TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne.
Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
A la suite de la crise malienne, la question de la bande saharo-sahélienne est revenue sur le devant de la scène africaine. Africa4 remonte le fil chronologique de l'histoire des populations nomades de la zone. La question Touarègue au Niger #2
Questions à… Emmanuel Grégoire, directeur de recherche à l’Institut de recherche et développement (IRD) et spécialiste des Touaregs du Niger. Comment se présente la question touarègue au Niger, de la période coloniale à l’indépendance ?
Lors de la révolte de Kaocen qui embrasa le massif de l’Aïr en 1916-1917, les Touaregs s’opposèrent farouchement à la conquête coloniale qui les dépouillait de leur contrôle sur les espaces sahariens et sahéliens. Une certaine complicité s’instaura ensuite entre eux et les militaires et administrateurs français si bien qu’ils adhérèrent au projet de la France de détacher, via l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS), le Sahara des nouveaux Etats qui émergeaient pour conserver ses richesses et minières et y poursuivre ses essais nucléaires. Les Touaregs voyaient en l’OCRS une opportunité pour retrouver leur autonomie voire à plus long terme leur indépendance. En s’opposant au détachement du Sahara algérien du Nord du pays, le FLN (Front de libération nationale) mit fin à l’OCRS et à cette espérance touarègue qui se transforma en amertume, lors de l’indépendance du Niger et du Mali, qui vit l’arrivée au pouvoir des gens du Sud qu’ils avaient autrefois dominés. Comment expliquer la rébellion des années 1990 ?
Selon ses responsables, elle avait des racines profondes qui se résumaient en quelques mots : «marginalisation politique, pauvreté absolue et persécution». La marginalisation s’expliquait, comme au Mali, par la faible représentation de Touaregs au sein de l’appareil d’État ; la pauvreté absolue renvoyait à l’insuffisance des programmes de développement et des infrastructures en pays touareg, lui qui avait été sévèrement touché par les sécheresses et les famines de 1973-1974 puis de 1984-1985 (pertes de bétail, épidémies, etc.) et avait alors été délaissé par l’Etat accusé d’incurie et ses agents de corruption et de détournement de l’aide ; la persécution faisait référence, d’une part, à l’attitude hostile du régime du général Seyni Kountché qui soupçonnait les Touaregs de vouloir déstabiliser le pays, d’où leur mise sous surveillance après la tentative de coup d’Etat fomentée, en 1976, par quelques-uns d’entre eux et, d’autre part, aux exactions commises par l’armée nigérienne lors des évènements de Tchin-Tabaraden (1985 puis 1990) qui firent des dizaines de victimes touarègues.
La rébellion exigeait un statut d’autonomie pour les zones «revendiquées». Il n’était donc pas question d’indépendance, mais d’un système qui devait permettre aux Touaregs de prendre en mains leur développement et de bénéficier des retombées de la manne financière née de l’exploitation de l’uranium, dont les mines se trouvent sur leur territoire (Arlit). Après une guérilla meurtrière menée par les fronts touaregs contre les Forces armées nigériennes (FAN), des accords de paix furent signés à Niamey (24 avril 1995) puis confirmés à Alger (1997) suite à une reprise des hostilités. La décentralisation qui donna lieu à de nouveaux découpages administratifs et conféra plus de pouvoirs aux régions figurait parmi les principales mesures de ces accords de paix. Pourquoi une nouvelle rébellion en 2007 ?
Les difficultés de la mise en œuvre de la décentralisation se traduisirent, comme au Mali, par une nouvelle rébellion, qui éclata en 2007. Le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) revendiquait, entre autres, une meilleure application des accords de paix, l’instauration d’une véritable démocratie et des mesures économiques pour sortir le Nord du pays du marasme économique. Des combats l’opposèrent aux FAN jusqu’au début de l’année 2009, les affrontements diminuant alors en raison des revers militaires infligés au MNJ par l’armée nigérienne et sous l’effet des pourparlers entamés par la rébellion et le gouvernement nigérien sous l’égide de la Libye. Comment se fait-il que la rébellion touarègue malienne ne se soit pas propagée au Niger comme cela s’est produit en 1991 et 2007 ?
Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, la communauté touarègue nigérienne semble avoir compris que la lutte armée ne menait à rien d’autant plus que le MNJ avait été militairement défait en 2009 par les FAN. Le président Issoufou (élu le 11 mars 2011), ensuite, fit de la question touarègue une priorité en s’efforçant de pacifier le nord du pays (organisation de forums de la paix), en y promouvant des opérations de développement et en intégrant les dirigeants des rébellions passées au sein de l’Etat, de son gouvernement (Brigi Rafini, originaire d’Iférouane, est Premier ministre) et des nouvelles entités administratives nées de la décentralisation : des Touaregs accédèrent à des postes de responsabilités locales et prirent ainsi en charge la gestion de leurs régions et leurs communes qui disposent désormais de leur propre budget - le nouveau code minier (2007) attribue 15 % des recettes minières aux régions concernées par l’exploitation de matières premières, ce qui profite aux zones touarègues où se trouvent les sites uranifères. Enfin, l’Etat nigérien est plus fort que l’Etat malien : cela explique en partie qu’AQMI qui a été un puissant facteur de déstabilisation au Mali ne se soit pas installé au Niger et que celui-ci ait été moins touché par les trafics de drogue et d’armes et par là la corruption, autres facteurs déstabilisant au Mali. La question touarègue se pose-t-elle encore au Niger ?
Pour le moment non. L’Etat s’est efforcé de désarmer les Touaregs revenus de Libye après la chute du colonel Kadhafi sous la forme «d’une remise volontaire d’armes» puis de les aider à se réinsérer dans leurs régions d’origine sous la tutelle de la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP). Cette structure soutenue par l’Etat et des bailleurs de fonds étrangers a entrepris une série d’opérations de développement auxquels ils ont été associés. La ruée vers l’or qui touche, depuis 2014, le plateau du Djado et le massif de Aïr jusqu’à la frontière algérienne a simultanément constitué une opportunité inespérée pour offrir du travail et des revenus aux autochtones et à ces «retournés» de Libye, ce qui les éloigne des armes et des jihadistes. Mais, pour combien de temps encore ?
