vendredi 22 avril 2011

Tamikrest, entre héritage et stratégie

http://www.rfimusique.com/musiquefr/articles/136/article_18255.asp


Toumastin ou le rock du Sahara


Paris 
22/04/2011 - 
A Kidal, aux portes du désert malien, chaque musicien est un peu un enfant de Tinariwen, locomotive de la scène touarègue. Sur son second album Toumastin, le groupe Tamikrest revendique sa filiation et laisse davantage entrevoir ses ambitions. Entretien avec Ousmane, chanteur et pilier de cette formation.



RFI Musique : Comment vous situez-vous par rapport à l’incontournable groupe Tinariwen ?
Ousmane : Les musiciens de Tinariwen ont fait quelque chose d’énorme pour notre communauté : ils ont montré l’image de notre peuple un peu partout dans le monde, parlé de nos difficultés, de la situation dans laquelle on est, de la dépossession de nos terres. C’était important. Il est nécessaire aujourd’hui qu’il y ait un autre groupe de jeunes touarègues qui emprunte la route qu’ils ont tracée et soit l’avenir de cette musique. Pour la garder et en même temps, la faire évoluer.  
Quelle était votre intention de départ avec ce nouvel album qui propose un son différent, très soigné et presque en relief ?Il faut toujours chercher à monter d’une marche, comme un escalier. Moderniser un peu plus que celui d’avant. En réalité, il s’agit de la stratégie des artistes et du producteur. Une façon de jouer un peu différente, un mixage un peu différent pour un son différent. Avec Chris Eckman, notre producteur et ami, on échange beaucoup d’idées. Il fait des suggestions pour améliorer les chansons : augmenter un peu le charley, prolonger les ambiances musicales, utiliser les instruments d’une autre manière…
Qu’est-ce qui vous décidé à devenir musicien ?Quand j’étais élève, mon ambition était de devenir diplomate même si j’aimais beaucoup la musique. Mais c’est le destin qui commande. J’ai commencé à étudier dans mon village natal de Tinzaouaten, à la frontière algéro-malienne, dans une école non gouvernementale financée par des villes françaises. Après mon premier cycle, je suis venu à Kidal. Je me suis trouvé confronté au racisme. Il y avait une différence entre nous et les autres, entre la peau rouge et la peau noire. Les gens devaient réclamer leurs droits même si des accords avaient été signés. Jusqu’en 2006, la situation n’était pas stable, beaucoup ont abandonné la région parce qu’ils ont eu peur que ce soit comme avant, que le gouvernement envoie l’armée. Dans ces conditions, c’était difficile de poursuivre mon projet. L’objectif était de défendre la cause touarègue, de faire savoir dans quelle oppression nous vivions. Avec la musique, on peut exprimer tout ce qu’on a à dire.
Y a-t-il eu des rencontres décisives qui vous ont permis de franchir certaines étapes ?En 2008, on nous a invités au Festival au désert d’Essakane, le plus grand festival du Mali. Nous, comme toujours, on n’a pas d’autre activité à part la musique. Donc on se lève le matin et après le thé, on joue de la guitare. Les gens qui étaient dans la tente devant la nôtre sont venus nous voir pour jouer avec nous. C’était les musiciens de Dirt Music (groupe de rock australo-américain, ndr). On a passé trois jours ensemble et ils sont montés sur la grande scène avec nous. Un an plus tard, ils ont décidé qu’on allait faire un album ensemble, KBO, en 2009. On connaissait les mini-studios à Kidal mais on n’avait jamais eu la possibilité d’aller dans un studio professionnel. On a accepté immédiatement et on est allé à Bamako pour collaborer avec eux. Et six mois après, ils ont décidé de produire notre propre album Adgah.
Quelle image gardez-vous de votre premier concert en Europe ?C’est surtout le premier concert qui est gravé dans ma tête. A Stuttgart, en Allemagne. L’accueil du public m’a impressionné. Je m’étais souvent demandé comment les gens allaient réagir, parce qu’on chante dans notre langue maternelle. Mais j’ai senti qu’ils avaient compris qu’on avait quelque chose à dire, un message à transmettre dans cette musique. Déjà, avant la tournée, je savais qu’il était nécessaire de faire ce petit livre, avec le CD, sur lequel on traduit nos chansons en français et en anglais.
Sur le livret comme sur la pochette, tout est aussi écrit avec les lettres tiffinagh. Est-ce l’alphabet que vous utilisez au moment où les chansons naissent ?Chaque artiste à sa manière de composer, d’écrire ses chansons. Moi, ça ne me vient pas petit à petit. Je n’ai pas l’habitude d’écrire des chansons sur une feuille pour parler d’un sujet. Ça me vient comme un message, directement. J’ai tout en tête. En fait, j’ai l’habitude de m’installer dans un lieu complètement libre, silencieux, où il n’y a rien qui me dérange et où je suis tout seul avec mes problèmes dans la tête. C’est à ce moment-là que je trouve des textes et je compose sur place.
Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec la guitare ?Oui, je me rappelle très bien. C’était une guitare sèche. J’étais très jeune. Elle était apportée par les ex-rebelles et c’était la seule guitare dans le village. J’ai eu directement envie de la toucher. Presque quatre ans plus tard, vers 1998-99, dans mon école, nous faisions une petite cérémonie pour la fin de l’année scolaire. On nous avait trouvé une guitare pour jouer des chansons sur les conséquences de l’ignorance. A partir delà, je l’ai prise à chaque moment disponible. En 2000-2001, j’ai eu ma propre guitare que mon frère m’a achetée en Algérie. J’ai commencé à jouer tout le temps. Des fois, ça m’empêchait dormir, parce que j’avais une note dans la tête. Et il fallait que je la trouve sur la guitare.

