Dans le sud-est du Niger, déni des autorités face aux souffrances des déplacés de Boko Haram
Vingt mille déplacés vivent désormais à même le sable ou dans des cases en paille délabrées: l’évacuation précipitée des habitants du lac Tchad, très critiquée par les humanitaires, accentue la fragilité du sud-est du Niger menacé par Boko Haram.
«On s’est assis sur les grands principes de gestion de populations!», tonne le représentant d’une importante ONG sous couvert d’anonymat. «Il y a à Niamey un manque de considération du degré de souffrance et de vulnérabilité des personnes».
Le 25 avril, les islamistes de Boko Haram avaient anéanti une position militaire sur le lac Tchad, faisant 74 morts, dont 28 civils. 32 soldats avaient également disparu. Le 30, les autorités nigériennes ripostaient en ordonnant l’évacuation sous cinq jours de dizaines d’îles.
Une quinzaine de milliers d’habitants sont attendus, mais il en viendra plus de 36.000, dont 16.000 Nigérians expulsés ensuite vers le Nigeria. Certains ont raconté leur exode à l’AFP: des dizaines de kilomètres à pied, sans eau ni nourriture, pendant lesquels des mères ont abandonné leurs enfants agonisants…
«Trop peu de dispositions ont été prises pour répondre aux conséquences humanitaires de ces mouvements», déplore Loukas Petridis, représentant de la Croix-Rouge au Niger, qui réclame «des vivres et un accès à l’eau de toute urgence».
Réponse du porte-parole gouvernemental Marou Amadou: «On est dans une situation de guerre où les choses n’ont pas été prévues. On ne peut pas détacher cette crise humanitaire du contexte terroriste».
De la nourriture, des couvertures, des nattes et des seaux ont été distribués aux déplacés par les autorités, assure Yacouba Soumana Gaoh, le gouverneur de la province de Diffa frontalière avec le nord-est du Nigeria, le fief des insurgés.
«La prise en charge a été bonne. On ne peut donner que ce qu’on a», ajoute-t-il avec aplomb, dénonçant une «campagne d’intoxication» contre le régime.
– Dénuement criant –
A Bosso, petit bourg à un jet de pierre du Nigeria où nombre d’entre eux vivent depuis lors, le dénuement des déplacés est pourtant criant. Des centaines de personnes, assises sous un soleil de plomb, attendent stoïquement la distribution de sacs de riz.
La Croix-Rouge et l’ONG Médecins sans frontières sont les deux seules organisations actives sur place. L’ONU, qui circule sous escorte militaire dans la région, et les autres ONG considèrent la zone trop risquée.
Des centaines de soldats nigériens et tchadiens sont ainsi basés à Bosso, craignant d’éventuelles incursions islamistes.
«Le sud-est du Niger, c’est un peu le summum de ce qui peut arriver. Il y a des problèmes sécuritaires, de réels problèmes humanitaires, un terrain ultra-compliqué avec des moyens limités», explique un cadre d’ONG.
L’enjeu dépasse largement celui des déplacés du lac Tchad. Ces deux dernières années, quelque 150.000 personnes ont fui Boko Haram au Nigeria et au Niger. Solidarité oblige, les 600.000 habitants du cru ont aidé leurs voisins en péril. A présent, les greniers des maisons sont vides.
Les paysans n’ont pu cultiver cette année sur les rares terres arables, contiguës à la rivière Komadougou qui sert de frontière avec le Nigeria, par crainte des islamistes.
Sécurité toujours, des centaines de kilomètres de frontières sont fermées et le commerce avec le Nigeria a chuté.
Reste l’élevage, principal pourvoyeur de ressources de la zone, et l’espoir que la saison des pluies, prévue en juin, soit bonne.
«S’il ne pleut pas du tout, ce n’est pas Diffa qui sera le problème, mais tout le Niger», pays sahélien très pauvre parmi les plus aidés au monde, analyse Benoît Thiry, le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM), «optimiste» pour le Sud-Est.
A Diffa, des semi-remorques gorgés de riz quittent chaque jour l’entrepôt du PAM, qui prévoit de nourrir sous peu 140.000 réfugiés, en plus de 80.000 habitants de la province, soit plus d’un quart de sa population.
«Les problématiques s’amplifient. Et en même temps, ça ne suit pas en terme de mobilisation financière de la communauté internationale», s’agace Benoît Moreno, le porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).
Un autre cadre humanitaire salue la «résilience énorme» des victimes de Boko Haram, qui n’émeuvent pas les bailleurs étrangers mais «ne demandent jamais rien». Et ne semblent pas près d’obtenir davantage.
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