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Le colonel major El Hadj Gamou a gagné sa réputation dans la gestion des différentes rébellions au Mali, plus particulièrement celle de 2006 dont il fut l’un des principaux acteurs dans le déroulement des opérations à Kidal.
Après l’attaque de Ménaka en janvier 2012 qui marque le déclenchement de la rébellion 2012, il a tenu tête aux envahisseurs pendant de longs mois et même après le coup d’Etat du 22 mars et l’occupation totale des régions du nord. Au Niger où il s’était réfugié avec ses hommes (des soldats maliens et des combattants venus de Libye) et son matériel, il échappera de justesse, le 2 décembre dernier, à une tentative d’assassinat. Depuis le déclenchement de l’opération Serval, il a regagné le front où ses troupes combattent aux côtés des forces françaises et tchadiennes.
En séjour actuellement à Bamako, le colonel Gamou s’est confié à notre reporter sur des sujets aussi importants que les raisons des différentes rébellions au Mali, les soldats venus de la Libye, la situation actuelle à Gao, ses rapports avec Iyad, la tentative d’assassinat dont il fut l’objet à Niamey, la raison de sa présence à Bamako. Exclusif !
L’Aube : Colonel, beaucoup de Maliens entendent parler de vous depuis la rébellion du 23 mai 2006, mais peu de gens vous connaissent. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
El Hadj Gamou : Je suis colonel major Gamou, officier supérieur de l’armée malienne.
Vous êtes connaisseur du nord du Mali, comment expliquez vous la persistance de la rébellion dans cette partie du pays, malgré la signature en 1992 du Pacte national et les efforts faits par l’Etat pour développer les régions du nord ?
La rébellion actuelle n’est pas comme les rébellions précédentes. Ces dernières étaient fondées sur des revendications politiques, parfois légitimes. C’est pourquoi, depuis le Pacte national, les ressortissants du nord étaient écoutés par l’Etat malien. Le pacte a prévu des droits et des actions de développement des régions du nord. Beaucoup a été fait dans ce sens, surtout dans les domaines militaire et du développement économique. Les ex combattants ont complètement intégré les structures des forces armées et de sécurité à des fonctions importantes, de commandants de zone jusqu’aux commandants de compagnie. Touaregs et arabes, tous font partie, y compris moi-même. J’ai fait ma formation à Koulikoro avec plusieurs de mes camarades intégrés. Après la formation, j’ai été le premier à être nommé commandant du 14è régiment, à Ménaka. Ensuite, j’ai été nommé commandant du 13è régiment à Gao, puis commandant de zone de Gao, qui gère administrativement la région de Kidal, et Ménaka. Durant toutes ces années, je suis constamment sur le terrain.
En 2006, j’ai été nommé chef des opérations, parce que j’étais chef de zone à Gao depuis seulement quatre mois quand l’attaque de Kidal du 23 mai 2006 a eu lieu. Tôt le matin, j’ai réuni les quelques faibles moyens que j’avais à ma disposition pour rallier Kidal, mettre la population en confiance et la sécuriser, ainsi que les biens de l’Etat.
Pourquoi et comment la rébellion de 2006 a-t-elle éclaté ?
La rébellion de 2006 est le fait de quelques individus de Kidal, qui ont des agendas que je ne connais pas. Ces individus étaient habitués à se lever un beau matin, perpétrer des actes d’éclat isolés pour envoyer un signal à l’Etat. Ces actes sont immédiatement suivis de revendications. Et ces gens là étaient écoutés par l’Etat.
En fait, Kidal étaient quasiment confié à des autochtones, mais qui ne pouvaient en aucun cas remplacer l’Etat. Ces gens étaient devenus tellement puissants qu’ils ne voulaient pas voir l’Etat au dessus d’eux là-bas. C’est ça la vérité de Kidal. Et l’une des raisons de la rébellion du 23 mai.
Et la rébellion de 2012 ?
