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Etats-Unis d’Afrique de l’Ouest et Grand Maghreb
« The Independence now. Tomorrow the United States of Africa ». C’est ainsi que le ghanéen Kwame Nkrumah (1909-1972) résumait l’idéal panafricain. Il préconisait l’indépendance pays par pays avant de passer à l’étape de création d’un seul Etat fédéral selon le modèle américain. Cette vision continentaliste de NKrumah s’est avérée utopique et irréaliste. (1)
Elle n’a pas convaincu les partisans du fédéralisme régional, comme le sénégalais Léopold Sédar Senghor qui imaginait déjà en 1963 l’Afrique découpée en 4 Unions Régionales (Nord, Occidentale, Orientale, Sud).
Il faut noter les confusions idéologiques et incompréhensions conceptuelles entre le pragmatisme volontariste des hommes d’action anglophones (Nkrumah, Julius Nyerere,…), et la cogitation philosophique des intellectuels francophones (Senghor, Aimé Césaire) sur la « négritude » et les valeurs civilisationnelles propres à l’homme noir.
Il est impossible d’unifier la gestion d’un continent de plus de 30 millions de km² et plus d’un milliard d’habitants autochtones aux traditions millénaires. Soit trois fois plus grand et plus nombreux que les USA, pays de migrants créé depuis deux siècles.
Paradoxes et syndromes d’un continent convulsif
Le bâclage européen de la colonisation-décolonisation-néocolonisation, a fait de l’Afrique « une zone d’instabilité majeure ». Depuis le premier coup d’Etat d’Égypte en 1952, le continent en a connu près de 80. Le chiffre réel dépasse la centaine si on inclut les tentatives avortées. On compte aussi environ 80 conflits armés depuis 1945, dont une quarantaine de guerres civiles qui ont duré des décennies (Tchad, Soudan, Erythrée, Angola…). Tandis que d’autres n’ont pas encore cessé (Sahara Occidental, Touaregs du Mali et Niger, Somalie, Cabinda, Casamance,…).
Les causes de ces coups d’Etat et conflits sont parfois endogènes à l’Afrique, en raison des dysfonctionnements d’États artificiels, militarisés, violents, corrompus et pauvres. Les causes sont aussi exogènes comme ces sempiternels tracés frontaliers « charcutés » par des colons, allant jusqu’à inventer et changer les noms de pays, bouleverser des équilibres ethno-géographiques.
Mais l’Afrique a surtout été victime d’une contagion de coups d’Etat et conflits émanant de commanditaires exogènes manipulant des putschistes et des mercenaires pour contrôler les marchés des matières premières, et perpétuer les conflits ethniques et de voisinage.
Une Afrique Noire balkanisée et sans espoir
Dans un remarquable article daté de 1960, un journaliste a fait une analyse prophétique, tant l’Afrique Noire qu’il décrit n’a pas changé en 2012 :
« Cinquante années avant les indépendances, au début du siècle, l’Afrique n’avait pas de frontières : quelques grands empires, puissants et organisés, des multitudes de tribus, le Sahara, des immensités abandonnées… C’est en 1885, autour d’un tapis vert, à Berlin, que les grandes puissances européennes se sont partagé le continent, découpant la carte comme une tarte, s’octroyant sur le papier des zones immenses qui n’avaient même pas encore été explorées. Il en résulte aujourd’hui une cinquantaine d’Etats arbitrairement dessinés, délimités pour la plupart en dépit des réalités géographiques, ethniques ou économiques : nul n’ignore qu’un bon tiers de ces Etats ne sont pas viables, qu’ils doivent leur seule existence aux commodités du partage, de l’administration ou de l’exploitation…
Dans les faubourgs des grandes agglomérations s’entasse un néo-prolétariat détribalisé, déraciné… Des centaines d’hommes à peu près nus arrivent de la brousse où ils meurent de faim. Ici on n’a jamais vu d’homme blanc. Là une tribu s’est désintégrée sans que rien remplace ses structures. 90 % des Africains sont illettrés… Bref, au moment même où les modes traditionnels de pensée, d’équilibre social disparaissaient, l’empreinte européenne s’est marquée jusqu’à la caricature dans chaque groupe de territoires — mais superficiellement. A l’assimilation de quelques élites a correspondu la « dénaturalisation » de la grande masse… Partout jouent des forces centrifuges… partout des minorités riches, ou simplement différentes en fonction des données ethniques, religieuses ou tribales, sont tentées de s’isoler. » (L’Express du 25/08/1960)
50 ans après les indépendances, l’Afrique du Nord blanche a beaucoup plus progressé que l’Afrique noire, bien que l’on remarque un net décalage entre les anglophones plus pragmatiques et efficaces que les francophones, comme l’Afrique du Sud. Mais les exemples du Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui ont donné l’illusion de se développer, avant de dégringoler brutalement, sont le signe du profond malaise isolationniste dont aucun pays africain n’est à l’abri. La terrible régression que vit l’Afrique noire doit servir de détonateur à l’urgence de la déconstruction des héritages coloniaux handicapants.