Autre épisode de la série :
- Le retour des goumiers d’Afrique
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Récit
Françafrique 1/3 : Retour sur la présidentielle de 1993 au Niger et l’opération de « facilitation » de la DGSE
Le MondeAfrique publie les bonnes feuilles du livre de Jean-Pierre Bat et Pascal Airault Françafrique. Opérations secrètes et affaires d’Etat.L’occasion de revisiter le travail de l’ombre de la France dans le dossier touareg.
Le 10 novembre 1987 meurt Seyni Kountché, militaire nigérien parvenu au pouvoir en 1974 et qui a dirigé le pays d’une main de fer. Sa mort est synonyme de retour à la vie constitutionnelle. En 1989 est ainsi proclamée la IIe République du Niger.
Ce premier processus de décrispation est rapidement rattrapé par la grande vague de La Baule de 1990 : Mitterrand déclare que l’aide internationale de la France serait assujettie à la démocratisation des régimes africains. Commence dès 1990 une « marche forcée vers un processus démocratique », selon les termes d’un diplomate spécialiste du Niger.
A la fièvre politico-sociale et aux violences de 1990 succède, en 1991, la Conférence nationale souveraine (CNS). Ces états généraux africains doivent garantir la transition politique. La CNS se tient à Niamey du 29 juillet au 3 novembre 1991 : elle abroge la IIe République et redessine les pouvoirs politiques et institutionnels. Les doléances des différents représentants sont compilées dans le « cahier des charges » qui constitue la feuille de route de la CNS, mais que la vox populi rebaptise aussitôt « cahier des surcharges ». En effet, certains aspects se révèlent très délicats à réaliser dans le cadre de la crise économique : refus des programmes d’ajustement structurel, interdiction de réduire le nombre de fonctionnaires et de réduire les salaires.
Transition sur fond de rébellion touareg
Dans ces conditions, le Niger s’engage en 1992 dans une périlleuse année de transition. Son issue est, malgré tout, consacrée à une série de scrutins électoraux qui respectent le calendrier et les principes de la transition : un référendum constitutionnel (26 décembre 1992), des élections législatives (14 février 1993) et présidentielle (27 février et 27 mars 1993).
Pour Michel Lunven, ambassadeur de France à Niamey de 1988 à 1993, la priorité réside dans le respect du processus de transition et la tenue des élections. Il considère qu’au lendemain de la mort de Kountché, la marche vers la démocratisation constitue la principale feuille de route politique du Niger, elle doit primer sur toute autre considération ou problème. L’ambassadeur est conscient de la difficulté autant que de l’importance de ce processus : aussi y engage-t‑il toute son énergie.
Depuis 1990, dans les plis de la transition, émerge la question touareg qui constitue aux yeux de la DGSE la priorité politique du Niger.
Cette attitude est d’autant plus à souligner que Lunven, ancien de la Coopération, a été de 1986 à 1988 collaborateur de Jacques Foccart pour les affaires africaines à Matignon auprès de Chirac. Aussi, qu’elle n’est pas la surprise de l’ambassadeur lorsque en 1992, en plein processus de transition, l’armée nigérienne informe l’attaché de la défense près l’ambassade de France que le feu a été ouvert sur un avion Transall de la DGSE dans le désert du Ténéré, au nord du pays. Que faisait cet avion des services secrets français en pays touareg, à l’insu de l’ambassade ?
Depuis 1990, dans les plis de la transition, émerge la question touareg qui constitue aux yeux de la DGSE la priorité politique du Niger. Après quelques premiers signes de tension et de troubles, la crise éclate réellement le 7 mai 1990 avec l’attaque du poste de Tchin-Tabaraden par des rebelles touareg. L’armée nigérienne réplique par une répression brutale sur l’ensemble de la population touareg : exécutions sommaires, arrestations arbitraires, tortures et exactions de toutes formes s’abattent sur les populations du Nord.
Au lendemain de cette répression, la presse française dénonce les abus et les crimes de l’armée nigérienne. L’affaire touareg se développe désormais sur un nouveau front : les médias et l’opinion internationale, en premier lieu française.
En 1990, Danielle Mitterrand, l’épouse du président français, se rend au Niger au titre de sa fondation France Libertés. La même année, Bernard Kouchner le célèbre french doctor devenu secrétaire d’Etat à l’action humanitaire et partisan affiché du « devoir d’ingérence », se penche sur le dossier touareg. A cela, il convient d’ajouter qu’en 1991, loin de régler ou d’apaiser la situation, la CNS aggrave le problème touareg.
Dans sa recherche de compromis, la CNS ne parvient pas à tracer les grandes lignes d’une réconciliation nationale. Sans doute pour ménager une armée politiquement affaiblie et en partie méfiante envers la transition, la CNS ne prend aucune mesure de sanction ni aucune punition à l’encontre des responsables de la répression brutale dans le Nord, à la seule exception du capitaine Maliki.
Un chef rebelle touareg nommé Iyad Ag-Ghali
Pour la DGSE, l’affaire touareg recouvre deux dimensions.
La première est intérieure : la mise à l’écart des populations touaregs constitue une faute du processus de transition qui risque de coûter cher à long terme.
La seconde est régionale : à la faveur de cette crise, des Etats voisins risquent de s’immiscer à la frontière saharienne du « pré carré » français en Afrique.
Or, en juin 1990, a également éclaté au Mali une rébellion touareg menée notamment par un certain Iyad Ag-Ghali, leader du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) ; en coulisse, Alger s’est imposé comme un acteur essentiel de la crise malienne.
Si les ambitions algériennes étaient connues au Sahara occidental avec son soutien au Front Polisario, la signature des accords de Tamanrasset entre la rébellion touareg du Mali et le gouvernement de Bamako, le 6 janvier 1991, met en lumière le rôle que revendique Alger dans le Sahara central.
Dans ce contexte régional, Paris entend régler, en toute discrétion et dans les meilleures conditions, le problème touareg au Niger pour empêcher que la situation ne prenne le même tour qu’au Mali. D’autant que le nord du Niger, avec le site d’Arlit, constitue le cœur des réserves d’uranium (yellow cake) sur lequel repose la politique énergétique nucléaire de la France. Pourquoi la DGSE entre-t‑elle en scène ?
Parce que son directeur général, Claude Silberzahn, en poste de 1989 à 1993, fin connaisseur de l’Afrique, a prouvé au président François Mitterrand que son service peut, mieux que toute autre institution de la République, mener avec succès une diplomatie de l’ombre pour désamorcer des crises.