Fassous tarahnet

  par OUSMANE AG MOSSA
Tamikrest Toumastin (Glitterhouse/Differ-Ant) 2011En concert le 22 juin à Paris au Point Ephémère

Bertrand  Lavain

jeudi 21 avril 2011

Les Etats-Unis annoncent l'envoi de drones armés en Libye

Les Etats-Unis annoncent l'envoi de drones armés en Libye

Le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, estime qu’il s’agit d’une "contribution modeste" aux efforts de la coalition internationale.

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Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates (c) ReutersLe secrétaire américain à la Défense Robert Gates (c) Reuters
Les Etats-Unis vont utiliser des drones armés au-dessus de la Libye, a annoncé jeudi 21 avril le secrétaire américain à la défense Robert Gates, estimant qu'il s'agissait là d'une "contribution modeste" aux efforts de la coalition internationale.
SUR LE MÊME SUJET
Selon Robert Gates, la décision d'utiliser ces appareils sans pilote armés de missiles a été prise en raison de "la situation humanitaire" en Libye et parce qu'ils apportent "une capacité" que d'autres types d'appareils ne pouvaient pas apporter notamment pour éviter les victimes civiles.
Deux drones seront en permanence engagés au-dessus de la Libye.
Robert Gates a tenu à souligner que cette annonce ne changeait pas la nature de la mission américaine au sein de la coalition.
Ce type de drones est utilisé massivement par les Américains au Pakistan pour tuer des insurgés talibans et des membres du réseau Al-Qaïda.
Nouvelobs.com avec AFP

Terrorisme : le départ confus et sans bruit des Français du Mali


http://www.rue89.com/2011/04/19/terrorisme-le-depart-confus-et-sans-bruit-des-francais-du-mali-200539

(De Bamako) A force d'enlèvements et d'exécutions au Sahel, Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) est en train de réaliser l'objectif affiché par Oussama Ben Laden dans son message à la France, le 27 octobre 2010 : pousser au départ les Occidentaux, qu'ils soient humanitaires, chercheurs ou touristes. Exemple au Mali, où les Français sont invités à quitter le territoire.
Après plus d'un an dans ce pays, Alain (le prénom a été changé) a reçu le 25 mars un e-mail lui signifiant qu'il avait quatre jours pour faire ses bagages et quitter le pays :
« Je n'ai pu dire au revoir à personne. Je m'étais créé un bon réseau de contacts, j'ai tout perdu du jour au lendemain. »
Comme quelque 70 volontaires français au Mali et au Niger, ce Volontaire international en entreprise (VIE) a été rapatrié sans grand bruit, dans l'urgence et en traînant les pieds. Michèle Alliot-Marie avait scellé leur sort le 7 février, un mois après la mort en territoire malien des deux Français enlevés au Niger.

