Le président nigérien non seulement il se mêle de ce qui ne le regarde pas en déclarant que le MNLA , mais son racisme anti-touareg l’a trahi. Il pense peut-être que "ses" Touaregs sont définitivement domestiqués et qu’ils seraient indifférents à e que leurs frères de l’Azawad subissent. Monsieur Issoufou se trompe.
Est-il imaginable que les Touaregs, là où ils sont, assisteront passifs à ces exactions commises par l’armée malienne sur leurs frères de l’Azwad ? Difficile à l’imaginer. Et aujourd’hui, nous ne sommes pas à l’abri dans un embrasement général dans la région.. et c’est peut-être d’ailleurs le début de la véritable solution au problème touareg !!! On veut pour preuve cette lettre adressée au président du Niger par un cadre qui a fait partie du soulèvement de 2007 dans l’Aïr, un soulèvement armé contre l’État du Niger mené par le Mouvement national pour la justice (MNJ).
Nous publions ci-après l’intégralité de cette lettre, par ailleurs très instructive.
La Rédaction.
Est-il imaginable que les Touaregs, là où ils sont, assisteront passifs à ces exactions commises par l’armée malienne sur leurs frères de l’Azwad ? Difficile à l’imaginer. Et aujourd’hui, nous ne sommes pas à l’abri dans un embrasement général dans la région.. et c’est peut-être d’ailleurs le début de la véritable solution au problème touareg !!! On veut pour preuve cette lettre adressée au président du Niger par un cadre qui a fait partie du soulèvement de 2007 dans l’Aïr, un soulèvement armé contre l’État du Niger mené par le Mouvement national pour la justice (MNJ).
Nous publions ci-après l’intégralité de cette lettre, par ailleurs très instructive.
La Rédaction.
Lettre d’un Touareg au Président ISSOUFOU du NIGER
“Ebouss amaglinet azamay. Asis ur tizmaya ma tu tizizired. Fellas as tizazared a ki yiwar ezinin net yijijargan kay.”Un proverbe Touareg dit : « Pour soigner une plaie ouverte, il faut la refermer (la coudre). Si tu ne la couds pas, ne l’ouvre pas davantage, car si c’est le cas, tes mains seront tachées de sang. »
Monsieur le Président,
Ce matin dans un taxi, un Gondouanais ayant écouté vos propos sur Rfi, a rapporté ces derniers, en ajoutant : « Le Président Issoufou a raison, les Touaregs là il faut leur faire Tarraya [1] et tous les tuer ! ».Voilà la première réaction due à votre intervention sur RfI ce matin. On se rend alors compte de la responsabilité qui est la votre, et du danger que cela constitue car un seul mot peut provoquer des bouleversements sociaux.
Voilà pourquoi cette fois-ci le silence des éperviers sera rompu.
Excellence, depuis le début du conflit dans le nord Mali, les cadres Touaregs du Niger ont brillé par leur silence, cela, afin de donner la chance à la Paix, et d’éviter à notre pays le Niger, que plane sur lui le spectre d’un soulèvement armé qui viendra alimenter celui du Mali en compromettant tous les efforts déjà consentis par votre gouvernement et les ex-fronts.
Et cela malgré l’inertie des autorités des 5ème, 6ème et 7ème Républiques qui n’ont trouvé AUCUNE SOLUTION à la rébellion armée qui a pris fin en 2009, et donc aux 4.000 ex-combattants toujours en attente d’une réintégration !
Des promesses ont été faites, des engagements ont été pris, pour le dépôt des armes, et le retour des ex-combattants, mais une fois les armes déposées, les combattants rentrés sur le sol nigérien, les autorités les ont ignorés, sans même les associer au processus démocratique qui était en cours. A titre d’exemple, les ex-fronts n’ont pas siégé au CCN (Conseil Consultatif National) pendant la transition.
Les cadres de l’ex-résistance ont pour la plupart, rejoint des partis politiques pour y faire entendre leur voix. Et c’est ainsi qu’ils ont pu se faire élire chez eux qui comme Conseillers communal, qui comme Maire ou Président de Conseil Régional, parce que justement même en tant que rebelles ils avaient la légitimité de parler au nom des Touaregs. Cependant, Aucun d’entre eux n’a été nommé à un quelconque poste de responsabilité, du fait qu’il ait appartenu à la rébellion, ou sur un accord préalable.
Aujourd’hui, Monsieur le Président, vos propos sur le problème du nord Mali, en plus d’être une ingérence dans les affaires intérieures du Mali, n’apaise pas nos cœurs de Touaregs du Niger, suivant attentivement l’évolution de cette question.