Il vient de le prouver efficacement en réglant le conflit sénégalo-mauritanien qui s’est conclu sous son égide par la signature d’un accord entre les représentants du président Ahmed Taya (Mauritanie) et du président Abdou Diouf (Sénégal). Négocié patiemment dans le plus grand secret à Marne-la-Vallée dans les hôtels de Disneyland, l’accord est rendu public en mars 1992. Fort de ce succès, Claude Silberzahn obtient le feu vert de Mitterrand en personne pour procéder à une opération de négociation secrète au Niger ; le chef de la DGSE rend compte directement à l’Elysée.
Pas une « médiation » mais une « facilitation » de la DGSE
En mai 1992, Claude Silberzahn se rend quatre jours au Niger (Niamey, Zinder et Agadez) : la mission du service ne sera pas une « médiation », mais une « facilitation » entre le gouvernement et les rebelles. L’opération se compose, dans ses grandes lignes, de deux volets : l’un officiel, qui consiste en une « facilitation » du dialogue entre le gouvernement et la rébellion ; l’autre secret, qui consiste à établir un lien avec une délégation rebelle, lui présenter les propositions du service et garantir la sécurité de ses déplacements pour les négociations.
Pour ce second volet, la DGSE organise un pont aérien entre la France et le désert du Ténéré grâce à un Transall du service (GAM 56), et assure la sécurité des télécommunications entre le service et les Touareg grâce à des valises Inmarsat (International Maritime Satellite). Des équipes de la DGSE assurent dans le plus grand secret la navette entre la France et le fief touareg de l’Aïr et du Ténéré.
Mano Dayak apparaît le meilleur interlocuteur pour amener la rébellion touareg à la table des négociations.
Côté gouvernemental, le patron de la DGSE choisit comme interlocuteur le premier ministre de la transition, Amadou Cheiffou. Reste à trouver un interlocuteur côté touareg. Claude Silberzahn choisit de miser sur Mano Dayak. Il est l’un des leaders du Front de libération de l’Aïr et de l’Azawak (FLAA) de Rhissa Ag-Boula, le principal mouvement rebelle, mais il est surtout le chef de la Coordination de la résistance armée (CRA), la plate-forme politique qui réunit les différents mouvements rebelles. Cependant, le profil qui est dressé de Dayak diffère radicalement selon les interlocuteurs français.
Pour la DGSE, il apparaît le meilleur interlocuteur pour amener la rébellion à la table des négociations, tant pour les fonctions qu’il occupe que pour les liens tissés avec le service – et avec Silberzahn en personne. Au contraire, pour le Quai d’Orsay et l’ambassade, la représentativité de Dayak est relative au sein de la rébellion et son extraction non noble, dans une société de castes, lui interdirait toute autorité réelle au sein des dirigeants touaregs. Reste qu’en 1992, le très charismatique Dayak symbolise dans les médias français le mythe de l’« homme bleu ». Cette image ne doit rien au hasard.
Originaire des Ifoghas, Dayak revient au Niger après des études supérieures aux Etats-Unis et en France (où il épouse sa femme Odile), et se consacre à des activités liées au tourisme : après avoir été guide dans le Sahara, il fonde Temet Voyages, une agence touristique qui devient la plus importante d’Agadez. Il se lie avec Thierry Sabine, l’organisateur du Paris-Dakar, et organise les étapes du rallye dans le Sahara. Bref, Dayak est un homme qui maîtrise la communication mieux que quiconque dans les rangs de la rébellion. Aussi lance-t‑il son offensive médiatique en faveur de la rébellion au printemps 1992. La pièce maîtresse en est son livre Touareg, la tragédie, publié le 18 mai 1992 par l’éditeur Jean-Claude Lattès.
Sa sortie est accompagnée d’une importante campagne promotionnelle dans la presse et à la radio ; VSD et RFI – ou Mano Dayak dispose de contacts – figurent au premier rang. Sur les panneaux publicitaires du métro parisien s’étalent les photos d’un Touareg accompagné d’une citation de Dayak : « Un peuple doit-il disparaître pour exister ? »
La DGSE s’empare du dossier Niger
Le 2 juin 1992, au Musée de l’Homme est inaugurée une exposition : « Le drame des Touaregs en images », dont Dayak est l’organisateur. Elle circulera ensuite dans les villes de France. Invité sur les plateaux télévisés pour faire la promotion de son livre et de son exposition, Dayak se fait le porte-parole de la cause touareg. En quelques semaines, à la fin du printemps 1992, Dayak a couvert une surface médiatique francophone sans pareille. Il « existe » mieux qu’aucun autre chef touareg.
Au début de l’été 1992, la DGSE prend complètement en main le dossier Niger avec l’aval de l’Elysée et aux dépens de l’ambassade : le « colonel V » est envoyé à Niamey comme « facilitateur ». C’est à lui que Lunven demande des comptes pour l’avion de la DGSE mitraillé par l’armée nigérienne.
Installé un temps à l’ambassade, il poursuivra sa mission directement au cœur du pays touareg. Dès la fin du mois d’août 1992, une première rencontre est organisée entre les représentants du gouvernement nigérien et ceux du FLAA, à Bussy-Saint-Georges, lieu choisi par la DGSE pour ces rencontres confidentielles.
Le 20 mars 1993, à une semaine du second tour de la présidentielle du 27 mars 1993, au terme de longues négociations, un accord est signé par Albert Wright, le ministre nigérien chargé de la réconciliation nationale, Mano Dayak et le « colonel V » qui signe de son statut de « facilitateur ».
L’accordporte sur la libération de prisonniers touaregs par les autorités nigériennes (dont le nombre s’est avéré très long à établir par la DGSE) en échange de la libération des otages par les rebelles, sous le contrôle de la DGSE.
Après l’élection de Mahamane Ousmane à la présidence de la République, les négociations secrètes se poursuivent à Paris et à Bussy-Saint-Georges. Une trêve de trois mois est conclue entre le gouvernement et le FLAA. Le 11 juin 1993 à minuit, l’entrée en vigueur de la trêve s’accompagne de la levée de l’état de garde – c’est-à-dire de l’état d’urgence militaire proclamé en pays touareg. Une cellule de liaison et de coordination de la DGSE est installée à Arlit à compter du 1er juillet.
