samedi 13 août 2011

La République islamique de Mauritanie, la France et l’Aqmi : Qui a la main dans un jeu devenu de plus en plus illisible ?


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AGORA VOX
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Les évenements des dernières semaines montrent une Mauritanie, sur le front du combat, jouant avec le feu pendant que la France, elle, fait semblant de croire au rôle crucial que pourrait jouer ce pays dans le partenariat pour la lutte contre le terrorisme international. Pendant ce temps,Alqaeda au Maghreb Islamique, Aqmi, renforce ses positions et se montre prête à reprendre la main, avec une monnaie d'échange d'envergure : 4 otages français employés du groupe AREVA ,enlevés en septembre dernier à Arlitt dans le Nord du Niger. Autrement dit, on constate que l'organisation terroriste a introduit du nouveau dans la partie qui se joue dans la zone sahelosaharienne, tant du point de vue de ses moyens, de sa stratégie que de ses ambitions alors que la Mauritanie et la France s'entêtent dans un partenariat dénué de toute distance critique,du côté français, très ambigu du côté mauritanien et peu efficace dans ses visées, en ce qui concerne la libération des otages et l'affaiblissement des terroristes.
Les opérations menées par l'armée mauritanienne, le 24 juin 2011 et le 05 juillet 2011, contre des positions des Katibas de l'Aqmi, n'a pas encore fini de faire couler de l'encre, puisque selon les observateurs, les analyses qui en ont été faites ne sont pas totalement satisfaisantes. Dans un contexte où le Président mauritanien semble avoir fort à faire face à une fronde sociale et politique, à peine masquée par une activité diplomatique très remarquée au service de l'union africaine, cette offensive a de quoi surprendre. 

Il semble désormais qu'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), forte de la manne de matériel militaire venue de Libye et acheminée par le sud est algérien, développe son réseau et ses moyens grâce aux bouleversements des rives sud de la méditerranée et de la Libye en particulier. Les experts américains et français de la lutte antiterroriste le confirment. S'il a été révélé que la surveillance continue et accrue de la zone par les éléments de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, DPSD, a permis de localiser le transfert d'armes sensibles, sorties des réserves libyennes vers le réseau terroriste du nord Mali, en transitant par l'Algérie, on ne comprend pas encore tout à fait la promptitude du Président Mohamed Ould Abdelaziz à intervenir. L'hypothèse d'une diversion, face aux problèmes du pays, ne tient plus. Le front uni de la classe politique et de l'opinion pour approuver l'intervention armée contre l'Aqmi, aura vécu, depuis le raid du 22 juillet 2010. C'est désormais « l’aventurisme d’une guerre par procuration menée par la Mauritanie » que dénoncent les partis d'opposition. Alors qu'est-ce qui fait courir le Président mauritanien ? On a beaucoup écrit déjà sur le besoin de reconnaissance internationale du putchiste, une reconnaissance qui paradoxalement vient consolider sa légitimité intérieure, arrachée au forceps, sans pour autant s'attarder sur l'habileté de l'homme à diviser pour régner : une qualité somme toute banale chez tout bon politicien, n'est-ce pas ?
On constate, en effet, que Ould Abdelaziz aura réussi dans un premier temps, à placer la Mauritanie au centre d'une brouille diplomatique qui aura servi à révéler nettement la distance affichée et affirmée par l'Algérie face à la stratégie de la France dans la région, ensuite dans un second temps, à vendre à la France le package " Mauritanie, cible de l'Aqmi" / "Mauritanie offensive" apparaissant comme le partenaire indispensable pour une cause où d'autres pays sont en première ligne ; pour finalement tout naturellement endosser l'habit de médiateur des crises africaines, renvoyant aux oubliettes la grave crise constitutionnelle dont il a été l'instigateur, il y a deux ans, éclipsant ses voisins-Présidents rompus à l'art de la médiation, depuis bien plus longtemps, Abdoulaye Wade du Sénégal, Amadou Toumani Touré du Mali. Bravo l'artiste, aurait dit Wade, ne se privant pas d'exprimer son mécontentement, au point de faire craindre il y a quelques semaines, la reprise des hostilités entre les deux pays, celles "des événements de 1989" dont les séquelles restent visibles, de part et d'autre des deux rives du fleuve Sénégal : problèmes interethiques, déplacement de populations, disparitions, etc. Quant à la place du Mali dans ce partenariat pour la sécurité dans la zone sahélosaharienne, elle n'en finit pas de susciter des interrogations, de la part des observateurs. Les hôtes se bousculent à la porte du mauritanien, à l'exemple, du Général Carter F. Ham, commandant de l’AFRICOM, force militaire américaine pour l’Afrique et du ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé, après le raid du 05 juillet, sans visite au Président malien, alors que la zone de combat se situe dans ce pays, dont l'appui logistique a contribué largement, pour une fois, aux opérations. Les analystes, s'interrogeant sur la prudence affichée d'Amadou Toumani Touré, font valoir l'ambiguité d'une politique qui instrumentaliserait la situation de la zone du nord mali au profit d'un affaiblissement de la rébellion touarègue. Faut-il alorsconsidérer comme anodin que les otages se retrouvent systématiquement au nord Mali et que les négociations se mènent sous l'égide de ce même pays ? 

