mardi 5 mars 2013

Les tensions montent entre la France et le Qatar au sujet de la guerre au Mali et de la Tunisie


Les tensions montent entre la France et le Qatar au sujet de la guerre au Mali et de la Tunisie

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France-Qatar
Les tensions s’aggravent entre la France et le Qatar avec des accusations que la pétro monarchie est en train de financer et d’armer des séparatistes et des militants islamistes liés à al-Qaïda au Mali et, plus généralement, de propager l’intégrisme islamique en Afrique.
La France a étroitement collaboré avec le Qatar pour évincer Mouammar Kadhafi en Libye. Elle est également actuellement en train de coopérer avec Doha ainsi qu’avec Riyadh et Ankara pour mener une guerre sectaire dans le but de renverser le président syrien Bachar al-Assad et d’isoler l’Iran. Mais maintenant un retour de flamme s’est produit car la politique du Qatar contrecarre les intérêts géostratégiques et commerciaux de la France au Mali et en Tunisie qui se trouvent au centre des projets de la France de recoloniser son ancien empire en Afrique du Nord et de l’Ouest.
Le premier ministre qatari Cheikh Hamad ben Jassim al-Thani s’est opposé à l’intervention française au Mali, préconisant plutôt le dialogue.
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) au pouvoir, Harlem Désir, a dénoncé ce qu’il a appelé « une forme d’indulgence » de la part du Qatar envers les « groupes terroristes qui occupent le Nord Mali. » Ses remarques ont été suivies par la visite du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian à Doha pour discuter du Mali avec al Thani.
Une déclaration du ministère de la Défense a souligné sans équivoque que le Qatar était « un client privilégié de la France » dans le domaine de l’armement et que les « prises de commandes se sont élevées à 450 millions d’euros pour 200 millions d’euros de matériels livrés » depuis 2007. Le ministère a aussi fait remarquer que du 16 février au 7 mars, un exercice commun se déroulerait au Qatar – baptisé Gulf Falcon 2013 – et impliquant 1.300 soldats français et un nombre identique de Qataris.
La presse française a accusé le Qatar de souhaiter voir le Nord Mali faire sécession tout comme elle avait soutenu la sécession du Soudan Sud du Soudan. Ceci permettrait au Qatar de forger des liens étroits avec la nouvelle nation – qui est supposée être riche en pétrole et en gaz – et d’étendre ainsi son influence en direction de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique sub-saharienne.
En juin dernier, l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné avait publié un article, « Notre ami du Qatar finance les islamistes au Mali ». Il citait des sources du renseignement militaire français affirmant que le Qatar apportait, par le biais de la société du Croissant Rouge entre autres, un soutien financier à divers groupes : les insurgés touaregs du Mouvement national de la libération de l’Azawad (MNLA), l’Ansar-Dine, l’organisation al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et son groupe dissident, le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).
Roland Marchal, spécialiste de l’Afrique sub-saharienne a suggéré que des forces spéciales qataries étaient entrées au Nord Mali pour former des recrues d’Ansar El Dine, qui fait partie d’al-Qaïda, une accusation également avancée par l’Express. Le Qatar avait poursuivi une stratégie identique en Libye. En Tunisie et en Egypte, la monarchie al-Thani avait financé en 2011 et en 212 les partis politiques des Frères Musulmans en tant que partie intégrante de sa stratégie plus générale de porter au pouvoir des gouvernements islamistes basés sur les Sunnites, dans le but d’écraser l’opposition au sein de la classe ouvrière arabe, de cibler le régime chiite en Iran et de renforcer sa propre position contre l’Arabie saoudite.
Le gouvernement tunisien conduit par les Islamistes et qui a remplacé le client de longue date de la France, Zine El Abidine Ben Ali, est à présent furieux contre la campagne menée par Paris pour le discréditer en réalisant soit un virement en direction des partis d’opposition soit en formant un gouvernement d’union nationale. La France a été irritée par le refus de la Tunisie de soutenir officiellement l’intervention française au Mali ou d’autoriser les avions militaires français de survoler son espace aérien. Le porte-parole présidentiel, Adnan Manser, a dit craindre que le conflit ne menace les pays voisins, dont la Tunisie.
