jeudi 6 février 2014

Paris juge « légitimes » les demandes du Niger face à Areva

Le Monde.fr | 
Devant le site Areva à Arlit, dans le nord du Niger.

Les négociation entre le Niger et Areva sur le renouvellement des contrats d’uranium sont à haute teneur politique, comme le prouve le dernier épisode en date. Le ministre délégué au développement, Pascal Canfin, a jugé« légitime », mercredi 5 février, la volonté du gouvernement de Niamey d’augmenter la redevance payée par le groupe nucléaire, qui extrait 40 % de sa production dans l’ancienne colonie française.

Ces déclarations ont eu d’autant plus de retentissement qu’elles ont été faites devant l’Assemblée nationale, engageant ainsi le gouvernement français.
« Les deux parties se sont mises d’accord pour se donner comme date limite la fin février pour trouver un accord qui soit compatible avec les conditions d’exploitation de l’uranium d’Areva, a déclaré M. Canfin, avant d’ajouter : « mais, je vous le dis très clairement, qui permette au Niger d’augmenter les recettes fiscales auxquelles il [a]droit car les demandes du Niger sont considérées par ce gouvernement – et pas par le précédent gouvernement – comme légitimes. »
M. Canfin, qui répondait à une question du député Vert Noël Mamère, a ajouté que « ce gouvernement souhaite que le nouvel équilibre qui sera trouvé soit compatible avec le développement du Niger, qui est conforme à notre intérêt ».
Cet intérêt est économique, puisque le Niger doit devenir le second producteur d’uranium de la planète dans quelques années. L’intérêt est aussi stratégique, puisque Niamey appuie Paris dans la lutte contre les mouvements radicaux islamistes dans la bande sahélienne.
DIFFÉREND SUR LA FISCALITÉ
Pour les organisations non-gouvernementales, qui soutiennent le Niger, il s’agit d’un premier pas important. « Le gouvernement français, pourtant actionnaire à plus de 80 % de la multinationale, était jusque-là resté particulièrement discret, note Anne-Sophie Simpere d’Oxfam FranceLa réponse du ministre du développement laisse penser que le gouvernement suit enfin le dossier de près, et pourrait prendre ses responsabilités d’actionnaire majoritaire d’Areva. »
Mais cela ne signifie pas que Paris et Areva accèderont à toutes les demandes nigériennes, alors que l’entreprise est fragilisée par les incertitudes de la filière nucléaire.
Elle refuse qu’on lui applique la loi minière de 2006, qui augmente sensiblement la fiscalité des sociétés extrayant des minerais et porte la redevance jusqu’à 12 %. Mais cette hausse est modulée en fonction des bénéfices des sociétés, prévoit le nouveau code minier nigérien.
Le cours de l’uranium est aujourd’hui très déprimé, notamment après la fermeture des 54 réacteurs nucléaires japonais après l’accident de Fukushima de mars 2011.
Une nouvelle marche et un meeting sont prévus, jeudi 6 février, à Niamey pourprotester contre « le refus d’appliquer la législation fiscale » opposé par Areva, qui exploite deux mines dans le nord du Niger (à Arlit), et en développe une troisième, à Imouraren, pour un investissement de 1,9 milliard d’euros.
Alors que les deux premières sont appelées à fermer, Imouraren devrait prendre le relais et produire 5 000 tonnes par an.
LE GOUVERNEMENT NIGÉRIEN MOINS VINDICATIF
A l’automne 2013, le ministre des mines, Omar Hamidou Tchiana, avait mis la barre très haut en déclarant que la part de l’uranium dans le budget national devrait passerde 5 % à « un minimum » de 20%.
Mais mi-janvier, il avait tempéré ses propos, tout en réaffirmant que les négociations se poursuivaient « dans l’intérêt exclusif du peuple nigérien », et notamment des 5 000 salariés nigériens d’Areva et de leurs familles. « Il ne suffit pas de taper du poing du table et dire : « On applique la loi » », avait souligné M. Tchiana.
Chez Areva, on rappelle qu’au-delà des impôts, taxes et redevances, le groupe participe à la rénovation d’écoles et gère des hôpitaux dans le nord du pays. Il dépense 6 millions d’euros par an dans ces activités.
« Nous contribuons directement au budget à travers les emplois que nous créons et les impôts que nous générons, a déclaré à l’agence Reuters le président du directoire du groupe, Luc Oursel. C’est notre contribution, mais nous ne pouvons pas tout faire. »
Le président du Niger maîtrise bien le dossier et suit les négociations de près. Ingénieur des mines formé en France, Mahamadou Issoufou a été directeur d’exploitation de la mine d’Arlit puis de secrétaire général de la Somaïr, de 1985 à 1991, une société franco-nigérienne.
L’enjeu politique est important pour lui. En 2016, il se représentera devant les électeurs auxquels il avait promis, lors de la campagne électorale de 2011, une meilleure retombée des royalties tirées des ressources minières. Les Nigériens l’attendent notamment là-dessus!

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