 Est-ce le soutien affiché de la France, à l'homme des raids contre l'Aqmi, qui permet à Ould Abdelaziz de prendre de l'amplitude politique ou l'art affiché par ce dernier dans le maniement de la stratégie et du jeu de poker politique qui fait de lui le bon candidat à la hauteur de la partie en train de se jouer dans la zone du Sahel ? Sans aller jusqu'à confondre les causes et les conséquences, nous dirons que l'effet obtenu en termes de communication ainsi que le nouveau positionnement de la Mauritanie sont les deux faces d'une même stratégie, celle qui consiste pour la France à déconnecter la lutte contre le terrorisme dans la zone sahélosaharienne de l'emprise de l'Algérie de Bouteflika, d'une part et d'autrepart, après le départ exigé par le Sénégal des troupes françaises, dans la logique de sa nouvelle politique de défense et de sécurité, garder la même capacité d'influence et d'intervention dans cette zone géographique, se repositionnant, de plus, près du Maghreb. Dans la zone, l'Algérie est pourtant le seul pays à avoir une véritable stratégie contre le terrorisme, qu'elle a déjà beaucoup combattu sur son territoire en en éradiquant les élément, sans pour autant, disons-le, arriver à casser sa matrice idéologique. D'où le déplacement et le renouvellement des artisans de la terreur dans la zone sahélosahariennne. Alors que la France semble arriver au bout de son absence de logique directrice dans la gestion des otages, une gestion adoptant jusque là une approche à court terme centrée sur leur seule libération. 

Peut-on imaginer un seul instant que la stratégie sécuritaire de la France,face à l'Aqmi, puisse se suffire et se complaire suffisamment longtemps dans ce jeu dont l'illisibilité ne manque de surprendre quiconque connaît la région ? Peut-on croire que Mohamed Ould Abdelaziz pourrait tirer durablement les lauriers d'un jeu où Abdoulaye Wade et Amadou Toumani Touré seraient affaiblis, l'un par une fronde politique interne de grande envergure, l'autre par son incapacité, à la veille de son départ du pouvoir, à engager de véritables reformes, alors que les intérêts et les économies de leurs pays restent très interdépendants ? Devrons-nous penser alors qu'il s'agit là, de enveloppe apportée par les négociateurs et autres hommes de l'ombre, destinée à cacher à notre vue les millions de dollars qui continueront à engraisser la bête, qui libérera certes ces otages là, mais qui pourra ainsi, demain en acheter d'autres et bien d'autres encore, aux mains des trafiquants de tout acabit ? Qui ira alors expliquer au contribuable français et au citoyen mauritanien, l'intérêt de tous ces jeux d'argent, alors que pour l'un la crise accroit précarité et chômage et que l'autre peine à trouver son pain quotidien ? 

Alain Bart pour Ciesma
Centre d'information et d'études stratégiques pour le Maghreb et l'Afrique 
Copyright Mauritanidees août 2011