Les tensions se sont encore accrues après qu’on a appris que les terroristes qui avaient perpétré l’attaque contre le site gazier dans le Sud de l’Algérie, apparemment en représailles à la guerre française au Mali, étaient passés en Tunisie qui est également limitrophe de la Libye et de l’Algérie. D’importantes caches d’armes qu’on ne trouve pas normalement en Tunisie, des RPG, des bombes et des Kalashnikovs, ont été découvertes à Médenine.
L’assassinat au début du mois de février de Chokri Belaïd, dirigeant du parti d’opposition laïc, le Front populaire, a amené le premier ministre d’alors Hamadi Jebali du Parti islamiste Ennahdha à accuser des militants liés à al-Qaïda d’avoir commis l’assassinat et d’accumuler des armes dans le but d’établir un Etat islamique.
Le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, a dénoncé le meurtre comme étant une attaque contre « les valeurs de la révolution du Jasmin » en Tunisie. Il a déclaré « Il y a un fascisme islamique qui monte un peu partout et cet obscurantisme… doit être évidemment condamné… puisqu’on nie cet Etat de droit, cette démocratie pour lesquels les peuples libyens, tunisiens, égyptiens se sont battus. »
Valls a aussi réclamé que la France soutienne les partis d’opposition pseudo-gauches pour stabiliser la Tunisie et pour contrôler l’opposition de la classe ouvrière,.
Ces remarques ont suscité une manifestation des partisans d’Ennahdha, qui ont scandé des slogans et brandi des pancartes disant, « La France dehors ! » et « Ca suffit la France ! La Tunisie ne sera plus jamais une colonie française ». L’intervention de Valls a été tellement crue que le porte-parole du Front populaire tunisien pseudo-gauche, le président du Parti communiste des travailleurs de Tunisie, Hamma Hammami, s’est vue obligé de déclarer : « En tant que Front populaire nous sommes contre la France, les Etats-Unis et tout pays arabe qui s’ingère dans nos affaires internes. »
L’intérêt porté par la France à ses anciens territoires coloniaux en Afrique du Nord et au Sahel est généré par leurs richesses en ressources naturelles – notamment le pétrole, le gaz, l’uranium, l’or et d’autres minéraux précieux – et la montée des Etats-Unis et de la Chine dans une région que la France considère être son propre pré carré.
Le président de l’époque, Jacques Chirac, avait initialement cherché à contrer l’Initiative Pan-Sahel (PSI) de Washington qui avait été promulguée en 2001 et par laquelle les forces militaires américaines formeraient des troupes du Mali, du Tchad, de la Mauritanie et du Niger, sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme » annoncée après les attentats du 11 septembre. Plus tard, celle initiative avait été élargie de façon à inclure l’Algérie, la Mauritanie, le Maroc, le Sénégal, le Nigeria et la Tunisie au titre de l’Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme (TSCTI). La Libye, le Soudan et la Somalie avaient déjà été identifiés comme étant des cibles potentielles.
Le PSI et le TSCTI avait donné lieu en 2007 à la mise en place de l’AFRICOM au sein de l’EUCOM (United States European Command) basé à Stuttgart, étant donné qu’aucun pays africain ne voulait l’accueillir. L’AFRICOM avait pris le contrôle de la TSCTI. Chirac avait voulu obtenir le soutien de l’Allemagne, en invitant en 2007 l’Allemagne au sommet franco-africain, mais Angela Merkel avait refusé de contrarier Washington.
La montée de la Chine avait beaucoup pesé dans la décision du président français, Nicolas Sarkozy de rejoindre en 2009 les structures militaires de l’OTAN et de signer un accord avec la Grande-Bretagne en 2010 pour intégrer les armées des deux pays. Le rôle de la France serait de servir d’auxiliaire de Washington en Afrique du Nord et au Sahel, et d’obtenir sa part du butin résultant de ses projets de restructuration de la région.
Sarkozy avait cherché à renforcer la position économique déclinante de la France en courtisant l’émir du Qatar, en vendant 80 Airbus à Doha pour sa compagnie aérienne Qatar Airways, en lui livrant jusqu’à 80 pour cent de ses armes et en encourageant le Fonds souverain du Qatar à acquérir à hauteur de 70 milliards de dollars US d’actifs français.
La France a promulgué une loi spéciale exonérant de taxes l’émir et d’autres investisseurs qataris qui ont acheté des valeurs immobilières françaises. Elle a même proposé à Doha d’adhérer à son Organisation internationale de la francophonie (OIF), approuvant les écoles de langue française qui sont soumises à l’administration qatarie au Golfe, au Maghreb et en Afrique.
Jean Shaoul
Article original, WSWS, paru le 28 février 2013