Le démantèlement des frontières coloniales contre-nature
Il avait fallu 70 ans aux Américains pour parvenir à réaliser l’unité de leur pays. Il sera impossible, pour les Africains, de le faire pour tout le continent. Mais les regroupements régionaux deviennent une urgence vitale pour l’Afrique de l’Ouest et de l’Est, et par ricochet pour la zone sahélienne, et plus globalement pour toute l’Afrique du Nord.
Ce qui implique la déconstruction de l’héritage colonial des carcans territoriaux obsolètes et inopérants, le démantèlement des frontières contre-nature. La géographie et l’ethnographie doivent primer sur la politique. La liberté, l’intégrité, le bien-être des individus, leur volonté de vivre ensemble, doivent primer sur les regroupements ou séparations imposées, la fausse souveraineté et les gouvernances impossibles.
Les cartes anciennes, précoloniales, tribales, sont confirmées par les photos satellites des cartes géologiques, bioclimatiques, végétales, animalières, des bassins fluviaux, des zones humides, etc… Elles indiquent d’elles-mêmes le tracé des frontières naturelles africaines.
Les profondes différences entre l’Afrique du Nord blanche berbéro arabo-islamique et le reste de l’Afrique Noire, séparées par la bande sahélo saharienne, ne militent pas pour une union continentale. De même que les différences géographiques, ethniques, bioclimatiques, agro-pastorales, religieuses, linguistiques, etc…
Selon ces différents critères, et d’après les cartes, le continent africain peut être découpé en quatre groupes régionaux :
- Afrique du Nord : (incluant la zone Sahélienne) : Mauritanie, Maroc (SO compris), Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Nord-Mali, Nord-Niger, Nord-Tchad, Nord Soudan.
- Afrique Occidentale : Sénégal, Gambie, Cap Vert, Sao Tomé et Principe, Guinée-Bissau, Guinée Conakry, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, Guinée Equatoriale, Gabon, Congo Brazzavile, République Centre Africaine, Sud Mali, Sud Niger, Sud Tchad.
- Afrique Orientale : Erythrée, Ethiopie, Djibouti, Somalie, Sud Soudan, Kenya, Ouganda, Tanzanie, Congo Kinshasa.
- Afrique du Sud : Afrique du Sud, Lesotho, Swaziland, Namibie, Botswana, Zimbabwe, Mozambique, Malawi, Zambie, Angola.
Nouveau découpage frontalier entre le Nord et l’Ouest de Afrique
La création des Etats-Unis d’Afrique Occidentale pose la question cruciale de la ligne de démarcation entre Afrique du Nord blanche et l’Afrique noire. Cette ligne a toujours existé et s’appelle la zone Sahélo Sahara, que seuls les nomades et caravaniers touaregs, berbères et arabes ont de tout temps sillonnés avec leurs troupeaux, opérant une jonction commerciale entre le nord méditerranéen et le sud tropical.