De Tripoli à Calais: des Libyens racontent leur exil



 - Publié le 13/08/2011 à 20:30
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De Tripoli à Calais: des Libyens racontent leur exil
"Je souhaite vivre en France en paix", explique Hassan, un Libyen de 25 ans qui a fui son pays en guerre et trouvé refuge à Calais, comme plusieurs de ses compatriotes, dans l'espoir de se reconstruire.
"Je souhaite vivre en France en paix", explique Hassan, un Libyen de 25 ans qui a fui son pays en guerre et trouvé refuge à Calais, comme plusieurs de ses compatriotes, dans l'espoir de se reconstruire.
Après avoir pensé rallier l'Angleterre, il s'est ravisé sur les conseils de l'antenne calaisienne du HCR (agence des nations unies pour les réfugiés) et a entamé des démarches pour demander l'asile en France.
Ce jeune homme chétif à la peau d'ébène explique calmement avoir fui la Libye après avoir été enrôlé de force dans l'armée. "Je suis contre la guerre, contre tuer des innocents", explique-t-il.
Lorsque la compagnie pétrolière britannique qui l'employait comme ingénieur a été attaquée par "des jeunes ou des rebelles libyens", il a dû ramener un des véhicules de l'entreprise à Tripoli. Il a alors été contrôlé par l'armée, "présente partout", puis enrôlé contre son gré.
Quelques semaines plus tard, il a profité d'une permission pour déserter et embarquer clandestinement pour les côtes italiennes, d'où il a rejoint Rome, puis Marseille, Lyon et enfin Lille, en train.
"Si j'avais refusé de rejoindre l'armée, je serais sous terre. On ne peut pas dire: +non, je n'irai pas dans l'armée de Kadhafi, c'est impossible+", explique-t-il. "Je n'aurais jamais imaginé quitter mon pays un jour. Je déteste Kadhafi, mais comme tout le monde, je m'étais un peu habitué à la situation".
Hébergé depuis quelques semaines dans un foyer à Lens, il regarde, dubitatif, une pelleteuse éventrer les vestiges de l'usine désaffectée qui a été son premier refuge à Calais. Ce squatt baptisé "African house" par les dizaines de migrants de passage sera bientôt un quartier d'habitations.
En raison du manque de places en hébergement d'urgence, de nombreux migrants sont contrairement à Hassan sans domicile fixe et subissent "une pression policière importante avec des contrôles répétés de leur identité", selon Mathilde Tiberghien, du HCR.
"J'ai vécu toute ma vie illégalement, la police me suit partout, j'espère trouver une solution", explique d'ailleurs Idriss, 30 ans, qui a également fui la Libye, mais avant la guerre, en raison de son opposition au régime. Comme Hassan, il a déposé une demande d'asile.
Il se souvient d'une manifestation, à Londres, où il vivait encore il y a quelques mois. "Nous avons essayé d'écraser l'ambassade libyenne, mais nous avons été repoussés par les policiers britanniques. Au vu de la répression, on ne pouvait pas agir dans la demi-mesure", s'excuse-t-il presque.
Il est alors contrôlé, et, sans papiers, renvoyé vers la France. Il souhaitait retourner chez lui, ne serait-ce que pour avoir des nouvelles de sa famille, dont il ne savait même pas si elle avait survécu, mais les autorités britanniques ont refusé de le renvoyer en Libye: "trop dangereux".
Pour lui, "la guerre de l'Otan est insuffisante: tant qu'il n'y aura pas d'opération à terre, ça ne pourra pas marcher".
En attendant que la situation se stabilise, il a décidé de se reconstruire en France, où il se verrait bien reprendre ses études de journalisme.
Hassan, lui, espère apprendre le français et obtenir le statut de réfugié, pour faire venir sa femme, restée au pays.