On a l’impression, Monsieur le Président, que vous appelez indirectement les armées de la Cedeao à faire un front commun (Tarrayya en langue haoussa) pour combattre les Touaregs, notamment ceux du MNLA, qui, il faut le préciser, ont toute la confiance des Touaregs du Mali, comme ceux du Niger d’ailleurs !
Faut-il informer ceux qui l’ignorent que pas un seul des Chefs de Tribus Touaregs, Songhaïs, Arabes, et Peuhls du nord Mali n’ont renié au MNLA sa légitimité et sa représentativité. Pourquoi ?
Parce que le MNLA a le soutien de tous les Chefs traditionnels et historiques Touaregs et Songhais. Ce travail, le MNLA l’a accompli à la base, et ils ont réussi à fédérer toutes les forces du nord Mali.
Le Président Dionconda traoré du mali, a lui-même réaffirmé son intention de dialoguer avec les Touaregs du MNLA, pourquoi au Niger doit-on remettre cela en cause ? Monsieur le Président, aussi bien au Mali qu’au Niger, il n’y a pas de Touaregs « ifogasse » mais plutôt "Iforhas » (lire « Iforasse ») ?
En essayant de comprendre votre stratégie de mettre à l’écart le MNLA, il semble que c’est la crainte de voir les Touaregs du Niger revendiquer le statut qui serait celui des Touaregs de l’Azawad si une forme d’autonomie leur est accordée. Cette crainte est légitime, mais pas suffisante, car de tous les soulèvements armés au Niger, aucun n’a revendiqué une partition du Pays, car contrairement au Mali, les Touaregs sont répartis dans toutes les régions du Niger. Et ce sera plutôt le refus d’un statut viable à ceux de l’Azawad qui pourrait être un prétexte de soulèvements s’il faut en trouver. L’Histoire récente des Touaregs au Mali est jalonnée d’épisodes sanglants les uns plus que les autres.
Dès la veille des indépendances les chefs de tribus de l’Azawad ont réclamé leur Etat à la France, et cela n’a pas vu le jour. Il s’en est suivi des massacres mémorables, voir un ethnocide.
Ainsi :
• De 1963 à 1967 : exécution de centaines de Touaregs, dont Hamzata ag Alkassoum Chef des Idnan, Ebag ag Sidi Mouhamad Chef de tribu Taghat mallat, Bissada ag Rhissa chef Kel Taghlit, Mouhamad Belkassoum Chef des Arabes à Kidal, Youba ag Adargajoj Chef de tribu Daw Sahak. Ils ont été pour la plupart d’entre eux exécutés sous les ordres du capitaine Debi envoyé par Modibo Keita.
• 1997 à Wadoucharaf, tout un village et sa mosquée ont été décimés, avec femmes, et enfants dont le Chef Anara ag Icheh Hamadou. Les survivants ont été sauvés par des témoins songhaïs dont un Nigérien du nom de Tahirou Albarka et le Chef Doumma, qui ont enseveli les morts et ramené les survivants à Ayerou.
•
Je ne citerai pas les crimes de Tchintabaraden, dans l’Azawad nigérien, ou dans l’Aïr lors du soulèvement du MNJ, car ce n’est pas le sujet.
Suite à ces massacres beaucoup d’entre les survivants se sont refugiés en Libye ou en Algérie, en restant toujours Maliens.
L’Algérie a remis des dizaines d’entre ces refugiés Touaregs, aux autorités maliennes qui les ont exécutés !
La Libye quant à elle, a protégé et enrôlé dans son armée les plus jeunes d’entre ces exilés.
Aujourd’hui ce sont eux ou leurs fils qui ont constitué une partie de l’armée du MNLA, et non des êtres sans origines ou sans patrie.
Monsieur le Président, aujourd’hui à Gao, Tombouctou, Mopti, Diabali…, aucun Malien à peau claire qu’il soit Touareg, Peuhl ou autre ne peut circuler. Qui peut souhaiter cela ?
Monsieur le Président, c’est en tant que Touareg, Songhaï et Peuhl que je vous appelle à plus de réserve sur cette question très sensible dont toute mauvaise analyse peut avoir des répercussions fâcheuses pour notre Paix si chèrement acquise.
Nous Touaregs du Niger, vivons cette situation dans notre chaire. L’Azawad (Mali-Niger), l’Aïr (Niger), le Hoggar (Algérie), les Ajjer (Libye) et les Oudalen (Burkina Faso) sont des enfants d’une même mère (la Communauté Touarègue), mais de pères différents qui sont le Niger, le Mali, l’Algérie, la Libye et le Burkina-Faso. De la même façon que nul ne peut séparer (en tout cas pas les frontières) les Haoussa de l’Ader, du Damagaran, du Gobir, à ceux de Kano, Katsina….