Quand la diplomatie s’en mêle
Mais la « facilitation » de la DGSE s’embourbe. A cela, plusieurs facteurs. Le premier réside dans les tensions qui traversent le FLAA : Mano Dayak fonde le Front de libération Temoust (FLT), laissant ainsi le FLAA entre les mains de Rhissa Ag-Boula, connu pour ses connexions avec l’Algérie. Un deuxième facteur résulte d’un malentendu sur l’objet de la mission de la DGSE basée à Arlit :pour le président Ousmane, elle constitue une force de sécurité dans l’Aïr ; pour la DGSE, il n’est question que de faciliter la médiation nigérienne.
Avec le recours à la diplomatie officielle, la gestion de la crise finit par s’élargir aux pays voisins.
Sans conteste, le dernier facteur est le plus déterminant : avec l’installation de la cohabitation Mitterrand-Balladur, Jacques Dewatre remplace à compter du 7 juin 1993 Claude Silberzahn à la tête de la DGSE ; or le nouveau chef des services secrets français ne partage pas les vues de son prédécesseur. La mission de la cellule d’Arlit est prolongée jusqu’au 30 octobre 1993, mais le nouveau chef de la DGSE a pour principal objectif de se débarrasser de l’encombrant dossier nigérien qu’il entend remettre au Quai d’Orsay.
Avec le recours à la diplomatie officielle, la gestion de la crise finit par s’élargir aux pays voisins – ce que voulait éviter initialement la DGSE. La non-reconduction de la mission de « facilitation » et la prise en main de l’affaire par la diplomatie sont vécues, par certains spécialistes, comme une défaite face à l’Algérie dans le Sahara.
Dans ce contexte, la France s’en remet, comme souvent par la suite, a son principal allié dans la zone : le président burkinabé Compaoré, qui s’efforce de reprendre la main face à Alger. Ainsi sont signés, le 9 octobre 1994, les accords de Ouagadougou. La crise touareg est toutefois loin d’avoir été réglée. Mano Dayak, quant à lui, poursuit son combat ; mais la méfiance reste de mise envers son frère ennemi, Rhissa Ag-Boula.
Son aventure s’arrête brutalement le 15 décembre 1995. Ce jour-là, Dayak meurt dans le crash d’un avion Cessna 337 affrété par Niger Air Service, alors qu’il se rendait à Niamey pour y reprendre les négociations avec le président Ousmane. A ses côtés, dans l’appareil, se trouvait Hubert Lassier : journaliste à Paris-Match puis à VSD, lié à la mouvance giscardienne et très proche du mystérieux Victor Chapot (l’influent conseiller de l’ombre de Valéry Giscard d’Estaing), il appartenait au cercle officieux des missi dominici du village franco-africain dont la mission, sans être officielle, n’en était pas moins connue des autorités françaises.
Françafrique. Opérations secrètes et affaires d’Etat, Jean-Pierre Bat et Pascal Airault, éd. Tallandier, 208 pages, 18,50 euros.
Demain, le deuxième volet de la série L’histoire secrète d’un téléphone rouge en plein génocide rwandais
Opération française : Polémique autour des soldats touaregs comme éclaireurs
Par L'Indicateur du Renouveau - Date: 18 Avril 201633 réactions
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Même si le nombre n’est pas connu, les soldats touaregs de l’armée malienne qui servent aux côtés de la force française de Serval à Barkhane font parler d’eux. L’AFP a fait un reportage sur ces hommes qualifiés des chiens de chasse.
Soldats touaregs de l’armée malienne restés fidèles à Bamako, ce sont les éclaireurs de l’opération française Serval : assis à six sur le plateau autour de la mitrailleuse, trois de chaque côté les jambes pendantes, deux à l’avant, ils accompagnent partout, dans le Nord du Mali, les forces françaises et leur servent d’interprètes, de guides, de combattants à l’occasion. Derrière son chèche blanc et ses fausses Ray-Ban, l’adjudant Alo Mazzak Ag Namaka attend que ses hommes aient terminé de faire le thé vert, assis à l’ombre d’un acacia dans la vallée d’Inaïs, au nord-est de Gao. “Avant le coup d’Etat à Bamako cela allait, on tenait face aux terroristes”, dit-il. “Mais ensuite nos ennemis étaient trop nombreux, les armes sont venues de Libye, on ne pouvait plus rien faire. Alors on est partis”. Menés par leur chef, le colonel-major Alaji Ag Gamou (aujourd’hui général de brigade, Ndlr), ils étaient environ 400 à s’être repliés en mars 2012 au Niger voisin après avoir été défaits par les groupes armés, notamment les indépendantistes touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ils étaient de retour moins d’un an plus tard, dans le sillage des victoires françaises. Depuis, Paris a compris ce qu’ils pouvaient apporter et chaque unité tricolore est accompagnée dans ses offensives par une vingtaine d’entre eux. Ils savent où il faut aller, se portent à l’avant, observent, reconnaissent, parlent à la population. Pour le colonel Bruno Bert, qui commande depuis près d’une semaine le ratissage de la vallée d’Inaïs, fief du groupe islamiste Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), leur apport est précieux. “Ce sont nos éclaireurs”, dit-il. “Ils ont une connaissance intime du terrain et de la population”.