Avant la colonisation, il existait une frontière naturelle entre les populations blanches d’Afrique du Nord et les royaumes noirs sub-sahariens. Elle partait du fleuve Sénégal, longeait la frontière actuelle Sud de la Mauritanie, coupait la boucle du fleuve Niger en passant par le nord de Douentza, le nord du Burkina Faso, passant par Tahoua et Zinder au Niger, longeait la frontière du Nigeria, contournait le nord du Lac Tchad jusqu’à Abéché, et de là longeait la nouvelle frontière du Sud Soudan jusqu’au nord de l’Erythrée.
Toute la bande sahélienne a toujours fait partie du grand Sahara, où les tribus touaregs, berbères, arabes nomadisaient et se partageaient les pâturages, selon les endroits avec d’autres tribus métissées (Toubous, Peuhls, Songhaïs…). Le dogme intangible des frontières coloniales a déstructuré profondément, en moins d’un siècle, les équilibres géo-démographiques du Sahel, pourtant établis depuis plusieurs siècles.
Les tracés des frontières sahélo sahariens « géométriques » entre 10 Etats, en plein désert, n’ont aucun sens. Elles ne sont qu’un fait accompli colonial, une contrainte exogène absurde, artificielle, handicapante. Le droit occidental colonial a imposé une « notion de territorialité » en contradiction avec la nature, l’immensité de l’espace saharien et le mode de vie et économique nomade et pastoral.
L’idée même d’une frontière fixe est un concept inexistant chez les peuples sahariens. En définitive, personne au Sahara n’a jamais reconnu ni toléré ces frontières théoriques et fictives. Ni les puissances coloniales, ni les Etats indépendants, ni les populations, ni les rebelles, les contrebandiers, et les terroristes.
Le morcellement de l’espace Touareg voulu par le colonisateur et perpétué par les Etats africains doit être abandonné au profit d’une intégration civilisationnelle, géographique, linguistique de cet espace à l’Afrique du Nord, en particulier de l’Algérie, avec laquelle les populations touaregs entretiennent les relations les plus étroites. (3)
Selon cette nouvelle reconfiguration frontalière, conforme à la « géographie historique » du continent avant la colonisation, le nouveau Grand Maghreb serait redessiné en 4 grands ensembles fédéraux géographiquement et démographiquement compatibles comme suit :
- Le Maroc récupère le Sahara occidental et la Mauritanie
- L’Algérie récupère le pays Touareg du Nord Mali et Nord Niger
- La Libye récupère le Tibesti et l’Ennedi du Nord Tchad
- L’Egypte récupère le Nord Soudan
On voit très bien sur la photo satellite le tracé naturel de la frontière de l’Afrique du Nord avec le reste de l’Afrique, qui transcende et contredit les tracés frontaliers coloniaux arbitraires et fantaisistes.
Quant aux Etats-Unis d’Afrique de l’Ouest, débarrassé de la zone sahélienne et du problème Touareg, ils représentent sur la carte un véritable paradis terrestre, avec des milliers de km de côtes maritimes, de vastes et riches bassins fluviaux, de multiples zones humides, des pluies abondantes, des forêts luxuriantes, plusieurs ports commerciaux de pêche et de loisir, des ressources pétrolières et minières, des fruits exotiques à profusion, une qualité de vie qui peut être exceptionnelle …
Lire la version intégrale de l’article sur ce blog : www.saadlounes.com
(1) http://www.youtube.com/watch?v=foDlCCudcsE
(2) Le jamaïcain Marcus Mosiah Garvey (1887-1940)
(3) Kidal, 49e Wilaya d’Algérie
DOCUMENTS JOINTS À CET ARTICLE
http://i.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L420xH315/Afrique_du_Nord_carte-satel-e5191.jpg