C’est pour cette même raison que votre actuel Ministre des Affaires Etrangères Monsieur Mohamed Bazoum, alors Député de la 5ème République a créé un lobby constitué d’élus de la Communauté Arabe Nigérienne pour combattre le processus d’expulsion des Arabes Mohamids, que voulait organiser Tanja Mamadou en son temps. Il a, à cet effet rencontré le Haut Commissaire à la Restauration de la Paix de l’époque Monsieur Anacko Mohamed qui a plaidé sa cause auprès de Albadé Abouba, Ministre de l’Intérieur et auprès de Tanja. Cette expulsion, grâce aux efforts de Bazoum et le soutien qu’il eut, fut annulée. Et c’est Mr Bazoum des années après qui reprocha à Anacko de soutenir moralement les Touaregs du Mali suite à une intervention sur une radio internationale, ironie de l’Histoire.
Monsieur le Président, si les Nigériens vous ont élu, c’est qu’ils croient en vous ! Alors croyez en nous aussi, et aidez les Maliens non pas à écraser leur population Touarègue, mais à l’épargner et à lui laisser cette occasion ultime de choisir son système de Gouvernance comme le lui confère le Droit International (Article 3 de la Déclaration des nations Unies sur le Droit des Peuples Autochtones du 13 Septembre 2007, ratifiée par le Niger).
Ce n’est pas seulement à nous cadres de l’ex-résistance d’avoir une réserve sur ce sujet, mais vous aussi en tant que Chef suprême des armées, et Premier Magistrat, d’avoir un discours qui puisse apaiser les cœurs dans cette quête permanente de Paix, de stabilité et de Cohésion sociale.
Au Niger, un seul Homme politique a su faire preuve de hauteur et de discernement à propos de cette question de l’Azawad ou plus généralement, la Question Touarègue, le Président de l’Assemblée Nationale, son Excellence Hamma Amadou. Il n’a jamais tenu des propos belliqueux, ni incendiaires. Il a toujours eu de la sagesse et même de l’avance sur le temps. On se rappellera le 2 Juin 2012, lors du téléthon organisé par Alpha Di au profit des populations Maliennes déplacées, Hama Amadou disait en substance « qu’il faut promouvoir la Paix des cœurs, la Paix à travers le dialogue, car toute Paix conquise par la force ou les armes, est éphémère ».
Aujourd’hui, nous sommes à un tournant de l’Histoire. Si le problème malien est mal résolu, tous les démons qu’on pense avoir chassé définitivement, reviendront plus forts que jamais, et emporteront avec eux, l’Intangibilité des frontières. Nous sommes en train de vivre un moment singulier !
La France a créé les Etats tels que nous les connaissons en y mettant plusieurs ethnies pour qu’ils essaient de vivre ensemble, et de construire des nations. Cinquante ans après, elle revient pour aider le Mali à retrouver son intégrité territoriale. Mais n’est-ce pas l’occasion pour elle de corriger ses erreurs ? Et obliger cette fois-ci les régimes des Etats à redonner à chaque composante son « Intégrité Politique », si le vivre ensemble et la fusion ont atteint leurs limites, notamment au Mali ?
Aujourd’hui, le MNLA a abandonné ses velléités indépendantistes et s’est démarqué comme toujours du terrorisme. Pourquoi faut-il refuser le dialogue avec lui ?
Parce que vous craignez que cela ne donne l’envie aux Touaregs du Niger de reprendre les armes pour demander la même chose ?
Monsieur le Président, au Niger les Touaregs sont dans une autre dynamique, à travers laquelle ils essaient par leurs propres moyens de s’en sortir, sans que l’Etat ait entrepris quoi que ce soit.
Vous êtes parmi les Chefs d’Etats de la Cedeao, celui qui dispose de la plus grande communauté touarègue. Vous auriez même dû être désigné comme médiateur.
Nous sommes Touaregs puis Nigériens, mais l’Azawad est notre famille, notre sang.
Désarmer le Mnla ?
A propos du désarmement du MNLA, nous ne pensons pas que cela soit possible ni souhaitable.
D’abord parce qu’il y a deux belligérants au moins, qui sont en pourparlers, et dont l’un est soutenu par les « armées alliées » et a fait preuve de cruauté en exécutant des présumés complices Touaregs, Arabes, Songhais et Peuhls. Si cette politique continue sans protection des civils, les conséquences seront dramatiques, et le conflit sera encore plus grand.
Ensuite, l’expérience nous a démontré que chaque fois qu’il y a un conflit, suivi d’un dépôt des armes, les termes des accords conclus ne sont Jamais tenus.
Pour toutes ces raisons, et pour l’Humanité, il est donc préférable que le MNLA protège ses populations, pour ne pas les pousser à épouser les idées des extrémistes qui puisent dans le désespoir des innocents pour se renforcer.