Des hommes de terrain “Ils nous aident par exemple à trouver les pistes secondaires, moins susceptibles d’être minées. Nous avons nos moyens topographiques, mais rien ne remplace la connaissance humaine. L’autre jour, un homme nous a semblé avoir un comportement suspect. Ils nous ont dit non, c’est normal, c’est une activité agricole”. En milieu d’après-midi les blindés français approchent du village d’Inaïs. Avant d’y pénétrer, ils installent sur trépieds un haut-parleur. Un officier tend à un Touareg une feuille de papier sur laquelle il a écrit : “Les terroristes font votre malheur. Ne les aidez pas ou vous serez complices. Ne gênez pas les opérations en cours. Montrez-nous les caches d’armes”. L’éclaireur prend la feuille, traduit dans le micro d’une voix impérieuse en tamashek, la langue des Touareg. A la tombée du jour, deux autres pick-up arrivent en trombe près d’un poste de commandement français. L’adjudant-chef Aman Ag Nani et ses hommes vont s’installer pour la nuit. On leur apporte des rations de combat, des cartons d’eau minérale. “On connaît tout le Nord du Mali”, dit-il en souriant sous sa grosse moustache. “Dans chaque équipe, il y a un ou deux des nôtres qui est du coin. Nous savons tout. Les gens peuvent mentir et cacher des choses aux Français. Pas à nous”. “Nous servons surtout de guides, mais s’il faut se battre nous sommes là. Nous ne laissons pas notre place. Pourquoi on la laisserait ? Quand quelqu’un est venu t’aider, pourquoi le laisser combattre seul ?” Il verse trois cuillères de sucre dans la théière de fer blanc. Derrière lui le plateau du Land Cruiser déborde : un fût de 500 litres pour le carburant, des bidons d’eau que l’on siphonne au besoin, caisses de munitions, nattes et couvertures pour la nuit, branches de bois mort pour le feu. Il est originaire de Kidal, berceau des Touareg maliens, ville en principe contrôlée par les rebelles du MNLA et une centaine de soldats français. “En fait, ce sont les mêmes terroristes. Ils ont échangé le drapeau d’Ançar Eddine (groupe islamiste armé) ou d’Aqmi contre celui du MNLA”, affirme-t-il. “Ils peuvent tromper les Français, mais pas nous. Nous les connaissons tous, un par un”. Si c’est une évidence que des éléments de l’officier loyaliste sont au service de la force française, il n’en demeure pas moins que des vraies interrogations et débats entourent leurs missions. Et le fait que seuls des militaires touaregs qui ont été choisis pour mener ces genres d’opérations intriguent au sein même de l’armée. D’où la clarification qui s’impose de la part du partenariat est même de rassurer les plus sceptiques. A. M. C. avec AFP
Bilal Ag Achérif, chef de la rébellion touarègue du MNLA, reçu à Paris le 23 novembre 2012.AFP PHOTO/AHMED OUOBA
Les populations touarègues ont toujours affirmé une indépendance et une liberté de mouvement sur le Sahara et une partie du Sahel, mais l’histoire va diviser cet espace en pays avec lesquels les Touaregs vont se retrouver en difficulté. Après Touaregs : les origines de la révolte, ce deuxième chapitre intitulé Touaregs, les rébellions se consacre aux revendications identitaires et territoriales qui vont marquer l’histoire contemporaine.
Les peuples touaregs nomadisent depuis toujours dans le Sahara central et dans une partie du Sahel. Ils y ont prospéré pendant des siècles grâce au contrôle des routes et du commerce reliant le Maghreb au Soudan. Mais la colonisation du Sahara et la fin de l’activité caravanière entraînent le déclin des grandes confédérations touarègues traditionnelles. La société touarègue, condamnée à se transformer et à se sédentariser, se retrouve souvent marginalisée au sein des nouveaux Etats-nations (l’Algérie, la Libye, le Mali, le Niger et le Burkina Faso) dont les frontières divisent les communautés. Face aux conditions difficiles de survie, les Touaregs du Mali tentent en 1963-1964 de se rebeller contre le pouvoir du président Modibo Keïta, mais la très dure répression qui s'ensuit entraîne l’exode d’une partie de la population touarègue vers l’Algérie et la Libye.
Les grandes sécheresses de 1973-1974 et de 1984-1986 déciment les troupeaux de ceux qui sont restés, les obligeant à partir. Beaucoup cherchent refuge dans les pays voisins, créant deux autres grandes vagues d’émigration vers le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie, la Mauritanie, la Libye et même l’Arabie saoudite. Ces exodes donnent naissance à une nouvelle génération de rebelles touaregs qui se réorganisent dès 1986 au Mali et au Niger. → A (re)lire : Touaregs: les origines de la révolte La rébellion de 1990 à 1996
A la fin de 1987, le président du Niger, le général Ali Saïbou, propose une amnistie politique et une aide à la réinsertion pour tous les exilés. Cette ouverture entraîne le retour de nombreux réfugiés touaregs qui acceptent de revenir au Niger, mais les conditions d’accueil et d’aide se révèlent insuffisantes et le retour se passe mal.
Au Mali où les Touaregs n’ont jamais été intégrés à la vie institutionnelle, le contexte est hostile et un ancien de l’armée libyenne, le Touareg Iyad Ag Ghali, crée en 1988 un mouvement armé, le Mouvement populaire de l’Azawad (MPLA) pour défendre sa communauté. En avril 1990, le Mali autorise le retour dans l’Adrar de 300 familles exilées en Algérie. Les familles touarègues qui reviennent se retrouvent dans des camps contrôlés par l’armée . Au Mali comme au Niger, la cohabitation entre les Touaregs du nord et les populations du sud est extrêmement difficile et les dérapages se multiplient. Au Niger le 7 mai 1990, un incident à la prison de Tchin Tabaraden va mettre le feu aux poudres. De jeunes Touaregs tentent de libérer des prisonniers mais l’opération tourne mal et l’armée s’en prend à toute la communauté touarègue, entraînant des combats qui feront, suivant les sources, entre 700 et 1 500 victimes.
Le 29 juin 1990, l’attaque du poste de gendarmerie de Menaka au Mali par le Mouvement populaire de l’Azawad marque le déclenchement de la deuxième rébellion touarègue contre le Mali. L’Adrar des Iforas et l’Azaouad s’embrasent.… plus de 100 000 réfugiés affluent de nouveau en Algérie et en Mauritanie.
Pour tenter de mettre fin au conflit, le 6 janvier 1991, Iyad Ag Ghali signe en Algérie les accords de Tamanrasset avec le gouvernement malien, représenté par le colonel Ousmane Coulibaly, en présence du ministre algérien de l’Intérieur. Mais pour les Touaregs, l’accord n’est pas respecté par les autorités, et les hostilités reprennent.
Le MPLA change de nom et devient le Mouvement populaire de l'Azawad (MPA) mais, comme il est trop fortement dominé par la tribu des Ifoghas, des rebelles issus d’autres tribus décident de le quitter et créent leur propre mouvement. Les Chamanamas fondent le Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA) et les Imghads l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA).
Un nouvel accord de paix nommé le Pacte national entre le gouvernement de transition du Mali et la coordination du Mouvement et Fronts Unifiés de l’Azawad (MFUA) qui représente l’ensemble des mouvements touaregs (MPA, FIAA, FPLA, ARLA, FULA, FNLA) est signé le 11 avril 1992. Le Pacte national prévoit de nombreuses dispositions qui ne seront que très partiellement réalisées et les conflits se raniment.