Au Mali, AQMI garde sa force de nuisance malgré ses revers


Au Mali, AQMI garde sa force de nuisance malgré ses revers

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Abou Zeid, un des chefs de file d'AQMI.

Si la mort d'un ou de deux chefs aussi emblématiques que Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar venait à être confirmée, quelles conséquences cela aurait-il sur Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ? Depuis le 18 février, date du début de l'offensive commune des forces armées françaises et tchadiennes contre le territoire refuge des djihadistes, une zone bien précise au sein du massif des Ifoghas située au nord-est du Mali grande comme le département du Val-d'Oise, l'organisatio ...

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Abou Zeid, un des chefs de file d'AQMI.

Au Mali, AQMI garde sa force de nuisance malgré ses revers

Article de 901 mots

ABOU ZEID. LA PHOTO QUI CONFIRME SA MORT

ACTU-MATCH | MARDI 5 MARS 2013

ABOU ZEID. LA PHOTO QUI CONFIRME SA MORT

Abou Zeid. La photo qui confirme sa mort
Les corps d’Abou Zeid (barbu, à dr.) et d’un de ses combattants. | Photo Abdelnasser Garboa/Paris Match

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Abou Zeid, son nom faisait frémir. Il est retourné à la poussière du Sahara, dont il était l’émir du Sud, le tout dernier représentant d’Aqmi dans la région. Entre autres « faits d’armes », cet Algérien de 45 ans avait ­organisé l’enlèvement d’une vingtaine d’Occidentaux, dont cinq Français. Un chef particulièrement cruel, ­capable de refuser des médicaments aux otages. Il a perdu la vie lors de combats rapprochés avec les Tchadiens.
«Quand j’ai vu la photo, je l’ai reconnu immédiatement. C’était bien Abou Zeid, affirme le journaliste tchadien Abdelnasser Garboa. L’officier qui l’avait prise deux jours plus tôt, le samedi 2 mars, avec le petit appareil numérique qu’il porte dans un étui à sa ceinture, était d’accord avec moi. L’offensive tchadienne avait commencé huit jours auparavant, le 22 février. Ce jour-là, on ne s’attendait pas à une réaction aussi forte de la part des gens d’Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique]. Ils nous ont tiré ­dessus avec toutes leurs armes. Le combat a commencé vers 10 h 30 et s’est terminé aux alentours de 19 heures. » Cette journée, le reporter n’est pas près de l’oublier. Il se trouve à 2 ou 3 kilomètres de la ligne de front avec le commandement tactique du général Oumar Bikomo et son adjoint, le général Mahamat Idriss Déby, le propre fils du président tchadien.» (...)
(...) « Soudain, on a entendu une explosion, puis plus rien. » C’est ce que racontera, deux jours plus tard, un officier du groupement blindé de l’armée tchadienne qui a pris les photos des cadavres sans savoir qu’il venait de tomber sur le dernier carré d’Aqmi, qui protégeait son chef. « On a l’impression qu’en se voyant perdus ces gens se sont fait sauter plutôt que de se rendre », raconte le journaliste tchadien. Le cadavre qui ressemble à Abou Zeid, lui, porte pourtant une sale blessure au front ; mais son visage émacié, prolongé par un bouc en pointe, est intact. L'état du corps laisse à penser que l'émir n'est pas mort dans un bombardement occidental, ce qui contredirait la version d'Aqmi.Point final

Retrouvez jeudi dans Paris Match le grand récit de la bataille des Iforas de Patrick Forestier avec Abdelnasser Garboa, au Nord-Mali.


Les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) ont annoncé mardi 5 mars qu'ils avaient demandé au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d'ouvrir une enquête sur "les crimes qui auraient été commis par l'armée malienne".