Je ne peux pas qualifier ce qui s’est passé en 2012 de rébellion. C’est la retrouvaille de gens qui ont des agendas et des motivations diverses et différentes. Il y a des Maliens de Libye qui sont revenus de ce pays avec des moyens militaires puissants et nombreux. Ils ont été accueillis par d’autres Maliens qui ont des agendas politiques et qui les ont encouragés à prendre leurs armes contre leurs frères du pays. Ensuite, le terrain était très miné, avec la présence d’Aqmi et d’autres mouvements terroristes et islamistes. C’est donc tout un mélange de mouvements mal intentionnés qui ont de très gros moyens militaires qui s’est retrouvé au même moment dans cette partie du pays par un concours de circonstances. Certains se disaient Indépendantistes, d’autres réclamaient l’application de la charia et un troisième groupe flottait entre les deux. Tout les opposait dans leurs ambitions, leurs objectifs et le but final de leur combat. Donc, à mon avis, ce n’est pas une rébellion assortie de revendications légitimes au profit des populations du nord. Et même nos nationaux qui y sont impliqués ne sont pas représentatifs de ces populations. La situation leur est tombée sur la tête et elles n’ont en aucun moment été consultées pour engager quelle que rébellion que ce soit. Ceux qui ont déclenché les mouvements n’ont pas été mandatés par les populations du nord. Depuis le début de l’occupation, on n’a pas vu le comportement de gens qui veulent apporter un changement dans cette partie du pays. Celui qui vient apporter un changement ne doit pas détruire ce qu’il a trouvé sur place tel que les hôpitaux, les écoles et autres édifices publics.
Mais vous-mêmes, vous dirigiez un contingent de soldats venus de la Libye. Pourquoi eux, ils n’ont pas suivi leurs compagnons ?
Effectivement, ces soldats n’ont pas été embarqués dans l’aventure. Ils sont présentement avec moi. Ce sont eux qui sont entrain de combattre au front et de défendre le pays. Même au début des attaques ils étaient avec moi à Kidal, Tessalit et partout. Je les ai rencontrés à leur arrivée jusqu’à la frontière avec la Libye, avec leurs moyens et leurs effectifs. J’ai essayé de les sensibiliser sur la nécessité de faire allégeance à l’Etat malien et à faire confiance au peuple malien, tous prêts à les accueillir en dignes fils de Maliens. Je n’ai pas pu convaincre tout le monde. Mais, tous ceux qui sont de ma tribu IGMADEN où je suis issu m’ont écouté et suivi. Je les ai cantonnés à Kidal où ils ont été accueillis par le gouverneur de la région. Deux jours après, c’est une forte délégation de sept ministres dont ceux de l’administration, et de la défense, qui est venue leur rendre visite. Jusqu’à aujourd’hui ils sont avec nous. Ils ont été recrutés automatiquement au sein des forces armées, devenant des militaires maliens à part entière. Ils ont entendu les conseils et compris qu’après la Libye il fallait se mettre à la disposition de l’Etat malien.
A Niamey, vous avez échappé, il y a de cela quelques mois, à un attentat. Qu’est-ce qui s’est passé exactement?
