La métastase Belmokhtar
Par - Date: 02 Avril 2010 Article lu 498 fois (actualisé toutes les 30mn)
Le mandat d’arrêt émis contre lui par la Mauritanie lundi 29 mars changera t-il tout pour Mokhtar Belmoktar né en 1972, à Ghardaia, en Algérie ? En tout cas, il assimile désormais le chef salafiste à un narco-terroriste et ce n’est pas la moins grave des accusations en ce moment où Washington s’extasie devant Nouakchott, applaudit l’Algérie et « ménage » le Mali. Depuis le 2 février 2010, sur la base de la résolution onusienne, Interpol recherche activement l’homme sous vingt-huit noms différents. Où vit-il ? A plus de 700 km de Tombouctou sous la protection des puissants Oulad Idriss, le clan auquel appartient Fatma qu’il épouse en 2001 ? Personne n’est vraiment catégorique car l’homme est crédité de tous les pouvoirs, à commencer par le don d’ubiquité. On le voit partout au même moment, Blida en Algérie, Tedjerert au Mali, Alegh en Mauritanie, Agadez au Niger. Il passe aussi pour le plus grand commando au monde. Une sorte de Lucky Luke en turban. Sa légende veut qu’à 19 ans, il ait passé avec succès l’épreuve Afghane. En tout cas, personne ne le prend pour un terroriste à partir de 1997 quand on le rencontre au Sahara malien. Les gens se souviennent seulement du fait qu’il aime acheter les voitures 4x4. Le journal algérois, le dépeint, à l’époque sous les traits d’un tire au flanc « « acoquiné avec les contrebandiers du Niger et du Mali, il s’est lancé dans la revente de véhicules volés et maquillés ainsi, que l’émigration clandestine. Croisant entre In Azoua dans la wilaya de Tamanrasset où il aurait une cache à Tamrat et Iblis à 70 km de la frontière nigérienne ». Aujourd’hui, sa force de frappe, selon les services algériens, s’est accrue et les Mauritaniens estiment en 2008 qu’il est le vrai patron de huit cellules dans leur pays. Officiellement, il n’a jamais été investi émir du Gspc ou d’Aqmi dont le grand chef Abdelmalek Droudkal passe pour ne pas l’aimer. Belmokhtar apparemment n’est pas très commode. Il critique vertement sa hiérarchie, l’accuse souvent de trahison, et pour la spécialiste Fatima Tlemçen de Alwatan, le Borgne -nom donné à Belmokhtar par les services algériens- est hostile aux attaques kamikazes. Il gouverne depuis 2000 la partie Ouest de la Région de Tombouctou et de la Mauritanie, la zone Est couvrant les Régions de Kidal et du Nord du Niger étant le territoire de l’intraitable Abdellhamid Abuzeid. Il se dit que jusqu’à l’affaire des otages autrichiens qui dut renflouer ses caisses, Belmokhtar est découragé par le manque de moyens et déçu par les querelles de leadership au sein du GSPC. Il cherchera même à négocier « sa repentance », selon son ancien camarade de maquis Abou Moussab repenti depuis. La zone saharo-sahélienne, c’est pourtant Belmokhtar. Car c’était lui le logisticien du GSPC délocalisé pendant au moins une décennie. A-t-il bénéficié, comme d’autres terroristes, de la bienveillance de la Direction des Renseignements et de la Sécurité, le tout puissant DRS algérien ? Cela s’est dit. Des ressortissants du Nord malien jurent par tous les Dieux que pendant un bon moment, Mokhtar Belmokhtar va et vient entre le Mali et l’Algérie comme il le veut. Mieux, pour le journal l’Expression, dans son édition du 15 juillet 2004, le Borgne est encerclé par les forces de sécurité algériennes dans la Wilaya de Tamanrasset. Le 5 janvier 2005, le même journal annonce : « contraint de quitter le Mali, Belmokhtar signe son retour en force en Algérie » après, poursuit-il, un long séjour parmi « les tribus maliennes ». Le 19 février 2008, il est donné pour mort par la presse algérienne lors de l’attaque de Menea par l’armée algérienne. Coup de théâtre : son nom sera cité dans l’attentat de Biskra (wilaya de Tipiza) en mai 2009 où seize gendarmes sont horriblement massacrés dont six égorgés au couteau. Mais depuis quelques jours, Belmokhtar n’est plus un simple nomade qui préfère la pick-up à la chamelle et la kalach au bâton de berger. Il est recherché pour rapt et narcotrafic. La question n’est pas s’il tombera un jour mais quand. Les pays qu’il menace sont, en effet, contraints de joindre leurs efforts. L’affaire Camatte n’aura pas porté chance au gentleman kidnappeur.
Adam Thiam