Laissons le MNLA faire ses preuves, et aidons le Mali à trouver la voie.
Du retour de la Démocratie comme solution au Mali ?
A ce propos, comment peut-on penser à organiser d’abord des élections dans un Pays en guerre, alors même que les plaies nées du conflit ne sont pas pansées ?
C’est une façon d’occulter le vrai problème qui mine la stabilité de nos Pays : la Question Touarègue, une esquive dont l’Etat nigérien a su jusque-là user. Les Touaregs appellent cela « alataf fel tchilken », c’est-à-dire, tresser des cheveux pouilleux.
La Démocratie n’est pas la seule solution, car si au Niger la situation s’est calmée, ce n’est pas à cause de celle-ci, mais grâce à des Hommes et des Femmes qui ont voulu encore une fois « essayer la Paix ». Les leaders d’opinion continuent à donner de faux espoirs aux ex-combattants tandis qu’ils sont eux-mêmes exclus du système politique car le fait d’être un ex-combattant est éliminatoire pour accéder à un poste de responsabilité. Où va-t-on ?
Quant à la Décentralisation, nous avions attendu vingt ans pour en voir la tête. Aujourd’hui encore les Conseils Régionaux manquent de tout au Niger !
Si le Mali s’y met, dans vingt ans ce ne sera pas l’Aqmistan, mais l’Enfer. C’est aujourd’hui qu’il faut trouver une solution à ce problème malien et non demain, Excellence.
Du Terrorisme islamique ?
Pour finir, je voudrais prendre à témoin le monde entier que le MNLA n’a pas amené les terroristes et les narcotrafiquants dans l’Azawad. Ils étaient là bien avant.
Qui a attaqué Tilia et tué des militaires Nigériens ?
Qui a attaqué Tiloa et tué des militaires Nigériens ?
Qui a attaqué Azelik et pris en otage puis exécuté le Français Michel Germaneau ?
Qui a attaqué Arlit et pris sept otages Français ?
Qui a attaqué en plein Niamey, le Toulousain et pris en otage Vincent Dolory et Antoine de Léocour le 8 Janvier 2011 ?
Réponse : Aqmi.
Et tout cela sans l’aide du MNLA.
Aucun Etat n’a jugé utile ou n’a été capable de combattre ce groupe jusqu’à ce jour et libérer les prisonniers Français.
Quand le MNA (ancêtre du MNLA) fut créé, l’Aqmi régnait dans le nord Mali depuis dix ans !
Nul n’a jugé bon de les combattre, tant que le trafic profitait à Bamako et même à Niamey par ricochet. On aura attendu le MNLA qui a trouvé les forces de l’Aqmi présentes et organisées dans l’Azawad depuis une décennie qu’ATT (Amadou Touamni Touré, ancien Président Malien) s’en accommodait, pour crier gare.
Le monde entier est témoin que le MNLA a conquis le nord Mali sans avoir tué, menacé, séquestré ou inquiété un seul civil. N’est-ce pas une prouesse que nulle conquête militaire n’a su faire durant ce siècle ?
Et d’ailleurs s’il y a quelque chose qu’il faut reprocher au MNLA, c’est d’avoir été très accessible après ses conquêtes, à tel point qu’il fut facilement infiltré, affaibli, puis trahi par les groupes terroristes. Malgré cela, ils n’ont jamais exposé les populations civiles du nord face aux agressions des islamistes, et ont préféré survivre dans le désert, loin des centres urbains, d’où ils ont mené plusieurs expéditions punitives contre leurs adversaires du Mujao, Ansar-Dine et Aqmi.
Excellence, aujourd’hui la Cedeao sous l’ombre de la France, avance. N’est-elle pas en train de voler au MNLA sa victoire ?
Et s’il a fallu toutes ces armées réunies pour chasser les islamistes du nord Mali, pourquoi reproche-t-on au MNLA de n’avoir pas résisté à ces groupes, même si par ailleurs il a su le faire ?
Je ne finirais pas Monsieur le Président, sans vous rappeler la disponibilité des cadres de l’ex-résistance à vous aider pour mieux appréhender cette Question Touarègue, à la fois sensible et complexe, comme vous nous l’avez demandé juste après votre accession à la magistrature suprême, sans que cela ait de suite.
Seydou-Kaocen MAÏGA,
Touareg, Peuhl, Songhaï
Kaocen Maïga au Trocadéro par Tamazgha_Paris
Notes
[1] Tarraya : cela signifie faire une coalition de plusieurs contre un seul en langue Haoussa
http://tamazgha.fr/Les-Touaregs-de-l-Air-menacent.html