vendredi 2 septembre 2011

Les Touaregs de Ghadamès dans la ligne de mire des combattants libyens


Touaregs à Ghadamès. Photo prise en 2006 et publiée sur Flickr par Freddie H
 
Plus de 500 Touaregs ont fui le sud de la Libye depuis le début de la semaine pour se réfugier en Algérie. Considérée par les anti-Kadhafi comme des sbires de l’ancien régime, cette communauté se sent aujourd’hui menacée.
 
La ville libyenne de Ghadamès se trouve à 650 km au sud-ouest de Tripoli, près des frontières tunisienne et algérienne. Elle est habitée par des Arabes, mais aussi par des Touaregs, des Berbères nomades qu’on retrouve également, parfois sédentarisés, en Algérie, au Niger, au Mali et au Burkina Faso.
 
Une partie des Touaregs de Ghadamès a fui la ville pour se réfugier à Debdeb, un village algérien situé à 20 km de la frontière.
 
Bilal fait partie des Touaregs qui ont fui Ghadamès pour Debdeb :
 
Le 27 août, les combattants anti-Kadhafi nous ont ordonné de quitter Ghadamès. Ils nous ont menacés et ont écrit sur les murs de la ville 'Mort aux Touaregs !'. Mardi, ils ont même tué l’un des nôtres [un autre de nos Observateurs sur place nous a parlé d’un mort parmi les Touaregs de Ghadamès]. Ils disent que, contrairement à nous, ils sont les véritables habitants de la région, que nous n’avons rien à faire ici, et nous accusent d’être anti-révolutionnaires. Il est vrai que des Touaregs ont été armés par Kadhafi ces derniers mois, mais il ne s'agit que d'une minorité.
 
Pour le moment, nous sommes installés dans une école, en attendant de rejoindre nos proches qui se trouvent dans les autres villes touarègues du sud algérien, comme Tamanrasset ou Illizi. Les autorités algériennes ont affrété des bus pour faciliter notre transfert. Et les habitants de Debdeb sont très solidaires. Ils nous apportent de l’eau fraîche et de la nourriture. Nous allons mettre nos familles en sécurité en Algérie, puis nous rentrerons à Ghadamès où nous prendrons les armes. Je pense qu’il va y avoir une bataille sanglante."
 
Les Touaregs de Ghadamès font également les frais de l’engagement d’autres Touaregs venus du Niger et du Mali comme mercenaires pour défendre le régime de Mouammar Kadhafi. Ces derniers sont, pour la plupart, retournés dans leurs pays respectifs après la chute de Tripoli, mais ils ont aggravé le clivage entre les ex-rebelles et les Touaregs locaux.
 
Othmane, un Touareg qui vit toujours à Ghadamès, explique que cette animosité de la part des Arabes libyens est bien antérieure à la révolution :
 
Les affrontements en cours à Ghadamès n’ont rien de politique, c’est un problème ethnique. Des tensions existent entre nos deux communautés depuis les années 1960 et nos relations se sont particulièrement détériorées en 2006 [des rébellions touarègues se sont développées au Niger et au Mali entre 2006 et 2009, poussant des dizaines de milliers d’entre eux à se réfugier en Libye]. Aujourd’hui, ils profitent simplement du fait qu’ils sont armés pour nous terroriser."
 
Des membres du Conseil national de transition (CNT) libyen doivent se rendre bientôt sur place pour essayer de ramener le calme entre les deux populations. Contacté par FRANCE 24, un membre du CNT, sans nier l’origine ethnique du conflit, explique que cet antagonisme est également une conséquence de la politique menée par Mouammar Kadhafi :
 
Kadhafi est connu pour son soutien aux minorités, comme les Touaregs en Algérie ou les Berbères du Polisario, au Sahara occidental. Lors des rébellions touarègues au Niger et au Mali, il a même naturalisé les Touaregs qui sont venus s’installer en Libye. C’est pour cela que beaucoup de Libyens arabes disent que ces nomades ne sont pas de vrais Libyens et qu’ils les associent aux mercenaires.
 
Il faut dire aussi que les habitants de la ville de Ghadamès ont vécu dans des conditions particulièrement difficiles pendant le soulèvement. La ville a été assiégée par les forces pro-Kadhafi pendant quatre mois et privée d’électricité pendant un mois et demi. Cela a contribué à accentuer les tensions. Mais le CNT se porte garant de la sécurité de tous, peu importe l’origine ethnique, tant que les individus acceptent de déposer les armes."
Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24

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