En 1993, les Imghads de l'ARLA enlèvent Intalla Ag Attaher l’Amenokal (le chef) des Ifoghas. Le MPA de Iyad Ag Ghali affronte l’ARLA et les chassent de l’Adrar Tigharghar et de la région de Kidal. En mai 1994, une contre-insurrection menée par le mouvement patriotique Sonraï Ganda Koy attaque le Front islamique de l’Azawad (FIAA). Les combats meurtriers relancent la guerre et les exactions interethniques. Il faudra attendre les accords de Ouagadougou le 15 avril 1995 pour que le gouvernement de la République du Niger signe un accord de paix avec les Organisations de la résistance armée (ORA). Au Mali, la guerre prendra fin avec « la cérémonie de la flamme de la paix » à Tombouctou le 27 mars 1996, en présence du président malien Alpha Oumar Konaré et du président ghanéen Jerry Rawlings, à cette occasion le MPA est dissous et 3 600 armes rebelles sont brûlées.
La rébellion de 2006
Dix ans après les accords de paix, en 2006, des personnalités touarègess, Iyad Ag Ghali, Hassan Fagaga, Ibrahim Ag Bahanga et Amada Ag Bibi, estiment que le Pacte national qui a mis fin à la rébellion de 1990-1996 et qui prévoyait l’intégration des Touaregs dans la société malienne, n’a pas fonctionné. Ils créentl’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). Ils demandent un statut particulier pour la région de Kidal, attaquent simultanément les villes de Kidal et de Ménaka et se retirent dans l’Adrar Tigharghar.
Des pourparlers sont immédiatement entrepris par le président malien Amadou Toumani Touré et une médiation algérienne est engagée qui aboutira aux accords d’Alger du 4 juillet 2006. La rébellion de 2007 à 2009
Le 7 février 2007, l’attaque de la caserne d’Iferouāne dans le nord du Niger et l’attaque de l’aéroport d’Agadez le 17 juin 2007, en réaction à des exactions, plongent le Niger et le Mali dans une nouvelle rébellion qui va durer jusqu’en octobre 2009, et qui fera près de 420 morts. Face aux forces armées du Niger et du Mali, et indépendamment des jihadistes d’AQMI, les principaux protagonistes touaregs qui participent à la rébellion, dite « de 2007 », sont le Mouvement des Nigériens pour la justice, l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement et l’Alliance Touareg du Nord-Mali pour le changement. Des accords de paix sont signés le 7 octobre 2009 entre les groupes rebelles et les gouvernements du Niger et du Mali. L'insurrection de 2012
Mi-octobre 2011 dans le nord du Mali, le gouverneur de la région de Kidal, le colonel major Salifou Koné et le colonel major Elhadji Gamou (un Touareg Imghad) organisent une petite cérémonie pour accueillir près de 400 combattants touaregs qui rentrent de Libye avec des dizaines de véhicules armés. Mais seuls les Touaregs de la tribu Imghad ont accepté l’invitation; les autres, les Ifoghas et les Chamanamasse, qui n’accepteront jamais de se soumettre à un Imghad, font défection et s’engagent pour la plupart dans le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui est créé le 16 octobre 2011.
Le MNLA, dont le secrétaire général est Bilal Ag Cherif, qui est aussi président du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA), et qui comptera jusqu'à 10 000 combattants, veut œuvrer pour l’indépendance de l’Azawad (un territoire correspondant aux zones de vie des Touaregs et qui comprend les trois régions maliennes de Tombouctou, de Gao et de Kidal).
A partir du 17 janvier 2012, le MNLA prend l’initiative de l’insurrection touarègue du Nord-Mali, chasse l’armée et prend le contrôle des villes de Kidal, de Gao et de Tombouctou. La déclaration de l’indépendance de l’Azawad proclamée le 6 avril 2012 est unanimement rejetée par laCommunauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et par toute la communauté internationale (y compris la France et les Etats-Unis) le même jour. Fin juin 2012, le MNLA perd totalement le contrôle de ses territoires qui, après de violentes batailles, sont pris par les organisations salafistes que sont Ansar Dine, Aqmi et le Mujao.
Cette dernière insurrection a engagé le Mali dans une guerre toujours en cours contre les organisations salafistes malgré des accords de paix entre l’Etat et les organisations touarègues, accords qui ont toujours de la peine à être appliqués.
Touaregs à Tombouctou en 1977.PIERRE GUILLAUD / AFP
Le Sahara central et une partie du Sahel ont toujours été habités par les Touaregs. Ces grandes sociétés nomades ont toujours affirmé leur indépendance et leur liberté de mouvement sur d'immenses terrritoires désertiques. Mais l'expansion coloniale et la naissance des Etats-nations sur cet espace vont provoquer de nombreuses rébellions qui continuent de marquer l'histoire contemporaine. Retour sur les origines des premières révoltes.
Les Touaregs - le pluriel de Targui - comme on dit en arabe, se nomment eux-mêmes « Kel Tamatsheq », « ceux de langue tamasheq », ou « Kel Taggemoust », « ceux qui portent le voile ». Ce sont des peuples de culture Amazigh (Berbère) qui parlent le « tamasheq » et utilisent une écriture très ancienne appelée le « tifinagh ».
Les Touaregs, qui se disent tous descendants d’un ancêtre mythique, la reine Tin Hinan, sont organisés politiquement en confédérations (Kel Ahaggar, Kel Ajjer, Kel Aïr, Kel Adagh, Kel Tadamakkat, Kel Azawagh et Oudalan) sous la direction d’un chef, l’« amenokal ». Ces confédérations composées de plusieurs tribus, sont elles-mêmes fractionnées en plusieurs castes : les nobles guerriers (imajaghen), les vassaux (imghad), les religieux (ineslimen) et les esclaves (iklan). Touareg, le peuple « des déserts » du Sahara
Les Touaregs sont traditionnellement des nomades, dont la sédentarisation a commencé à la seconde moitié du XXe siècle. La population globale des Touaregs est estimée, suivant les sources, de 1 à 3 millions de personnes, dont la majorité (85%) vit au Mali. Ils habitent le Sahara central et une partie du Sahel, sur un territoire qu’ils appellent « tinariwen » et qui signifie « les déserts ». Un espace de 2,5 millions de kilomètres carrés qui comprend des régions de montagnes, de plaines, de plateaux et de vallons que sont le Hoggar, le Tibesti, l’Adrar, l’Aïr, le Tanezruft, le Tademaït, le Tawat, l’Azawagh, le Tassili n’Ajjer ou le désert libyen… Un territoire qui, aujourd’hui s’étend, sur cinq pays : l’Algérie, la Libye, le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Dès le XIIIe siècle, les échanges économiques vont croissant entre le Maghreb au nord du Sahara et les territoires soudanais du sud et toute l’activité caravanière qui en résulte est principalement réalisée et contrôlée par les grands aristocrates touaregs, les imajeghen. Le chercheur Julien Brachet, dans Le négoce caravanier au Sahara central : histoire, évolution des pratiques et enjeux chez les Touaregs kel Aïr (Niger) paru dans les cahiers d’Outre-mer, écrit à propos des Kel Aïr qui contrôlaient les deux principales routes transsahariennes : « Ce contrôle socio-spatial concourait à définir un ensemble de territoires politiques et marchands, et participait à l’organisation des groupes ».