C’est tout à fait réel. C’est un jeune qui se dit djihadiste qui était en mission pour attenter à ma vie. Il était 7 heures du matin et je sortais pour aller chez le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré en visite d’Etat au Niger, avec le ministre de la défense. Je devais aller à bord d’une voiture où mon garde de corps et mon chauffeur avaient déjà pris place. Aussitôt sorti de la cour pour embarquer dans le véhicule, j’aperçois un jeune sur une moto qui fonçait droit sur nous. A quelques mètres, il ralentit et tira trois coups sur moi. Les balles se logèrent dans ma chemise, détruisant mon téléphone. Mon garde du corps a reçu la quatrième balle à la cuisse. Quand j’ai compris réellement que c’est à moi que le visiteur en voulait, j’ai replié dans la cour, ordonné à ma famille de se réfugier à l’étage et trouvé moi-même une cachette dans la cuisine à l’arrière cour. Quand le bandit s’y est aventuré, je l’ai assommé avec un bâton que j’avais chipé au balayeur. Mais, avec le casque qu’il portait, il n’avait apparemment pas été groggy. Car, après j’ai dû le maîtriser et le désarmer, aidé par mon garde du corps, blessé, et mon chauffeur. Il a passé un sale quart d’heure avant l’arrivée des forces de sécurité, sans doute appelée par un membre de ma famille. On l’a remis aux gendarmes pour les besoins des enquêtes. Au cours de celles-ci, il a avoué être un envoyé d’Aqmi pour tuer le colonel major Gamou, qui constitue le principal, sinon le seul danger pour l’exécution de son plan sur le terrain. Et, c’est moins d’un mois après que les occupants ont programmé leur avancée sur le sud.
Quelle est aujourd’hui la situation à Gao ?
La situation à Gao est très calme. Les djihadistes ont tenté beaucoup d’attentats, mais ils n’ont pas causé de gros dégâts. Gao est maîtrisée et sécurisée. Mais, il peut toujours y avoir des poches de résistance dans les brousses, mais pas dans la ville ou au niveau du fleuve.
Colonel, où sont vos hommes actuellement ?
Il faut plutôt dire où sont les militaires maliens, pas mes hommes. Moi, je n’ai d’hommes en dehors des militaires maliens que j’ai commandés. Si vous faites allusion à ceux-ci, ils sont à Gao, à Ménaka, à Ansongo, à Bourem. Une partie est avec Serval à Tessalit. Ce sont eux les grands connaisseurs du terrain, et ils sont avec les Français et les Tchadiens partout au niveau de l’Adrar des Iforas.
L’armée malienne n’est pas présente à Kidal. Cette absence vous fait quoi personnellement ?
Je suis un Malien. J’ai le même cœur que les Maliens. Aucun Malien n’apprécie cette situation. Mais, Kidal fait partie intégrante du Mali et je sais qu’un jour, l’armée malienne sera à Kidal et même au-delà de Kidal, à Tinzawatène.
A votre connaissance, que sont devenus les autres chefs de mouvements, tels que Belmocktar, Droukdel, Iyad et autres ?
Je ne connais pas du tout leur position. Réellement.
Il se dit que vous avez des comptes personnels à régler avec Iyad. Est-ce vrai ?
Je connais Iyad. Ou plutôt je l’ai connu. Nous avons fait la rébellion de 1990 ensemble. Après, j’ai intégré l’armée, je suis resté républicain et fidèle à l’Etat malien. Et lui, a choisi d’être un djihadiste et de prendre les armes contre le Mali. Sinon, je n’ai aucun problème personnel avec Iyad.
Quelle appréciation faites-vous de l’intervention française et de la Misma ?
L’intervention est salutaire. Je suis parmi ceux qui apprécient cette opération qui est arrivée au bon moment.
Colonel, depuis quelques jours vous êtes à Bamako. Votre présence dans la capitale est diversement interprétée par les Maliens. Alors ?
Toutes les décisions sont prises à Bamako. Tout le grand boulot de la défense, c’est à Bamako. Je suis venu pour un travail qui nécessite ma présence. Pas pour autre chose.
Vous allez retourner au nord ?
Inchallah! Pourquoi pas ?
Quel est le message fort que vous avez à l’endroit des Maliens ?
Il faut que les Maliens gardent le moral ; qu’ils se donnent la main ; que la population aide son armée afin de relever ensemble les défis. Tous les vœux des Maliens, à savoir l’unité nationale et l’intégrité du territoire, seront réalisés. Les militaires maliens ont fait un grand effort pour relever ce défi, surtout avec l’aide de nos partenaires, la France et la Misma.
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