« Consternation » et « totale incompréhension »

L'ex-ministre des Affaires étrangères avait justifié ce « rappel » par « la menace terroriste sans précédent qui pèse sur les Français dans cette région ». Une menace toujours d'actualité si l'on en croit une alerte diffusée le 16 avril par l'ambassade de France à Bamako faisant état d'une « menace élevée d'enlèvement » dans la région de Mopti.
Le rapatriement est resté en travers de la gorge des associations : leurs réactions oscillent entre « consternation » et « totale incompréhension » (voir encadré).

Les ONG se disent « consternées »

Le délégué général de l'association Dante Monferrer, contacté par e-mail, écrit ainsi :
« La nécessité d'assurer la sécurité de nos volontaires est primordiale. Nous aurions cependant souhaité que les situations soient examinées au cas par cas et que toutes les zones géographiques ne soient pas traitées de la même manière. »
Moins diplomates, dix-sept Volontaires de solidarité internationale (VSI) avaient écrit à MAM le 17 février pour lui dire leur « consternation ». Une incompréhension aujourd'hui renforcée par le maintien sur place des Volontaires internationaux en administration (VIA), pourtant concernés par la décision du 7 février.
Le 17 février, également plusieurs ONG internationales avaient adressé une lettre à François Fillon, publiée début avril par Grotius.fr.
Déplorant « la profonde incompréhension voire la défiance qui s'installe entre les ONG et l'Etat français sur la protection de nos représentants sur le terrain aussi bien que sur l'accès aux populations », les signataires réclamaient une rencontre – toujours attendue – avec le Premier ministre.
Aux grands maux les grands remèdes. « Aucun endroit ne peut désormais plus être considéré comme sûr » au Mali, au Niger et en Mauritanie, avertit le Quai d'Orsay, qui « déconseille formellement » de voyager dans la moitié nord du Mali comme le font également les Etats-Unis et les pays européens. Une situation comparable à l'Irak.
Même les expatriés de Bamako, située à 900 km de Tombouctou, n'échappent pas aux recommandations et aux injonctions draconiennes des Etats ou des entreprises qui les emploient.
La France conseille d'aménager une pièce de sûreté chez soi. Certains humanitaires et coopérants européens ont l'interdiction de sortir dans les lieux fréquentés, de quitter Bamako ou de se déplacer à pied dans la capitale devenue pour eux une prison à ciel ouvert.
La relation entre « prisonniers » et « matons » n'est évidemment pas au beau fixe. Le fossé s'élargit de jour en jour entre la France d'un côté, ses ressortissants et les autorités maliennes de l'autre.
Ceux-ci accusent la France de faire du zèle en déclarant le Mali – et notamment le sud – infréquentable alors qu'aucun enlèvement ne s'y est produit depuis celui de Pierre Camatte en novembre 2009 (libéré trois mois après).

Des consignes floues et incohérentes

Enlever quelqu'un à Bamako ou au Pays Dogon pour l'emmener à des centaines de kilomètres au nord ? Géographiquement et militairement impossible, entend-on souvent. Bamako n'est pas Niamey, et le Mali n'est pas le Niger. Alain, le VIE rapatrié, s'agace :
« A Bamako, il n'y a pas de justifications et personne n'a pu en trouver. »
Alertes des ambassades jamais explicitées et parfois démenties quelques jours plus tard, consignes de sécurité pas toujours appliquées par ceux-là mêmes qui les fixent… Le flou et les incohérences laissent libre cours à tous types d'interprétations.
Argument en vogue : les conseils aux voyageurs de la France seraient un moyen de faire pression sur le Mali, jugé insuffisamment impliqué dans la lutte contre Aqmi et réfractaire à signer l'accord concerté sur les flux migratoires.
A un an de l'élection présidentielle, Aqmi et ses enlèvements semblent loin de constituer pour le moment un important enjeu national.