« À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, un ensemble de facteurs a perturbé la tenue de ce négoce caravanier, amorçant son déclin, poursuit Julien Brachet dans son ouvrage. Les rapports sociaux de production et d’échange, les rapports de domination, ainsi que les rapports des populations à l’espace ont pour une bonne part été bouleversés… entraînant ces populations dans une situation de crise. » Ce que décrit le chercheur pour Kel Aïr vaut pour l’ensemble des groupes touaregs, qui vont être confrontés au déclin du commerce caravanier et à la colonisation du Sahara.
Caravane de sel au Niger.(CC)/Holger Reineccius/Wikipédia
Ce que les Touaregs appellent « tiwta », le « désastre »
Dès 1830, la pénétration française au Sahara bouleverse profondément la société touarègue. La fin de la traite des esclaves - une activité importante qui régissait, depuis de nombreux siècles, les échanges transsahariens -, le contrôle des routes et la monétisation des échanges par exemple entraînent de profondes mutations dans la société touarègue. On assiste alors à la division des grandes confédérations touarègues et à l’apparition de multiples groupes autonomes.
« Les chefs et les aristocrates touaregs avaient conscience de l’impact que pouvait avoir l’emprise des Européens sur leurs territoires, ceux-ci leur faisant non seulement perdre le contrôle des espaces marchands qui assuraient leur prospérité et leur hégémonie , mais remettait également en cause les structures de leur organisation socio-politique, écrit le chercheur Julien Brachet. Et face à cette domination, qui remettait en cause le mode de vie des groupes touaregs, des mouvements de résistance virent le jour ».
C’est aussi à cette époque, avec la sortie en 1864 de l’ouvrage d’Henri Duveyrier intitulé Les Touareg du Nord que se développe chez les Occidentaux tout un ensemble de représentation qui vont faire du Targui, qualifié d’« homme bleu » ou de « seigneur du désert », un personnage mythique épris de liberté et de mystère. Avec la domination coloniale, les actions de résistance se multiplient et s’intensifient.
En mars 1880, le lieutenant-colonel Paul François Xavier Flatters, en charge de trouver une route pour la construction d’une ligne de chemin de fer qui aurait relié le nord de l’Algérie au Soudan, tente un premier passage dans le Hoggar mais doit faire demi-tour par manque de nourriture, face à l’hostilité des Touaregs de la région. En décembre, il monte une deuxième expédition forte de 93 hommes et de 280 animaux (chameaux, chevaux, ânes) et retente le passage.
Mais le 16 février 1881, la mission est attaquée près de Bir-el-Gharama par 600 hommes venant de trois tribus de la région, les Touaregs Hoggar, les Ouled-Sidi-Cheikh et les Senoussya et tous les membres de l’expédition sont massacrés à l’exception d’une vingtaine d’indigènes qui parviennent à regagner Ouargla. Cette histoire met un terme au projet de chemin de fer et retarde pendant une vingtaine d’années la progression des forces coloniales qui prendront Tombouctou en 1893 et In-Salah en 1900.
En 1902 à la bataille de Tit, l’armée française affronte les Touaregs du Hoggar et prend le contrôle de toutes les tribus de la région, soumettant en plus les Touaregs de l’ouest comme les Ifoghas en 1903 et les Touaregs de l’Aïr avec l’occupation d’Agadez en 1906. Cette tragédie pour les Touaregs, qui entraîne l’anéantissement de leurs forces combattantes et la destruction d’une grande partie de la société traditionnelle, porte un nom : c’est ce que les Touaregs appellent « tiwta», le « désastre », une période de chaos et de désarroi qui marque profondément l’histoire touarègue contemporaine et qui anime toujours l’esprit de nombreuses rébellions. «Tégriwela n Kawsen », la révolution de Kawsen
La domination coloniale sur les populations du Sahara central provoque en 1916 une insurrection générale des Touaregs contre la colonisation française, menée parKawsen, un noble touareg de la confédération guerrière des Ikazhazen de l’Aïr (massif montagneux du Nord-Niger). Kawsen, marqué par plusieurs années d’exil dans l’est du Sahara, dans les zones non contrôlées par les Français, après avoir dû abandonner l’Aïr, s’emploie à organiser la libération des Touaregs. Pour ce faire, il va faire de très gros efforts de communication, comme l’explique Hélène Claudot-Hawad dans Révolutionner l’opinion touarègue : les stratégies novatrices de Kawsen contre la colonisation du Sahara, pour fédérer ses interlocuteurs à sa cause sur des milliers de kilomètres, alors qu’il n’existe ni radio ni aucun moyen de diffusion de masse.
« Kawsen aura recours à des supports multiples : lettres, discours, messages transmis oralement, maximes, aphorismes, poésie, mode vestimentaire particulière, mise en scène théâtrale de certains de ses principes, actions spectaculaires, introduction d’objets nouveaux et usages inédits d’objets anciens, style de comportement particuliers… pour faire comprendre les principes et les enjeux de sa lutte », détaille Hélène Claudot-Hawad.
Kawsen rassemble autour de lui de nombreux résistants provenant de toutes les catégories sociales, instaure des stratégies militaires de guérilla et libère la ville d’Agadez le 13 décembre 1916. Face aux succès et à l’audace de ces combattants, les armées françaises et anglaises renforcent leurs troupes et chassent les combattants touaregs d’Agadez le 13 juillet 1917 et de l’Aïr le 25 mars 1918. Kawsen mènera encore de nombreux combats dans le Tibesti et le Fezzan et, traqué par des ennemis de plus en plus nombreux, il sera finalement tué par ses anciens alliés turcs en janvier 1919 à Gatroun, au sud de la Libye actuelle. La mort de Kawsen et la défaite des insurgés entraînent une sévère répression qui n’est jamais parvenue à effacer, notamment au Niger, la forte image de ce héros de la résistance touarègue. Les Etats-nations du Sahara
A la fin de la période coloniale, les territoires sahariens et sahéliens des Touaregs se retrouvent sur plusieurs nouveaux Etats : la Libye (1951), le Mali (1960), le Niger (1960), la Haute-Volta (1960) et l’Algérie (1962). Pour les Touaregs, cette nouvelle division de l’espace et leur nouvelle dépendance à ces jeunes pays les marginalisent. Avec les pays du Sud Sahara par exemple, les rapports dominants-dominés sont inversés par rapport à ce qu’ils ont été dans l’histoire : les jeunes Etats sont dirigés par des ethnies qui, dans le passé, ont été victimes des Touaregs. Tout cela ne se passe pas très bien. Les Touaregs doivent se contenter d’un statut de minorité où toute forme de contestation est durement réprimée.
