Le soulèvement touareg au Mali menace le Niger voisin
Créé le 03-05-2012 à 13h45 - Mis à jour à 13h45 Réagir
Mots-clés : monde
par Nathalie Prevost
TCHINTABARADEN, Niger (Reuters) - Depuis le soulèvement des Touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad qui a coupé le Mali en deux, les autorités nigériennes tentent désespérément de contenir hors de leurs frontières la rébellion nomade.
Au regard de l'Histoire, le Niger a toutes les raisons d'être inquiet.
Depuis le premier soulèvement, il y a près d'un siècle, des "hommes bleus" reconnaissables à leur traditionnel turban indigo, toute tension touarègue au Mali ou au Niger a des répercussions dans le pays voisin.
La situation actuelle ne peut donc rassurer les autorités nigériennes, qui estiment que leur sort est intrinsèquement lié à la gestion de la crise dans le nord du Mali, dont la quasi-totalité est tombée entre les mains des touaregs fin mars, début avril à la faveur d'un coup d'Etat dans la capitale.
"Les populations du nord du Mali et du nord du Niger sont virtuellement les mêmes. Il y a donc bien évidemment des risques", souligne Mohammed Anacko, ancien chef rebelle touareg nigérien et président en exercice du conseil régional d'Agadez.
"Ce qui nous préoccupe c'est comment la situation au Mali va être gérée. Les retombées au Niger seront déterminées par la façon dont la situation (au Mali) sera gérée."
Les combattants touaregs, qui se sont soulevés à cinq reprises dans le Sahara depuis 1916, se plaignent d'être mis à l'écart par le gouvernement central situé à plusieurs centaines de kilomètres.
S'il n'est donc pas historique, le récent soulèvement a toutefois marqué un tournant dans la guérilla menée par les nomades. Après des années de combats avec des moyens dérisoires, les unités touaregs ont profité de la guerre en Libye de l'année dernière pour moderniser leurs équipements.
TOURISTES EUROPÉENS
Contrairement au nord du Mali, dont les richesses pétrolières et minières restent encore sous-exploitées, le nord du Niger accueille des mines d'uranium et des projets du géant nucléaire français Areva et de la Corporation nucléaire nationale chinoise (CNNC).
Prisée des entreprises internationales, la région d'Agadez attire également des touristes européens séduits par les étendues désertiques. Mais les récents enlèvements de ressortissants occidentaux ont d'ores et déjà eu un impact sur le tourisme dans la région.
Désoeuvrés et sans emploi, les jeunes Nigériens constituent en outre des proies faciles pour les recruteurs de combattants touaregs et de trafiquants, notent les autorités nigériennes.
"Ce qui inquiète les jeunes c'est d'être sous-exploités" dit Saadick Idrissa, un travailleur humanitaire, à Tchintabaraden, où le gouvernement tenait une conférence sur la situation dans le nord du Niger. "Pour nous, il est essentiel de régler la question du développement économique".
Karim Alkassoum, un jeune chômeur de 22 ans, n'écarte pas l'idée de franchir la frontière pour rejoindre les rangs des rebelles touaregs. "Je prendrais n'importe quel travail. Mais si j'en avais l'occasion, j'irais au Mali", confie-t-il, sans expliquer toutefois ce qu'il ferait une fois sur place.
INTÉGRATION
Jusqu'à présent, le Niger a mieux réussi que le Mali à gérer le flot des combattants et des armes qui a suivi la chute du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi l'année dernière.
Les autorités nigériennes se targuent en outre d'avoir mieux intégré les groupes ethniques au long de l'histoire du pays que le Mali voisin où les touaregs ont été confinés dans le Nord.
"On voit que les problèmes ne sont pas les mêmes", souligne Alkache Akhada, un touareg et vice-président du gouvernement nigérien. "Il y a des touaregs dans chaque région du Niger et ce n'est pas le cas au Mali. Il y a une mixité ethnique au Niger."
Si Bamako, la capitale malienne se trouve éloignée des zones touaregs, Niamey n'est qu'à 450 km de Gao, une ville malienne tombée sous le contrôle des rebelles touaregs.
Les combats entre les rebelles touaregs et une force internationale au Mali pourraient fournir l'excuse idéale à la rébellion pour franchir la frontière du Niger ou celle d'autres pays voisins, estime Mohammed Anacko.
"Si les pouvoirs internationaux ou régionaux optent pour une solution militaire, il y aura inévitablement des répercussions au Niger et dans le Sahel", dit-il.
C'est aussi l'avis du Premier ministre, Brigi Rafini.
"Nous avons une culture de la protection. Nous avons une unité nationale à protéger. Dans ce sens, nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui est en train de se passer à nos portes", a-t-il déclaré.
Marine Pennetier pour le service français, édité par Gilles Trequesser