Des conséquences économiques désastreuses

La menace terroriste et les conseils aux voyageurs ont déjà des conséquences économiques désastreuses. L'année 2011 s'annonce logiquement la « pire » pour le tourisme selon le directeur de l'Office malien du tourisme et de l'hôtellerie (Omatho) Mamadou Keïta, après une baisse de plus de 50% de la fréquentation en 2009 et 2010.
Ironie du sort : alors qu'au musée du Quai Branly, des milliers de visiteurs viennent admirer l'art du Pays Dogon, la célèbre falaise de Bandiagara se vide de ses touristes. « Tout le monde est touché », rapporte le propriétaire malien d'un campement à Hombori. « Les commerçants, les artisans, les éleveurs. » S'il devait accuser quelqu'un, ce serait « les gens qui font des enlèvements » plutôt que la France.
Une Européenne installée à Mopti constate également les dégâts :
« Les rues sont vides, tout le monde demande de l'argent, tout le monde en veut à la France. »
Elle dit regretter ne « pas avoir entendu de prise de position très forte de la part des autorités maliennes » mais trouve surtout « scandaleux qu'on affame une région sans indemnisation ». « Soit la France s'en fout, soit on suit une ligne qui nous échappe. »

Libye: les rebelles prennent le contrôle d'un poste-frontière dans l'Ouest


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TRIPOLI (AP) — Les rebelles anti-Kadhafi affirment avoir pris le contrôle jeudi d'un poste-frontière libyen entre la Libye et la Tunisie après trois jours de combats près de la ville de Nalout (nord-ouest de la Libye).
La prise du poste de Douheiba a provoqué la fuite vers la Tunisie de membres des forces gouvernementales libyennes. Citant "une source militaire (tunisienne) de haut niveau", l'agence officielle tunisienne TAP a précisé que 13 officiers libyens dont un colonel major et deux commandants étaient arrivés en Tunisie, où ils ont été placés en détention. Le point de passage frontalier, désormais sous le contrôle des rebelles libyens, a été fermé, selon la même source.
Shaban Abu Sitta, un chef rebelle, a affirmé que le poste-frontière avait été capturé jeudi après trois jours d'intenses combats contre les troupes gouvernementales. Il a précisé que ses hommes avaient détruit 30 camionnettes de l'armée et saisi 10 voitures et des armes.
Le Dr Mongi Slim, un médecin du Croissant-Rouge tunisien, a confirmé que le poste-frontière était aux mains des insurgés. "La principale inquiétude maintenant est la possibilité d'un afflux de familles fuyant les combats" en Libye, a-t-il déclaré à l'Associated Press. "Lorsque le poste était sous le contrôle des forces pro-Kadhafi, les gens passaient la frontière par de petits chemins. Maintenant, ce sera beaucoup plus facile."
Par ailleurs, le ferry "Ionian Spirit" évacuait mercredi de la ville assiégée de Misrata, principal bastion rebelle dans l'ouest libyen, un millier de personnes -essentiellement des civils libyens et des travailleurs africains et asiatiques. Le navire devait rallier Benghazi, fief de l'insurrection situé dans l'est du pays.
Jeremy Haslam, coordinateur de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), a précisé que plus de 1.000 évacués, dont 239 civils libyens et 586 travailleurs migrants, étaient à bord.
Le nombre de personnes cherchant à fuir Misrata a augmenté alors que les forces de Moammar Kadhafi ont élargi leurs attaques à des secteurs de la ville auparavant considérés comme relativement à l'abri.
Le ferry transportait les corps de Chris Hondros et Tim Hetherington, photographes de presse respectivement américain et britannique tués mercredi à Misrata dans une attaque qui a également blessé deux autres photographes. Le bateau transportait aussi le corps d'un médecin ukrainien tué mercredi par un tir d'artillerie, selon M. Haslam.
L'OIM précise avoir évacué plus de 3.100 personnes de Misrata jusqu'ici, et compte envoyer un autre bateau vers la ville assiégée pour acheminer 500 tonnes de vivres et fournitures médicales.
Les Etats-Unis ont estimé jeudi que les forces de Kadhafi utilisaient peut-être des bombes à sous-munitions contre les civils libyens. "Les troupes du colonel Kadhafi continuent leurs attaques brutales", notamment à Misrata, a déclaré la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton. "Il y a des informations selon lesquelles les forces de Kadhafi pourraient avoir utilisé des bombes à sous-munitions contre leur propre peuple."
Les rebelles libyens et l'organisation américaine de défense des droits de l'homme Human Rights Watch ont affirmé que les forces de Kadhafi utilisaient ces armes à Misrata. AP
lma/v

Libye : deux photographes occidentaux tués à Misrata

Les deux camps s'apprêtent à un long conflit en Libye


publié le 21/04/2011 à 16:17

Si Londres, Paris et Rome s'apprêtent à dépêcher des conseillers militaires en Libye, le camp du colonel Mouammar Kadhafi comme celui des insurgés de l'Est libyen, à court de fournitures militaires de base, semblent se préparer à un conflit prolongé.