Au Mali,la grande révolte des Kel Adagh, ceux qui vivent dans l’Adrar des Ifoghas, de 1963 à 1964, que l’on cite souvent comme étant la première rébellion touarègue, est très violemment réprimée par l’armée de Modibo Keïta, avec le soutien du Maroc et de l’Algérie de Ben Bella. Après avoir longtemps nié la réalité de cette dissidence, le gouvernement de Bamako annonce son écrasement complet en 1964. Cette répression provoque une vaste vague d’émigration dans les pays limitrophes, principalement en Algérie et en Libye.
Ceux qui restent, survivent dans des conditions de très grande pauvreté qui deviennent dramatiques avecles grandes sécheresses de 1973-1974, puis de 1984-1986. Pour survivre, les populations sont obligées de se déplacer et perdent une grande partie de leurs troupeaux. Leur arrivée plus au sud provoque de fortes tensions avec les paysans sédentaires, beaucoup abandonnent le nomadisme et échouent dans les villes. On assiste alors à une nouvelle vague d’exode vers l’Algérie et la Libye. Cette marginalisation et ces vagues d’émigration donnent naissance à une nouvelle génération de résistants dont certains apprendront à combattre sur des terrains extérieurs en Libye, au Tchad ou au Liban. Un dossier à suivre la semaine prochaine dans Touaregs, les rébellions
Chronologie et chiffres clés
Les aveux de cheikh Hamad (Qatar) : "En Libye, il y avait trop de cuisiniers, le plat a été gâché"
HuffPost Algérie | Par Hebba Selim
Publication: Mis à jour:
Qatari Prime Minister Sheikh Hamad bin Jassim al-Thani speaks at a news conference with U.S. Secretary of State John Kerry (unseen) in Doha June 22, 2013 | POOL New / Reuters
En Syrie, le Qatar était l'acteur principal dans la crise avant que le saoudiens ne tentent par la suite de monopoliser le dossier. En Libye, le Qatar s'est retrouvé en concurrence avec les Emirats qui soutenaient un autre groupe armé. Résultat des courses : "Il y avait trop de cuisiniers, le plat a été gâché" !
Ces aveux sont de l'ancien premier ministre du Qatar, Cheikh Hamad Ben Jassam ou "HBJ" dans un entretien avec Roula Khalaf du Financial Times.
L'ancien premier ministre qui a quitté ses fonctions depuis près de trois ans après l'abdication de Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani en faveur de son quatrième fils Cheikh Tamim, se livre à un parler-vrai qui éclaire l'action très offensive menée par le Qatar à son époque.
Une action qui a fini par provoquer une crise avec les autres pays du Golfe que Cheikh Tamil a géré par une politique étrangère moins agressive. Hamad Ben Jassem admet que l'approche est "différente".
Il est possible que ce que "nous faisions a suscité beaucoup de jalousie et d'ennemis, mais j'étais un soldat au sein du gouvernement" et l'action menée était "nécessaire" pour que le Qatar soit "reconnu politiquement et économiquement".
"Je vais dire une chose pour la première fois... Quand nous avons commencé à nous engager en Syrie, en 2012, nous avions le feu vert que c'est le Qatar qui conduit (dirige –ndlr) car l'Arabie saoudite ne voulait pas le faire à cette époque. Ensuite, il y a eu un changement dans la politique et Riyad ne nous a pas dit qu'elle nous voulait sur le siège arrière. Aussi, nous-nous sommes retrouvé en concurrence et cela n'était pas sain".
A la question de savoir si la situation s'est répétée en Libye après la liquidation physique du colonel Mouammar Kadhafi où le Qatar et les Emirats ont soutenu des factions qui s'affrontaient, Hamad Ben Jassem répond par une conclusion : "Au final, il y avait la-bas trop de cuisiniers, c'est pour cela que le plat a été raté".
Les iraniens plus malins et plus patients que nous
Sur un plan politique, Hamad Ben Jassem admet que les hommes politiques iraniens surclassent leurs homologues arabes. "Je reconnais une seule chose, les iraniens sont plus malins et plus patients que nous. Ils sont meilleurs négociateurs" a-t-il déclaré.
"Regardez combien d'années ils ont négocié avec les puissances mondiales ! Croyez qu'un Etat arabe puisse négocier pendant tout ce temps ?".
Au sujet des déclarations d'Obama dans le fameux entretien publié par The Atlantic sous le titre "The Obama Doctrine", HBJ exprime une certaine compréhension à l’égard du président américain en relevant que les arabes "n'ont pas montré qu'ils sont des alliés sur lesquels on peut compter."
"Nous devons, a-t-il ajouté, avec des relations excellentes avec Washington mais les Etats-Unis ne viendront pas dans la région comme dans le passé".
HBJ partage néanmoins les regrets exprimés dans les pays du Golfe à l'égard des Etats-Unis : "Il n'y a jamais eu de relations équilibrées entre les Etats-Unis et le Golfe. Durant trente années, la région du Golfe a contrôlé les prix du pétrole pour l'Occident, qu'avons-nous gagné en contrepartie ?".
"Quand les cours du pétrole baissaient trop, ils nous disent maitrisez les prix. Quand les prix augmentent, ils crient et nous désignent sous le nom de cartel en disant que nous ne pouvons faire cela".
HBJ dont la fortune personnelle a été estimée à au moins 1,2 milliards de dollars n'a pas été ébranlé par le fait qu'il soit cité par les Panama Papers, l'impôt sur le revenu n'existant pas au Qatar. "Oui, je ne suis pas pauvre, je suis riche" a-t-il déclaré en 2014 à un journaliste américain.