Mali : les autorités traditionnelles face à la menace Aqmi


Jeune Afrique

12/08/2011 à 13h:28 Par Baba Ahmed, à Bamako
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Aqmi s'emploie à fragiliser la cohésion sociale touarègue pour mieux s'implanter.Aqmi s'emploie à fragiliser la cohésion sociale touarègue pour mieux s'implanter. © Zohra Bensemra/Reuters
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) gagne progressivement la confiance et la complicité des populations nomades du nord du Mali. Au grand dam des chefs traditionnels, dont l'influence décline. Mais ceux-ci commencent à réagir. Enquête exclusive.
Ils distribuent des habits, des vivres, et même de l’argent dans les villages nomades du grand Nord malien. Et ils sont en général bien reçus par la population. « Les éléments d’AQMI ne font pas de mal aux gens d’ici », explique Khérie Ould Saleck, chauffeur d’une localité de la forêt de Wagadou où des affrontements violents ont récemment opposé les djihadistes aux armées mauritanienne et malienne. « S’ils trouvent quelqu’un en panne en plein désert, ils lui viennent en aide. Si la personne manque d’essence par exemple, AQMI lui en donne quelques litres pour qu’elle puisse arriver à destination. Idem pour l’eau, le sucre, le thé… »
L’opération de séduction déployée par Aqmi envers les populations locales est bien connue. Ce qui l’est moins, c’est qu’elle empiète de plus en plus sur l’autorité des chefs traditionnels de la communauté arabo-berbère du nord du Mali, composée de plus de 75 fractions. Des chefs qui « ne maîtrisent plus rien des membres de leur clan », affirme l’agent d’une ONG qui travaille depuis longtemps dans le domaine de la santé des nomades.
Liens du sang
Dans la société traditionnelle, les liens du sang ont une importance capitale. Après le combats de la forêt du Wagadou, dans laquelle Aqmi s'est aussitôt réimplantée après en avoir été momentanément chassée, plusieurs hommes de la nébuleuse ont pris pour QG la forêt du Lac Faguibine, dans la localité de Goundam (à plus de 200 km au Nord-Ouest de Tombouctou). Pour gagner la sympathie de la population, le chef des djihadistes en question s’est dit de l’ethnie kel Tamasheq (touareg) et plus précisément de la fraction de Kel Antsar de Tombouctou. Quant à l’émir d’Aqmi Mokhtar Belmokhtar, il est connu - entre autres - pour être marié à une femme issue des tribus arabes du nord Mali, qui serait originaire de Tombouctou.
Les membres d’AQMI tissent ainsi leur toile, en créant des liens sociaux, et en faisant au passage de l’humanitaire et des prêches à tendance salafistes. Ayant assisté à plusieurs d'entre eux, le superviseur des fontaines de la forêt de Wagadou, Amadou Maiga, raconte : « Ils nous disent de ne pas utiliser de gri-gri, que les gens doivent s’adresser directement à Dieu sans passer par les marabouts ».
Or ces derniers sont en quelque sorte les « gardiens du temple » de la communauté nomade. Reconnus et respectés pour leur savoir mystique, ils occupent une place importante dans la hiérarchie sociale. Ils sont consultés notamment par les chefs traditionnels qui recherchent leur appui dans le processus de décision concernant l'ensemble de la communauté. S'en prendre à eux, c'est donc aussi s'en prendre aux autorités traditionnelles au sens large...
Commerce lucratif
Mais Aqmi mine aussi l'influence des élites locales d'une manière plus prosaïque, en développant un commerce très lucratif pour les populations. « À chaque fois que les éléments d’Aqmi viennent prendre de l’eau, ils demandent aux gens de leur vendre des animaux, témoigne Amadou Maiga. Une fois, un homme a voulu leur offrir un mouton, mais ils ont refusé. Ils ont dit que l’animal était le fruit de son travail, et qu’il devait gagner sa vie avec. Ils ont fini par le payer. »
Aqmi achète de tout aux commerçants locaux : du carburant, des pneus, des pièces de rechange, des céréales, de la farine, du sucre, du thé, voire même des armes… Les djihadistes ne représentent aucune menace directe pour la population locale. Conséquence : celle-ci ne s’investit pas pour la sécurisation du territoire avec l’armée et le pouvoir central. Et l’influence des chefs traditionnels décline inexorablement.
Aujourd’hui, certains élus locaux et chefs traditionnels commencent à prendre conscience du danger lié à la présence d’AQMI. « Nous voulons récupérer notre population mais les djihadistes s’y opposent. C 'est pourquoi ils ont affiché des tracts de menaces envers certaines personnalités à Tombouctou (en avril 2011, NDLR) », explique Mohamed Lamine Ould Sidatt, le maire de la commune de Ber. Qui ajoute : « Je ne peux pas tout vous dire sur AQMI, je suis dans ma commune au milieu du désert. Je suis vulnérable, il n’y pas de sécurité. Les gens d’AQMI peuvent faire éruption à tout moment devant ma tente et m’éliminer. »
Courage payant
Certains chefs traditionnels n'hésitent cependant pas à prendre de gros risques. Au début du mois de mai 2011, des éléments d’AQMI lourdement armés sont arrivés en Pick-up sur un site de la commune de Salam, situé à 70 km au Nord de Tombouctou. Le maire, Mohamed Tahar, leur a demandé de partir. La discussion s’est envenimée et la dispute a failli tourner au vinaigre. Finalement, les visiteurs indésirables ont quitté les lieux en laissant la population effrayée par leur armement impressionnant. Cette fois, le courage du maire a été payant. Mais son geste risque de rester isolé tant que l'État n’aura pas pris des mesures garantissant la sécurité des communautés.
Les choses changent, cependant. Longtemps tenus à l’écart de l’action gouvernementale, les chefs de fractions sont désormais sollicités. « La première fois qu’un officiel malien nous a invités à nous impliquer dans la lutte contre AQMI, c'était au mois de mai 2011 lorsque le ministre des Affaires étrangères Soumeylou Boubeye Maïga a effectué une visite de terrain avec une délégation de l’Union européenne dans la commune de Ber (60 km au nord-est de Tombouctou) », confie un membre de la fraction de Oulad Ganam. Et le 9 août, le président malien Amadou Toumani Touré a lancé son plan de développement et de sécurisation du nord. Quelque 32 milliards de F CFA ont été mis sur la table. Cela suffira-t-il ?


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