Le président français Nicolas Sarkozy a promis mercredi une intensification des raids aériens contre les forces kadhafistes au président du Conseil national de transition libyen (CNT), Moustafa Abdeldjeïl, reçu en grande pompe à l'Elysée.
"Nous allons effectivement intensifier les frappes et répondre à cette demande du CNT", a-t-on précisé dans l'entourage du chef de l'Etat français après cette entrevue - sans précédent - avec l'ex-ministre de la Justice de Kadhafi, l'une des premières personnalités à avoir fait défection au "guide" libyen.
Priée de dire si l'on pouvait imaginer que le chef de l'Etat français avait obtenu une réponse positive de l'Alliance atlantique à cette demande avant de faire son annonce, cette même source a répondu: "Oui."
Mais peu nombreux sont ceux qui pensent que ces nouvelles frappes vont changer un conflit qui pourrait durer des mois, voire des années.
Non seulement ils pensent que l'arrivée de l'été va rendre ces raids plus difficiles, mais, en outre, ils estiment que, si Kadhafi n'est pas écarté par un coup d'Etat interne, les insurgés auront du mal à tenir faute de fonds, de carburant, d'armes et de savoir-faire.
"Si les rebelles formaient une force de combat sérieuse et cohérente, la puissance aérienne serait suffisante, mais ce n'est pas le cas et tout le monde le sait. Le problème est qu'il y a un décalage entre l'objectif de base - un changement de régime - et les forces qui s'y consacrent", estime l'analyste Marko Papic, du centre de réflexion Stratfor.
Dépêcher des conseillers militaires occidentaux pour coordonner les frappes pourrait se révéler une erreur, estiment certains de ces officiers des forces spéciales, mais ils jugent que, comme en Afghanistan, il n'y a d'autres choix que de poursuivre sur la voie engagée.
Sans raids aériens, le "bastion rebelle" de Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, tomberait en quelques jours et ni le Premier ministre britannique, David Cameron, ni le président américain, Barack Obama, n'envisagent pareille issue.
Pas plus qu'ils ne considèrent pourtant une solution aux termes de laquelle Kadhafi resterait à la tête d'un pouvoir qu'il occupe depuis plus de 41 ans.
Après les chutes, relativement rapides, des autocrates tunisien Zine ben Ali en janvier et égyptien Hosni Moubarak en février, les Occidentaux ont pensé que la chute de Kadhafi ne serait qu'une formalité. Mais le dictateur libyen s'est avéré un morceau plus coriace.
Les alliés ont suivi des stratégies différentes, même s'ils sont intervenus sous le parapluie commun de l'Otan. Parallèlement, la Russie et la Chine, qui ont renoncé à leur droit de veto au Conseil de sécurité pour s'opposer à un recours à la force, se sont opposées à une intervention terrestre.
"Former des gens à un plus grand niveau de compétence militaire prendra des mois", souligne un haut responsable de l'Otan, sous le sceau de l'anonymat. "Aucun sous-traitant privé ne serait en mesure de faire ce qui leur a pris des années à obtenir en Irak ou en Afghanistan."
"La meilleure solution est de faire pencher la balance du pouvoir hors de portée de Kadhafi et d'obtenir un cessez-le-feu", explique le même expert.
La reconnaissance internationale des rebelles du CNT comme le gouvernement légitime de la Libye par un nombre croissant de pays est une des solutions envisagées pour prêter main forte à l'opposition mais, jusqu'à présent, seuls la France, le Qatar et l'Italie ont franchi le pas. Washington et Londres y rechignent.
Les pénuries de carburant, dans ce pays pourtant producteur de pétrole mais dont les exportations sont soumises à un embargo international, sont un autre problème auquel les belligérants vont devoir faire face pour poursuivre la guerre.
"Kadhafi est un stratège, comme on a pu le voir tout au long de ce conflit. Notre indécision lui fournit des munitions", explique Hayat Alvi, spécialiste du Proche-Orient au Naval War College des Etats-Unis.
"A moins que les choses ne se modifient fondamentalement, il est difficile d'échapper à la conclusion que cela pourrait durer un bon moment", déclare-t-il en soulignant qu'il exprime là une opinion personnelle.
Marc Delteil, pour le service français
Par Reuters