AFP/Le Monde - 5 mars 2013

Les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) ont annoncé mardi 5 mars qu'ils avaient demandé au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d'ouvrir une enquête sur "les crimes qui auraient été commis par l'armée malienne".
"Les avocats du MNLA ont demandé au procureur de la CPI d'enquêter sur les crimes qui auraient été commis par l'armée malienne à l'encontre des membres des groupes ethniques peuls, touaregs, arabes, et songhai dans les environs de Tombouctou, Douentza, Gao, Sévaré, Boni, et Konna", a indiqué le mouvement dans un communiqué reçu à Paris.
...
"Les soldats (maliens) se sont livrés à des actes de torture, des exécutions sommaires et des disparitions forcées" dans ces villes, a affirmé le MNLA. Les rebelles touaregs dénoncent aussi les "appels à la haine raciale relayés par les sites internet maliens et la presse pro-gouvernementale", citant notamment le journal l'Express de Bamako, qui avait publié le 4 février une liste de 31 membres de la direction du MNLA, qualifiés de "traîtres à abattre pour la République".

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), la Gambienne Fatou Bensouda, a mis en garde le 28 janvier le Mali en raison d'allégations concernant des exactions qui auraient été commises par son armée dans le cadre du conflit qui déchire ce pays et elle a demandé une enquête des autorités maliennes sur le sujet

NEWS VIDEO URGENT SUR TOL:La guerre du mali et ses infos contradictoires entre la France,Deby,son fils le Gal Bikimo.Qui dit vrai-régarder - Vidéo Dailymotion

lundi 4 mars 2013

Mali : «tout laisse à penser» que les otages au Sahel «sont en vie», juge le ministre français de la Défense


Dernière info publiée le lundi 04 mars 2013

Le ministre français de la Défense, Jean-Louis Le Drian, a affirmé lundi soir qu' «au moment où nous parlons, tout laisse à penser» que les otages français retenus au Sahel «sont en vie». Le ministre, invité sur la chaine de télévision France 2, a également affirmé n’avoir «pas de preuve» de la mort d’Abou Zeïd et de Mokhtar Belmokhtar

Mali: la photo qui fait dire au Tchad que Belmokhtar est mort


Mali: la photo qui fait dire au Tchad que Belmokhtar est mort

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Photographie du portable d'un militaire tchadien, supposée montrer Mokhtar Belmokhtar mort. RFI/Madjiasra NakoPhotographie du portable d'un militaire tchadien, supposée montrer Mokhtar Belmokhtar mort. RFI/Madjiasra Nako

Cette photographie exclusive a été prise par l'envoyé spécial de RFI à Tessalit dans l'extrême nord-est du Mali. Madjiasra Nako y a été emmené dimanche 3 mars par l'armée tchadienne. Les militaires tchadiens revenant du front lui ont alors montré des photos prises sur leur téléphone portable, en affirmant que ce cadavre est bien celui de Mokhtar Belmokhtar, qui aurait été tué samedi dans la vallée d'Ametetai.

Sur le cliché, l'homme présenté comme celui qui était surnommé «le borgne», est en treillis. Son visage est maculé de sang. Pour l'heure, aucune confirmation n'est venue certifier cette mort annoncée samedi soir par l'état-major à Ndjamena.
Ce lundi, le président tchadien Idriss Déby a une nouvelle fois affirmé que ses troupes avaient abattu Mokhtar Belmokhtar et que sa dépouille, ainsi que celle d'Abou Zeid, n'ont pas été exposées par respect des principes de l'Islam.
Par ailleurs, lors de son voyage à Tessalit, l'envoyé spécial de RFI a pu voir huit prisonniers faits par les soldats tchadiens. Parmi eux, il y aurait des Maliens, un Tunisien, un Marocain, des Nigériens et des Burkinabè. Des documents en arabe et des armes lourdes ont également été récupérées.
Plus surprenant : une pelleteuse fait partie des prises de guerre. Celle-ci permettait aux jihadistes de creuser des tranchées pour se dissimuler.
Madjiasra Nako a pu voir une photo du passeport de Michel Germaneau, l'otage français mort en 2010 après l'échec de sa tentative de libération dans le nord du Mali. Sur place, l'envoyé spécial de RFI a pu constater que les armées tchadienne et française travaillent ensemble avec quelques éléments fidèles au colonel malien El Hadj Ag Gamou. Enfin, les militaires affirment que les katibas jihadistes ont été décapitées, mais admettent que la guerre n'est pas finie, car des combattants se sont éparpillés en petits groupes.

