle d’Ansongo et ensuite Ménaka, la coalition terroriste en payée le prix fort avec plus d’hommes tués. Les reculs du MNLA n’exprimaient que sa maturité politique et stratégique. Les renseignements crédibles des pays voisins, de la France et des USA ne diront pas le contraire. Mais il fallait que l’opinion publique et médiatique voient Djabaly et Konna en ruine en seulement 2 jours d’offensive des terroristes pour comprendre la taille du duel unilatéralement supporté par le MNLA ; cela pendant 7 mois à l’intérieur de l’Azawad. Il y’avait aussi l’aspect humanitaire d’une telle guerre qui n’aura rien de conventionnel. L’ennemie se foutait complètement de ce qui pourrait arriver à la population civile, contrairement au MNLA qui se devait de regarder l’avenir. Nous nous considérons comme acteur moral de l’environnement politique, juridique et humanitaire international.
Qu’en est-il des engagements politiques du MNLA ?
Le MNLA a toujours respecté ses engagements politiques vis-à vis du Mali. Je rappelle que depuis le 05 Avril 2012, le mouvement observe un cesser le feu unilatéral envers l’armée malienne ; le MNLA a rencontré et reconnu la médiation de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) trois semaines avant que les forces du mouvement ne se retirent de Gao. Le mouvement a aussi présenté sa plate forme de revendications politiques prenant en compte les avis de la communauté internationale sur la préservation de l’intégrité territoriale du Mali et du caractère laïc de l’Etat.
Nous, jeunes, particulièrement fondateurs du MNA (Mouvement National de l’Azawad) en Novembre 2010 et qui est 1 an plus tard devenu MNLA ; aspirons a un règlement politique durable du conflit. Nous ne rejoindrons jamais une « PAIX BRICOLEE » de toute pièce, peu importe le temps que cela nécessitera. Notre peuple est fatigué de courir à travers les frontières, se dispersé et d’être qualifié d’apatride. Nous ne baissons pas les bras car pour la première fois, la question de l’Azawad est abordée à l’ONU. Nous n’avions pas peur des confrontations politiques et démocratiques. Notre génération a toujours essayé de passer par le dialogue politique avant les armes. Enfin, pour nous, un pat important vient d’être franchi, il s’agira pour l’avenir de se donner les moyens politico-économiques et juridiques pour atteindre l’indépendance totale de l’Azawad.
Comment voyez-vous le dialogue avec Bamako ?
Toutes les guerres se sont terminées autour d’une table de négociation. Nous en avons appelé Bamako comme cela se soit de la part d’une organisation politico-militaire s’inscrivant dans la dynamique du respect des lois et normes internationales. Cependant, il ne faut pas confondre appeler et supplier. Le MNLA ne supplie pas Bamako au dialogue, pas du tout.
Nous avions fait ce qui doit se faire, nous faisons ce qui est de notre rôle conformément aux engagements pris sous l’égide du médiateur de la CEDEAO.
Depuis le début de l’intervention, Bamako rampe dans ses prises de décisions, sabote les dispositions de la résolution 2085 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ainsi que les phases de la feuille de route établie avec le médiateur de la CEDEAO.
Pour le MNLA, pas question de désarmer sans l’ouverture d’un dialogue sérieux avec Bamako sous l’égide des différents acteurs politiques. « Il ne faut pas faire des résultats de négociations, leurs conditions ». Sans une volonté politique réciproque sérieuse, pas de possibilité de dialogue positif.
Par ailleurs, les belligérants politiques du conflit c’est bien l’Etat central de Bamako et le MNLA. Il n’ya pas de conflit intercommunautaire, ni interreligieux. C’est toujours l’Etat qui a instrumentalisé des pseudo-tensions entre les communautés, et le projet intégriste des terroristes n’a jamais été embrassé par les populations de tous les bords.
Au plan humanitaire :
Nous n’avions jamais cessé de crier l’état de détresse dans lequel vit nos populations, cela même avant la guerre. L’Azawad a toujours été dépendant d’un « corridor humanitaire ». L’essentiel des programmes existe grâce à l’aide extérieure. Pendant 52 ans d’occupation, seulement 10% des frais d’infrastructures (écoles, hôpitaux, administrations, aménagements…) proviennent de la caisse de l’Etat central. Les 90% proviennent des ONG, des bailleurs de fonds étrangers, des personnes de bonnes volontés. Combien de projets vitaux ont été détourné alors que les fonds nécessaires à leurs réalisations sont débloqués par des partenaires étrangers ?
En 2011 tout près, la sécheresse a épuisée les populations nomades sous le regard silencieux de l’Etat. Avant le début des hostilités en 2012, une grande pénurie alimentaire était prévisible dans tout le sahel. Pour vous dire que la crise humanitaire dans l’Azawad n’est pas un quotidien nouveau. Les populations ont fuient les affrontements qui opposaient le MNLA a l’armée malienne. Elles ont fuient en masse la loi des djihadistes. Mais elles fuient plus encore le retour de l’armée malienne. Il faudra noter que les populations fuient très majoritairement vers les autres frontières et non vers Bamako. Cela sans compter les déplacés vers l’extrême nord du pays, en zone désertique. Ils sont les plus grands oubliés du monde. Nous lançons un vibrant appel aux ONG et aux Etats du monde de venir vite en aide à nos populations refugiées et déplacées à l’intérieur de l’Azawad.
A cela vient s’ajouter les exactions menées par les soldats de l’armée malienne contre les civils touaregs et arabes. Le nombre de victimes est aujourd’hui 50 fois plus important que le nombre de touchés entre janvier et juin 2012. Exécutions sommaires, tortures, pillages, viols, contrainte à l’exil font le quotidiens des populations depuis le début de l’opération Serval. C’est une épuration ethnique sous le silence de la France et des autres puissances. Par cette attitude, il est clair que l’Etat malien et sonarmée jettent les bases d'un conflit ethnique et hypothèquent toutes perspectives d'un retour à une paix durable. Le président de la transition malienne, Dionkounda Traoré en niant les crimes de son armée cautionne politiquement les faits. Le fossé est assez profond, la notion « d’Etat nation » a atteint son déclin total.
En Conclusion.
Nous pensons qu’aujourd’hui, il est urgent que la communauté internationale projette la mise en place d’un Tribunal Spécial Indépendant pour le Mali afin qu’une justice équitable tranche. Sans une justice équitable, les piliers de la paix tiendront difficilement. L’annonce par l’ONU de la préparation d’une force onusienne de maintient de paix dans l’Azawad est salutaire. Nous espérons qu’elle ne sera pas une force qui prendra partie mais qu’elle sera une véritable force d’interposition entre les deux belligérants politiques qui sont l’Etat central de Bamako et le MNLA.
C’est moi qui vous remercie surtout et la lutte continue !