Libye La foire aux armes

Libye La foire aux armes
Publié le jeudi 21 avril 2011   |  Le Patriote




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Aqmi aurait profité du pillage des arsenaux libyens en zone rebelle pour s'équiper ou faire ses emplettes. Et elle ne serait pas la seule… A la faveur du chaos dans le pays, des armes libyennes pourraient être disséminées dans la bande sahélo-saharienne. S'étendant de la Mauritanie au Soudan en passant par le Mali, l'Algérie, le Niger et le Tchad, la zone est vaste, en grande partie incontrôlée, et tient lieu de repaire pour les trafiquants. Aujourd'hui royaume d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), elle a été récemment le quartier général de rébellions touarègues encore en sommeil au Mali et au Niger.
Selon nos informations, Aqmi se serait procuré des missiles sol-air SAM-7 en provenance de Libye. De petite taille, légère, cette arme d'une portée de 5 km peut être maniée par un seul homme et transportée dans un pick-up. Dans une interview à J.A., le président tchadien, Idriss Déby Itno, a déclaré, de son côté, que « les islamistes d'Al-Qaïda ont profité du pillage des arsenaux en zone rebelle [libyenne, NDLR] pour s'approvisionner en armes, y compris en missiles sol-air, qui ont été par la suite exfiltrées dans leurs sanctuaires du Ténéré [au Niger, NDLR] ». Le 4 avril, un responsable des services de sécurité algériens cité par Reuters annonçait qu'un convoi de huit pick-up en provenance de la Libye était arrivé au Mali. Selon la même source, les véhicules étaient chargés de lance-roquettes antichars RPG-7, de kalachnikovs, d'explosifs et de munitions.
Chaque grande ville libyenne dispose de ses entrepôts. S'y empilent des armes vétustes, de fabrication soviétique notamment, et d'autres, plus récentes et sophistiquées. « Le pays a acquis des armes légères et de petit calibre en grande quantité », rappelle Pieter Wezeman, spécialiste du commerce des armes avec l'Afrique et le Moyen-Orient à l'Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri)_: 100_000 fusils livrés par l'Ukraine entre 2007 et 2008 et 10_000 pistolets fournis par une compagnie italienne en 2010. Cette même année, Tripoli s'est approvisionné auprès de la Russie en missiles antiaériens et a organisé un salon de l'armement qui a accueilli plus de 100 exposants, venus de 24 pays. Les cas avérés de dissémination d'armes légères - et donc aisément transportables - dans le sud de la Libye sont encore peu nombreux. D'après une source requérant l'anonymat, des armes pillées dans la petite localité de Gatroune, aux confins de la Libye, du Tchad et du Niger, auraient été acheminées au Tchad par des militaires tchadiens incorporés à l'armée libyenne.

Convergence d'intérêts
Dans tous les cas, le pillage des entrepôts et la porosité des frontières libyennes inquiètent les états-majors de la région. Plusieurs scénarios sont possibles. Il y a d'abord la revente d'armes à Aqmi. Elle serait surtout le fait de Subsahariens, mercenaires recrutés par Kaddafi ou militaires membres de l'armée libyenne, quittant le pays par crainte de représailles ou parce qu'ils se trouvent inemployés - dans l'hypothèse d'une chute du « Guide ». « On redoute une convergence d'intérêts entre des hommes armés qui ont besoin d'argent et Aqmi, disposant d'argent mais qui a besoin d'armes », explique une source sécuritaire dans la région.
Autre hypothèse, émise par Wezeman_: une dissémination délibérément orchestrée par Kaddafi dans le seul but de « déstabiliser la zone ». Dans ce cas, il n'est pas exclu qu'il profite du mécontentement dans le nord du Niger et le nord du Mali pour ressusciter les rébellions touarègues. Là-bas, le lien reste fort avec la Libye. Kaddafi aurait recruté 300 mercenaires parmi les Touaregs du Niger. Un camp d'entraînement aurait été mis en place à Sebha. « Le risque de dissémination vient d'abord de Kaddafi lui-même », estime Acheikh Ibn Oumar, ancien ministre tchadien des Affaires étrangères et ex-rebelle soutenu par Tripoli. Et avec les armes affluent les hommes. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 3_000 Tchadiens et 16_000 Nigériens sont rentrés au pays depuis le début de la révolution.