Par RFI
SourceRFI

Mali : Gamou, la revanche dans la peau


Mali : Gamou, la revanche dans la peau

MNLA(303) - armée malienne(210) - Iyad Ag Ghali(59) - El Hadj Ag Gamou(5)

Jeune Afrique
04/03/2013 à 15h:29 Par Rémi Carayol, envoyé spécial


Certains hommes de Gamou (au centre) le suivent depuis 20 ans. © Emilie Renier/JA

S'il fallait un visage à cette guerre, ce pourrait être le sien. Adversaire farouche des insurgés touaregs et des islamistes armés, El Hadj Ag Gamou est le nouveau maître de la ville de Gao, dans la partie nord du Mali. Bien décidé à se venger de ceux qui l'ont humilié.

Les voilà qui arrivent, les hommes de Gamou. Le pick-up n'a pas totalement fini sa course qu'ils pointent déjà leur arme sur deux suspects, des Arabes soupçonnés d'appartenir au Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), le groupe islamiste armé qui a régné sur la ville durant neuf mois. Le colonel-major El Hadj Ag Gamou les rejoint. La kalach à la main, il se dirige vers l'un des deux hommes à terre, maintient sa tête avec son pied tout en toisant les alentours, puis, après avoir ordonné leur évacuation, marche derrière eux d'un pas sûr, presque tranquille. Un vrai seigneur de guerre...


Bio express

1964 Naissance à Tidermène (cercle de Ménaka)
1980 Rejoint la Légion verte de Kaddafi
1990 Participe à la rébellion touarègue
1996 Intégré à l'armée régulière malienne
2010 Nommé chef d'état-major particulier adjoint d'ATT
Mars 2012 Feint de rallier les rebelles avant de fuir avec ses hommes au NigerDans la foule, il y a ceux qui se réjouissent. « Les hommes de Gamou savent qui est qui », glisse Mohamed, un enseignant. Sidy, un jeune chômeur, est plus réservé. « On se méfie de Gamou et de ses hommes, dit-il. Ce sont des "peaux rouges" quand même... »

À Gao, tout ou presque les distingue du reste de l'armée malienne. Leur tenue couleur sable, plus adaptée au désert que le vert de leurs frères d'armes. Leurs méthodes, plus efficaces, peut-être plus dures aussi. Leur visage enfin, plus clair. Chez eux, pas de casque sur la tête, mais un chèche. Il y a bien quelques Songhaïs, des Peuls, ou encore des Bellas, mais ils sont rares. La plupart (plus de 500 sur 700) sont des Touaregs issus du clan de Gamou, les Imghad. Et c'est bien ce qui inquiète : « Les hommes de Gamou sont une armée dans l'armée, indique un responsable des renseignements à Bamako. Ils s'apparentent plus à une milice. Tous ne sont d'ailleurs pas intégrés à l'armée régulière. »


Gamou, il mange avec nous, il se bat avec nous

Ces soldats obéissent à leur chef et à personne d'autre. Certains le suivent depuis plus de vingt ans. Ceux-là ont le visage buriné de ceux qui en ont trop vu. Inutile de tenter de les faire parler : « C'est le chef qui cause. » D'autres l'ont rejoint il y a moins de trois ans, quand il dirigeait la milice Delta, mise sur pied avec l'approbation du président Amadou Toumani Touré (ATT) pour contrer les rébellions. Plus jeunes, mais à peine plus bavards. Un caporal, la trentaine : « Gamou, il mange avec nous, il se bat avec nous. Malgré son grade, il est resté simple. C'est un bon guerrier. On veut être comme lui. »

S'il fallait un visage à cette guerre, ou tout du moins un personnage pour en faire un film hollywoodien, ce serait lui. Regard noir, visage à la fois dur et avenant, et cette barbe de deux jours qui mange jusqu'à ses pommettes. Gamou, 49 ans, n'aime pas la lumière, mais ne refuse pas un entretien avec Jeune Afrique. Le rendez-vous est fixé au dernier moment, un samedi de février, dans l'un des principaux check-points de la ville - une ancienne station d'essence dont les bâtiments ne sont plus que ruines depuis les bombardements de l'aviation française.

