Boko Haram, Shebab, Aqmi Et Mujao : les solutions de continuité de la domination occidentale
- Dénis AMOUSSOU-YEYE
- 9 mai 2014
Une avocate française, conseil du sud-américain Ramirez Illich SANCHEZ dit CARLOS, a fini par tomber amoureuse de son célèbre client parce qu’elle avait épousé sa cause : il ne s’agit pas pour elle de terrorisme, mais des réactions de « l’islam révolutionnaire »,expression politico-idéologique de gens exploités et ployant sous la domination impérialiste du Système Mondial Capitaliste (SMC).
Elle n’est pas un cas isolé ; on trouve actuellement en Occident, des milliers de jeunes qui ont épousé de même la cause de l’islamisme radical et qui entre deux épisodes terroristes, partent combattre comme djihadistes en Syrie, au Yémen, au Mali, en Afghanistan et en Irak. Ne nous épuisons pas dans cette gymnastique intellectuelle ardue tendant à séparer l’islamisme, radical, révolutionnaire ou non, de sa source nourricière, l’islam. Parce que les religions sont comme des caméléons : elles prennent la couleur de leur environnement socio-historique. Voyons donc :
- le christianisme primitif auparavant persécuté est devenu la religion triomphante de l’Empire romain quand l’empereur Constantin se convertit à cette religion ;
- Il conserva son statut de religion catholique (universelle) même après les invasions barbares et la chute de l’Empire romain d’Occident, pour devenir au Moyen-âge cette religion féodalo-rurale encore prégnante dans le catholicisme ;
- au 16ème siècle, la Reforme le transforma en une religion urbaine et bourgeoise, laissant à chacun son libre arbitraire, ne retenant rien de particulier ici-bas comme rite contraignant. Le fidèle doit avant tout se fier à la seule Seigneurie du Créateur et à sa grâce ;
- au 18ème siècle, siècle des Lumières, il fit siennes la liberté de conscience et la tolérance religieuse ;
- au 20ème siècle, il perdit une bonne partie de ses rites expiatoires, ne conservant essentiellement que l’attitude propitiatoire face à Dieu perçu avant tout comme un Dieu d’amour et de miséricorde, et non pas le Dieu jaloux et punitif de l’Ancienne Alliance.
L’islam de même est né dans certaines conditions socio-historiques. Son Prophète et ses premiers disciples n’ont pas eu à subir les persécutions de leurs concitoyens et les martyres de l’autorité politique dominante, comme au début de la chrétienneté. Au contraire, le Prophète Mohamed (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) s’est révélé non seulement comme un commerçant aisé, mais comme un fin chef politique et un grand stratège militaire. D’où d’un côté la résignation et les martyres, de l’autre la foi conquérante face aux « infidèles » à qui s’offre cette alternative : se soumettre à l’islam ou être passé au fil de l’épée ! Ce fut de cette façon que l’Empire arabe s’est étendu d’abord en Arabie elle-même, puis dans toutes les possessions de l’Empire byzantin au Moyen-Orient, au Proche-Orient dans le Maghreb et en Egypte, en Espagne, etc. Cette domination politique fut relayée par la domination islamique en Perse et dans de vastes étendues de territoires peuplés de Turco-mongols dont une branche, les Ottomans, détruisit ce qui restait de l’Empire byzantin et remplaça les deux empires par la Sublime Porte. Or, dès le 19ème siècle, l’Europe enrichie par le pillage du Nouveau monde et la Traite atlantique, est devenue la puissance impérialiste mondiale. Elle est partie à la conquête de toutes les parties de la terre ; avec une différence de taille par rapport aux précédentes dominations dans l’Histoire : la bourgeoisie capitaliste avait définitivement fait de la foi religieuse une affaire de conscience personnelle ; il n’est plus question d’imposer sa religion, en l’occurrence le christianisme, à qui que ce soit. Sa devise : contentons-nous de l’exploitation économique avec ou sans domination politique. Elle laissait donc se perpétuer des poches de pauvreté dont les damnés (Frantz FANON) n’avaient d’autre bouée de survie que l’enkystement dans des pratiques et croyances religieuses momifiées (Albert MEMMI). Bien plus, certains colonisateurs, surtout les Britanniques, se foutaient pas mal de « civiliser » en les assimilant aux valeurs européennes laïques les nouveaux peuples conquis qui dis-je se sont enkystés dans leurs croyances religieuses. Mélange détonnant de misère et de fanatisme dont nous voyons actuellement les effets pervers. Les Haoussas de Boko Haram n’ont visiblement guère été pénétrés par la civilisation occidentale qu’ils ne connaissent pas et qui pour eux est haram, parce que source de leur arriération; effet boomerang de la domination britannique au Nigeria. On a exploité économiquement, dominé politiquement, sans inculquer aux dominés le sentiment de leur dépendance culturelle et religieuse ; comme l’ont su si bien le faire en général, sauf au Mali face à des peuples rebelles, les colonisateurs français, autrefois maîtres esclavagistes qui avaient réussi à fabriquer dans les Antilles des masques blancs sur des peaux noires (Frantz FANON) ! On ne domine pas à moitié, sinon vous créez votre propre tombe. L’Occident est enmauvaise posture au Pakistan, en Irak, en Afghanistan, au Yémen, en Syrie, au Mali, en Centrafrique, en Somalie et au Nigéria ! Les pratiques des terroristes peuvent nous paraître barbares, mais c’était exactement ce que faisaient leurs illustres devanciers qui n’avaient aucune pitié pour les « infidèles » juifs et chrétiens, encore totalement païens pour eux et donc à traiter comme tels. Le Chef de Boko Haram, l’impitoyable Abubakar SHEKAU, est certes un attardé qui se situe encore dans une logique esclavagiste de razzias de jeunes filles à vendre comme esclaves ; mais des esclavagistes arabescomme Tipow-Tib à Zanzibar et Rabah au Tchad faisaient exactement pareil. Samuel HUTINGTON a raison de parler face au terrorisme contemporain de choc des civilisations!
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