Le colonel-major est pressé. Le jour même, ses hommes ont arrêté un responsable du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) à Ménaka. Il nous guide vers une tente touarègue, où il s'installe à même le sable. Il dit ne pas vouloir parler du passé, mais finit par se laisser aller. Ses galons de « héros », il les a gagnés il y a près de un an par une ruse dont seuls les déserts semblent pouvoir accoucher.

C'était en mars 2012. À l'époque, Gamou était le seul officier touareg de l'armée malienne à résister ; tous les autres avaient fait défection. Le MNLA, qui l'acculait dans l'extrême nord-est du pays, le pressait de gagner ses rangs. Ansar Eddine, le groupe d'Iyad Ag Ghali, rêvait de se payer sa tête. « Les pressions étaient très fortes », raconte-t-il. Pressions militaires. Pressions familiales. « Des parents me disaient que l'État malien n'existait plus. Mais pour moi ce n'était pas envisageable. Je suis très fier d'être malien. Je ne cherche pas un autre pays. » Parmi ses hommes, près de 200 sont originaires du Sud. Ils risquaient d'être faits prisonniers dans un désert qu'ils redoutent. « Mon premier souci était de les sauver. »

La suite est connue. Le colonel-major fait croire au MNLA qu'il accepte son offre en échange d'une protection contre Ansar Eddine. Il s'y engage même sur Radio France Internationale (RFI). Émoi à Bamako ! Mais quand la rébellion lui demande de livrer ses soldats du Sud, il refuse. « Ce sont mes otages », dit-il. Le lendemain, ils font route vers le Niger. La ruse a fonctionné. Une fois la frontière franchie, Gamou fait de nouveau allégeance à Bamako. Les « sudistes » y sont renvoyés. Les Touaregs restent à ses côtés. Débute alors un exil de dix mois en terre nigérienne, où les hommes s'entraînent tous les jours avec l'espoir de prendre leur revanche.



Près de 700 éléments sont placés sous le commandement de Gamou

© Emilie Renier pour JA

Possesseur de chèvres

Quand, le 26 janvier, les troupes françaises prennent l'aéroport de Gao, Gamou et ses hommes se mettent immédiatement en branle. Quelques jours plus tard, les voici dans la cité des Askia en compagnie des soldats nigériens et tchadiens. Selon un officier malien, « ils y jouent un rôle majeur ». « C'est une plus-value, confirme un gradé nigérien. En termes de renseignements, de connaissance du terrain et de rudesse. » Leur mission : sécuriser Gao, reconquérir la région de Ménaka, où subsistent des poches jihadistes, et jouer les éclaireurs pour l'armée française.

Mais, pour Gamou, le travail ne sera vraiment fini que lorsqu'il pénétrera dans Kidal, anéantira le MNLA (« Le MNLA, c'est quoi ? Ils ont détruit l'hôpital. Ils ont détruit des écoles ! ») et arrêtera Iyad Ag Ghali. Et pour cause : c'est à Kidal que le MNLA a lancé son offensive en janvier 2012. C'est là qu'on le qualifie de « traître à la cause touarègue » et qu'on lui rappelle sans cesse ses origines : il n'est qu'un Imghad, un vassal dans la hiérarchie touarègue, un « possesseur de chèvres », il n'a rien à faire à Kidal, la ville des Ifoghas, les nobles. C'est là enfin que son ennemi juré, Iyad Ag Ghali, avait installé son quartier général.

Gamou et Iyad, c'est une vieille histoire. À Bamako, on se plaît à croire qu'une femme est à l'origine de leur différend. C'est un fait : Iyad a ravi l'épouse de Gamou (la mère de l'un de ses sept enfants). Mais ce serait trop simple. « Ce n'est pas le fond du problème », assure un « étranger » bien introduit chez les Touaregs. Pour lui, il faut plutôt chercher du côté des rivalités tribales et des ambitions personnelles.

Leur première rencontre date de 1980 et a pour théâtre le désert libyen. Comme pour beaucoup de jeunes Touaregs, la voie des armes semble être la seule qui se présente à Gamou. Il a 16 ans, son père est un berger de la région de Ménaka, il n'a jamais été à l'école. Il s'engage donc dans la Légion verte. « Excellente formation aux armes durant une année », résume-t-il. Suivent une nouvelle formation de six mois en Syrie auprès des forces spéciales, puis la guerre au Liban aux côtés des Palestiniens. Ensuite ? Les amis qui tombent sur le champ de bataille, la défaite, le retour en Libye, le Tchad et, vers 1988, le retour au pays. « Pour défendre notre cause et chercher nos droits », explique-t-il.

Impardonnable

Gamou est de la rébellion de 1990. Il n'en est pas le leader (c'est Iyad le patron), mais il joue un rôle majeur. L'historien français Pierre Boilley, spécialiste des peuples nomades, l'a rencontré au Mali en 1994. Gamou était « un personnage important » au sein de l'Armée révolutionnaire de libération de l'Azawad (Arla), où se concentraient les couches les plus basses de la société touarègue. « C'était un homme taiseux et secret. Il ne faisait pas de grands discours. Il pouvait s'énerver brutalement, mais il était agréable. »

La rivalité avec Iyad et son Mouvement populaire de l'Azawad (MPA), plus fort et plus riche, est déjà perceptible. Conséquence de cet antagonisme : en février 1994, Gamou kidnappe le chef spirituel des Ifoghas, Intallah Ag Attaher, puis le relâche. Une folie que Kidal, fief des Intallah, ne lui a jamais pardonnée.


Avec la rébellion, nous avons obtenu ce que nous cherchions. Moi, je n'ai pas été à l'école et je suis colonel-major. Pourquoi prendre les armes ?

El Hadj Ag Gamou, membre de Mujao

Le fils d'Intallah Ag Attaher, Alghabass Ag Intallah, est l'ancien bras droit d'Iyad au sein d'Ansar Eddine. Depuis Kidal, il dit « craindre le pire » si jamais Gamou et ses hommes pénètrent dans la ville. « Il voudra se venger », dit-il. En 2006, c'est Gamou qui a maté une nouvelle rébellion à laquelle les Imghad n'ont pas participé. En 2009, il a, avec sa milice Delta, détruit les bases du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga (mort en 2011).

Car l'ancien rebelle est devenu un loyaliste fidèle. « Avec la rébellion, nous avons obtenu ce que nous cherchions. Moi, je n'ai pas été à l'école et je suis colonel-major. Pourquoi prendre les armes ? » s'indigne Gamou. En 1996, il est incorporé dans les rangs de l'armée malienne. Formé à l'école militaire de Koulikoro, il gravira les échelons à toute vitesse. Il le reconnaît lui-même : depuis des années, les Arabes et les Touaregs bénéficient d'un ascenseur plus rapide que les autres au sein de l'armée. D'où son incompréhension face aux revendications des indépendantistes. « Dans le Nord, nous avions tous les postes de commandement avant la guerre. Que demander de plus ? » En 2001, il est affecté à Gao. En 2005, il dirige les opérations militaires à Kidal.

Convois illicites

Bientôt, Gamou devient l'homme d'ATT dans le Nord. En 2010, il est nommé chef d'état-major particulier adjoint. « Il faisait partie des rares personnes en qui ATT avait une confiance totale », indique un diplomate ouest-africain. « Il y avait deux chaînes de commandement, confirme un ancien ministre d'ATT. Une au ministère de la Défense, l'autre à la présidence. C'est notamment Gamou qui a poussé le président à nommer en masse des Arabes et des Touaregs aux postes clés dans le Nord. L'État n'avait plus aucune vision de ce qui se passait dans la zone. Et tous ont un jour ou l'autre été associés aux trafics. »

Gamou aussi, affirment plusieurs sources militaires et diplomatiques. Selon un ancien responsable des renseignements, il aurait couvert des barons de la drogue. Ses hommes auraient assuré la sécurité des convois illicites. Plus récemment, début février, ils ont été accusés par des habitants de Gao d'avoir permis à Baba Ould Cheikh, le maire de Tarkint dont le nom a été cité dans la fameuse affaire d'« Air Cocaïne », de s'échapper alors qu'il venait d'être arrêté et devait être transféré à Bamako.

Difficile de vérifier ces allégations. « Gamou a beaucoup d'ennemis qui veulent salir sa réputation », explique un de ses proches. Dans ce Nord vérolé par les trafics et verrouillé par les allégeances familiales, démêler le vrai du faux est bien souvent mission impossible.


Gamou a-t-il pris les Français de vitesse ?

Que s'est-il passé le 9 février au sud-ouest de la ville de Ménaka ? Ce jour-là, les hommes de Gamou ont arrêté un haut responsable du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), le ministre de la Santé du Conseil transitoire de l'État de l'Azawad (le gouvernement provisoire du MNLA), Abdoul Karim Ag Matafa, ainsi que trois de ses proches. Selon le mouvement rebelle, les quatre hommes avaient rendez-vous avec un officier français qui les avait contactés afin d'évoquer le sort de Ménaka, ville passée sous le contrôle du MNLA le 5 février et qui est, depuis le 12 février, contrôlée par les troupes maliennes et françaises. C'est sur le chemin de ce rendez-vous qu'ils ont été capturés par les hommes de Gamou. Le MNLA a d'abord accusé Paris de les avoir doublés avant de baisser d'un ton. Il semble en fait que la France a été elle-même prise de vitesse par le colonel-major Gamou. R.C.

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Par Rémi Carayol, envoyé spécial

Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Mali : Gamou, la revanche dans la peau | Jeuneafrique.com - le premier site d'information et d'actualité sur l'Afrique

Morts annoncées de Zeid et Belmokhtar : AQMI est-elle pour autant affaiblie ? (partie 1)


DERNIÈRE MODIFICATION : 04/03/2013 

AL-QAÏDA AU MAGHREB ISLAMIQUE - MALI - SAHEL


Debat/FR 24

Morts annoncées de Zeid et Belmokhtar : AQMI est-elle pour autant affaiblie ? (partie 1)

L'armée tchadienne a annoncé coup sur coup la mort de deux des principaux djihadistes opérant dans le Sahel : Mokhtar Belmokhtar, l'auteur de la prise d'otage d'In Amenas en janvier dernier et Abou Zeid, l'un des idéologues d'AQMI dans le Sahel, responsable de plusieurs enlèvements. Quel impact pourrait avoir leur disparition ? Quelle est la capacité de résistance d'AQMI ?

Nos invités :
  • Moussa AG ASSARID, représentant en Europe du MNLA (Mouvement de Libération de l'Azawad)
  • Pierre BOILLEY, directeur du Centre d'Études des Mondes Africains (CEMAf)
  • Pierre CONESA, maître de conférence à Science Po, ancien Haut Fonctionnaire du ministère de la Défense
  • Alain RODIER, directeur de recherche, Centre français de recherche sur le renseignement
Regardez la deuxième partie.
Émission préparée par Diaraye Bah, Anthony Saint-Léger et Maud Roubeaud


DERNIÈRE MODIFICATION : 04/03/2013 

AL-QAÏDA AU MAGHREB ISLAMIQUE - MALI - SAHEL


Morts annoncées de Zeid et Belmokhtar : AQMI est-elle pour autant affaiblie ? (partie 2)

L'armée tchadienne a annoncé coup sur coup la mort de deux des principaux djihadistes opérant dans le Sahel : Mokhtar Belmokhtar, l'auteur de la prise d'otage d'In Amenas en janvier dernier et Abou Zeid, l'un des idéologues d'AQMI dans le Sahel, responsable de plusieurs enlèvements. Quel impact pourrait avoir leur disparition ? Quelle est la capacité de résistance d'AQMI ?

Nos invités :
  • Moussa AG ASSARID, représentant en Europe du MNLA (Mouvement de Libération de l'Azawad)
  • Pierre BOILLEY, directeur du Centre d'Études des Mondes Africains (CEMAf)
  • Pierre CONESA, maître de conférence à Science Po, ancien Haut Fonctionnaire du ministère de la Défense
  • Alain RODIER, directeur de recherche, Centre français de recherche sur le renseignement
Regardez la première partie.
Émission préparée par Diaraye Bah, Anthony Saint-Léger et Maud Roubeaud.